Pierre de LAMEIGNÉ (décédé en 1913)


Pierre de Lameigné en 1886, élève de l'Ecole des Mines de Paris
(C) Photo collections ENSMP

Ingénieur civil des mines de la promotion 1884 de l'Ecole des Mines de Paris.


Bulletin de l'Association des Anciens élèves de l'Ecole des Mines de Paris, Juillet et Août 1913

La mort vient encore de frapper un de nos camarades au périlleux tournant de la vie qu'est pour l'homme l'âge de la cinquantaine.

J'avais vu Pierre de LAMEIGNÉ quelques semaines avant sa mort, à l'un de ses voyages à Paris. Nous avions longuement causé des camarades, de ceux qui occupent de belles situations dans des branches d'industrie très diverses, d'autres qu'on a perdu de vue, mais qui peuvent, quand même, avoir réussi. Je ne me doutais certainement pas que, peu de temps après, j'apprendrais la terrible nouvelle. Sa figure ne portait aucun stigmate d'une grave maladie, aucune trace de fatigue, bien qu'il revînt d'un voyage lointain et rien ne pouvait laisser croire à un dénouement aussi prompt.

Pierre de LAMEIGNÉ est mort subitement au cours d'un voyage d'affaires qu'il faisait à Paris, venant de sa propriété de Ray, dans l'Allier, où il s'était installé il y a quelques années. Il était âgé de cinquante et un ans.

A sa sortie de l'École, en 1887, il partit presque immédiatement pour la Roumanie et c'est en Roumanie qu'à plusieurs reprises, dans sa carrière, il eut occasion de retourner. Il fut un de ceux qui contribuèrent à l'essor considérable qu'ont pris les affaires pétrolifères en Roumanie. Il fut un des artisans de la première heure de la prospérité industrielle actuelle de la Roumanie.

Attaché tout d'abord au service du gouvernement roumain, alors qu'on avait besoin à Bucarest d'ingénieurs français (ce qui n'est, malheureusement, plus le cas aujourd'hui que de nombreux ingénieurs roumains ont été formés à l'enseignement de notre École), Pierre de LAMEIGNÉ fut un des premiers à faire des sondages pour remplacer les petits puits à pétrole. Il découvrit les sources minérales de Gowora et contribua pour une large part à l'installation de cette station balnéaire. Gowora est aujourd'hui le Vichy de la Roumanie

Le premier séjour de Pierre de LAMEIGNÉ en Roumanie avait été de cinq années. Il y revint plus tard passer quelques années encore et diriger comme administrateur-délégué une société d'exploitation, " La Gallo-Romana ". Il fut enfin un des membres les plus actifs du Congrès international du pétrole qui s'est tenu à Bucarest en 1909.

Pour récompenser ses signalés services, le gouvernement roumain l'avait élevé à la dignité de commandeur de la Couronne de Roumanie, alors qu'il était depuis longtemps déjà officier de l'Étoile de Roumanie.

Pierre de LAMEIGNÉ s'était spécialisé dans les questions pétrolifères. Il avait étudié des gisements en Galicie ; il y avait même créé des exploitations, avant qu'on ne parlât de la Galicie comme d'un gros producteur de pétrole, ce qu'elle est aujourd'hui. L'an dernier il fit deux missions pétrolifères importantes, l'une en Birmanie, l'autre en République Argentine pour la banque de l'Union Parisienne.

Sa compétence en pétrole était avant tout reconnue.

Pierre de LAMEIGNÉ avait pourtant abordé l'étude d'autres gisements miniers. Il fut administrateur des mines d'or de Katchkar. Il contribua à la création de plusieurs sociétés d'exploitation des richesses souterraines du globe.

Ce qu'il fit surtout, alors qu'il était en rapport avec des groupes financiers s'intéressant aux affaires minières, ce fut de songer à ses camarades pour leur procurer des situations, ce fut de rechercher ceux de l'École qui étaient susceptibles d'occuper les postes d'ingénieur dont on lui parlait, ou de remplir les missions dont il avait connaissance.

Je pourrais citer les noms de deux anciens élèves de notre École qu'il fit partir en Chine en les recommandant à la Banque internationale L'un d'eux allait expertiser du mercure, l'autre de l'or.

Quant à moi, je lui ai dû d'être présenté à un groupe financier pour reconnaître des mines d'or en Italie et je ne puis que lui témoigner ma reconnaissance, non pas seulement pour avoir indiqué mon nom, mais surtout pour m'avoir donné des conseils précieux qui m'ont heureusement aidé à remplir une mission de tout point difficile.

Pierre de LAMEIGNÉ venait peu à nos réunions. C'était un timide et quelque peu un solitaire. Sa timidité s'est manifestée plus encore du jour où, quittant Paris, il se retira dans sa propriété de Ray, près de Bagneux (Allier), avec sa femme et ses enfants.

Conseiller du commerce extérieur, expert en douane, recherché avant tout pour les expertises de pétrole, il croyait trouver un repos bien gagné dans son pays natal et y jouir de la vie de famille, quand la mort est venue l'arracher à l'affection de tous les siens et à celle de ceux qui, comme moi, ont pu apprécier la loyauté et la droiture de son caractère.

Nous perdons en lui un excellent et dévoué camarade.

La science perd un des spécialistes les plus autorisés en questions pétrolifères.

F. COLOMER.