Jacques LÉON-LÉVY (1894-1915)

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1914). Ingénieur Civil des Mines


Publié dans Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, Janvier 1917 :

Jacques Léon-Lévy naquit à Paris le 14 septembre 1894 ; il était le fils de M. Léon-Lévy, directeur général de la Société de Châtillon, Commentry et Neuves-Maisons.

Ses vacances passées dans les mines et les usines l'avaient familiarisé de bonne heure avec les questions minières et métallurgiques.

Il fit ses études au lycée Carnot, puis au collège Chaptal, et fut reçu, en 1914, sixième à l'Ecole des Mines. .

Un mois plus tard, la guerre était déclarée. Devançant l'appel de sa classe, Jacques s'engagea dans l'infanterie, dès le début d'août 1914, sans se prévaloir de la qualité d'élève d'une grande école. Il était hanté par l'idée de se battre et craignait de n'avoir pas assez d'occasions de montrer son courage. En décembre 1914, le colonel Cordier, ayant pu apprécier ses connaissances sur l'automobile, le réclama, pour l'affecter à une section d'auto-canons. En février 1915, Jacques partit pour le 13e groupe d'auto-mitrailleurs sous les ordres du commandant Mascart.

Jacques, nommé maréchal des logis, allait languir de nouveau, car ces unités constituées pour la guerre de mouvement restaient inactives dans notre guerre de position. Un instant, pendant l'offensive de septembre 1915, on crut que la cavalerie et les auto-mitrailleuses allaient entrer en action ; mais ce fut une fausse alerte et Jacques écrivait à sa mère : « Nous avons failli avoir un peu de gloire aussi, mais il paraît que nous sommes en sucre, et, au dernier moment, la tristesse dans l'âme, on nous a envoyés à la balade. »

De novembre 1915 à février 1916, les auto-mitrailleurs allèrent relever leurs camarades de l'infanterie dans les tranchées, et Jacques, selon son ardent désir, connut, en qualité de mitrailleur, l'existence vivante et mouvementée des premières lignes.

Réclamé en mars 1910 par l'artillerie, en vertu du décret de 1914 concernant les élèves des grandes Ecoles, Jacques fut appelé à suivre les cours de l'Ecole d'application de Fontainebleau. Puis il rejoignit le 22e d'artillerie comme aspirant, pour être nommé sous-lieutenant au même régiment fin août 1916. Il passa alors trois mois devant Saint-Mihiel, se lamentant d'être dans un secteur qu'il trouvait de tout repos, alors que la bataille faisait rage en Picardie.

Au mois de décembre, le 22e d'artillerie allait se mettre en batterie au nord de Verdun dans un but offensif. Jacques demande à plusieurs reprises à faire partie de reconnaissances périlleuses : il obtint d'être observateur d'infanterie. Le sentiment des responsabilités le hantait continuellement, à tel point qu'il passa une partie de sa dernière permission (octobre 1916) à faire des tirs en chambre avec un camarade amputé de la jambe, afin de s'assurer que « même blessé », il pourrait continuer à régler un tir.

L'attaque était déclanchée le 15 au matin, tous les objectifs étaient atteints ; à la fin de la journée, la ferme des Chambrettes était prise. Après cette brillante avance, les batteries reçurent ordre de se porter en avant et les reconnaissances des officiers aussitôt commandées. L'artillerie ennemie réagissait énergiquement et pilonnait d'une façon ininterrompue les positions que son infanterie avait été forcée d'évacuer.

Jacques sollicita de son capitaine Legrelle l'honneur de faire partie de la reconnaissance. Il partit plein d'enthousiasme, disant à un de ses camarades : « Ah ! mon vieux, quelle saleté que la frousse, heureusement que je ne l'ai jamais ressentie. » Arrivé devant les restes de l'ouvrage d'Haudiomont, le capitaine jugea nécessaire de faire un détour pour éviter le marmitage excessif. Jacques plein d'ardeur s'écria : « Le chemin le plus court est toujours le meilleur. » Mais le capitaine, avec une sollicitude de bon chef, insista, disant : « J'ai charge d'âmes. » On fit le détour, un obus vint éclater sur le groupe : le capitaine Legrelle, Jacques et trois téléphonistes de la 8e batterie furent tués sur le coup, tandis que le lieutenant Paqueron et son téléphoniste de la 7e batterie restés indemnes purent donner tous ces détails.

Le colonel du 22e consacre cette héroïque reconnaissance dans cette citation simple et laconique : « A trouvé une mort glorieuse en effectuant à côté de son capitaine une audacieuse reconnaissance sur un terrain constamment battu par l'ennemi. »

Jacques repose au cimetière de Belleray, sur cette terre lorraine qu'il avait tant désiré voir rendre intégralement à la France, avec l'Alsace, pays de son père. Ses parents hésitent à ramener près d'eux sa chère dépouille, émus du souvenir de ces belles lignes écrites à sa mère sur les victimes du glorieux assaut du 25 septembre 1915 :

« Je ne sais quelles seront les sépultures de ceux qui sont morts aux derniers combats, mais ceux qui ont péri à la Marne et dont j'ai vu les tombes, il y a quelque temps, sont entourés du plus pieux souvenir. La campagne leur sert du plus charmant cimetière : pour la plupart, l'enclos de leur dernier sommeil était décoré avec une simplicité touchante.

« Leur nom importe peu, la place exacte de leur dépouille aussi n'avait pas d'importance. Mais ils étaient couchés pas loin de l'endroit où ils avaient vaillamment combattu et c'est cet endroit qui doit être le lieu le plus cher de pèlerinage pour les parents qui les regrettent. J'aurais voulu que tu voies tout cela, c'est infiniment consolant et reposant. »

Jacques Paraf.