Paul LEROY (décédé en 1917)

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1910). Ingénieur civil des mines.

Publié dans le Bulletin de l'Association des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, Janvier-Février-Mars 1919

Paul Leroy est tombé glorieusement sur le champ de bataille des Flandres, le 22 octobre 1917.

La fin héroïque de notre cher camarade mérite de figurer à la place d'honneur dans le Bulletin de notre Association, car il n'est que justice de rendre un hommage éclatant à sa bravoure et à son abnégation sans bornes.

A l'Ecole, Paul Leroy avait su gagner l'estime et la sympathie de tous. Bon et serviable, il poussait à l'extrême le sentiment de la camaraderie, prévenant même les demandes et consacrant la majeure partie de ses loisirs au Cercle des Elèves et à l'Association.

Travailleur infatigable, il déployait en toutes choses cette activité inlassable, qu'il tenait sans doute du pays industriel dans lequel il avait été élevé.

Pour lui, rien ne devait être négligé et parfois ses camarades les plus intimes le taquinaient même amicalement sur son assiduité aux cours et exercices d'enseignement, militaire.

C'est que notre camarade était animé d'un patriotisme ardent et durant les voyages d'études qu'il fit en Allemagne, son esprit averti avait acquis la conviction profonde que la guerre était proche. Il se préparait donc à la grande tâche qu'il sentait imminente.

Sorti en 1913, dans un excellent rang, Paul Leroy avait accompli sa dernière année de service militaire comme sous-lieutenant au 27e d'artillerie et il venait d'entrer, en juin 1914, à la Compagnie des Mines de Vimy, lorsqu'il fut appelé à reprendre l'uniforme moins de deux mois après.

Il avait su se faire apprécier dans ce court stage par son travail, son dévouement, son intelligence et son caractère, ainsi qu'en témoignent les quelques lignes ci-après écrites par son ancien directeur : « J'ai à déplorer la perte d'un précieux collaborateur qui avait su conquérir rapidement toute ma confiance. C'était un noble cœur et un vaillant, un bon parmi les meilleurs ».

Paul Leroy rejoignit son régiment, au premier jour de la mobilisation. Il mettait au service de l'armée et de la Patrie ces qualités techniques et morales qui faisaient déjà de lui un ingénieur de valeur. Et i] se lança, corps et âme, dans la lutte gigantesque et inégale qui commençait.

Après avoir vécu les mois pénibles et douloureux du début de la campagne, il participait à la poursuite après la victoire de la Marne. Toujours volontaire pour les opérations périlleuses, il méritait, dès octobre 1914, une première citation à l'ordre de l'armée en portant l'une de ses pièces jusque sur la ligne d'infanterie pour détruire les mitrailleuses ennemies qui arrêtaient notre progression.

Une deuxième citation, en mars 1915, puis une troisième en avril 1917, récompensaient encore son courage et son dévouement inépuisables.

Pendant près de deux ans, il avait eu la chance d'échapper aux projectiles ennemis, mais lors des attaques d'avril 1917, il fut atteint par les gaz asphyxiants, blessure plus terrible souvent que la plus affreuse des plaies.

Dès lors sa robuste constitution fut irrémédiablement altérée ; mais l'esprit restait intact ; et au milieu des atroces souffrances qui ne s'apaisaienl que lentement, son unique préoccupation était de voir arriver la guérison pour rejoindre son poste au front. Cette satisfaction lui fut enfin accordée. Bien qu'il fût incomplètement rétabli il reprenait le commandement de sa batterie.

Ce ne fut hélas ! que pour quelques mois ; une dernière citation (la quatrième) consacre dans les termes suivants les mérites de notre pauvre camarade : « Officier de grande valeur, remplissant les [onctions de commandant de batlerie avec une sûreté absolue et le plus grand sang-froid. Ne craignant pas de s'exposer dans les circonstances les plus critiques. — Le 9 octobre 1917, s'est porté sur le terrain conquis aussitôt après l'attaque pour y chercher lui-même des postes d'observation. — A été tué le 22 octobre à son poste de combat, pendant l'attaque. »

Mais à ce témoignage officiel s'ajoute encore la grande estime que Paul Lkuov avait su inspirer à ses chefs, à ses amis, à ses subalternes et qui se reflète dans les différentes lettres écrites par eux à l'occasion de sa mort. « C'est une perte cruelle pour le régiment » dit son chef de groupe. Et son lieutenant et ami, traduisant la pensée de ses sous-officiers et de ses hommes, conclut par cette phrase si touchante dans sa simplicité : « Ce n'était que justice de faire ce que nous avons fait pour lui. car il est de ceux qu'on ne saurait oublier. »

Toutes ces lettres traduisent avec une affliction profonde et sincère la douleur ressentie par tous ceux qui l'ont approché. Et nous nous en voudrions d'en affaiblir la valeur par quelque commentaire.

... Notre camarade était un croyant et son admirable abnégation lui sera comptée ...

Roucher.