Discours de M. GUILLET
Directeur de l'Ecole Centrale

Prononcé le dimanche 7 juin 1925 à Paris, salle Hoche

MONSIEUR LE PRÉSIDENT, MESSIEURS,

Ce m'est une très grande joie d'avoir à prendre la parole dans cette belle fête où tous les ingénieurs quelle que soit leur origine, célèbrent si justement deux des plus pures gloires de notre industrie.

Vous me permettrez bien d'ajouter que ce m'est une joie extrêmement profonde, étant donné tout ce que je dois aux hommes éminents que nous fêtons.

J'ai bien soin de ne pas oublier l'accueil si aimable, si bienveillant que me fit, en 1902, M. Fayol, au moment où sous l'égide de mon maître, M. Henry Le Chatelier, je commençais à étudier les aciers spéciaux. Avec cette courtoisie si souriante, que nous lui connaissons, M. Fayol voulut bien m'ouvrir toutes grandes les aciéries d'Imphy. A ce même moment, M. Pourcel m'entourait de ses conseils et me faisait faire la connaissance de son grand ami M. Osmond.

Permettez-moi de vous dire que le directeur de l'Ecole centrale des arts et manufactures doit exprimer aussi sa reconnaissance pour les apports que MM. Pourcel et Fayol ont fait à notre enseignement, qu'il s'agisse des cours de mines, de sidérurgie, de métallurgie générale mieux encore peut-être, des leçons que nous avons été conduits à créer sur 1' « Organisation des ateliers et chantiers » Leurs noms reviennent constamment, et aucun élève ingénieur ne peut ignorer aujourd'hui le rôle capital que joue, pardonnez-moi ce néologisme déjà consacré, le fayolisme, dans l'organisation industrielle.

Mais, je pense bien, Messieurs, que votre président, en me donnant aujourd'hui la parole, a voulu que le métallurgiste résumât ici la grande oeuvre de M. Pourcel et, quelque désagréable que je doive être à mon éminent maître, je lui demande purement et simplement de vouloir bien me continuer cette grande indulgence, qu'il m'a témoignée depuis tant d'années.

Messieurs, l'oeuvre de M. Pourcel mérite de retenir l'attention de tous les ingénieurs métallurgistes, plus particulièrement des jeunes générations.

On peut dire qu'elle est caractérisée par trois points : sa continuité, sa volonté de faire entrer dans la solution des problèmes étudiés la méthode scientifique, comme plus sûr garant d'atteindre économiquement le but proposé, et enfin, troisième caractéristique, la découverte de solutions tellement simples qu'elles nous apparaissent comme de véritables truismes.

Quel que soit l'endroit où s'exerce la sagacité de M. Pourcel, que ce soit à Terrenoire dans cette merveilleuse pléiade de néo-métallurgistes scientifiques, que ce soit à Bilbao ou à Clarence, que ce soit dans nos grandes sociétés : Commentry-Fourchambault-Decazeville, Senelle-Maubeuge ou les hauts fourneaux du Chili, on retrouve toujours les mêmes caractéristiques. Quelques exemples me paraissent utiles à citer.

C'est, avant tout, la guerre livrée à la vieille théorie du magnétisme, du ferricum et du ferrosum, pour lui substituer l'action bienfaisante du manganèse et aussitôt M. Pourcel cherche à préparer le ferro-manganèse sur une échelle réellement industrielle et se sert du haut fourneau ; ainsi il a abaissé le prix de revient au cinquantième de sa valeur primitive.

Puis il s'attaque au grave problème de l'acier moulé ; il montre le rôle capital que doit y jouer le silicium et immédiatement il se préoccupe de la fabrication du ferro-silicium ; il y réussit aussi bien que pour le ferro-manganèse ; il songe alors à la fabrication des autres fontes spéciales au chrome et tungstène et son étude aboutit à l'emploi de la chromite comme matériau réfractaire, tellement cette matière a montré de résistance aux hautes températures et aux actions réductrices.

En 1877, M. Pourcel résume de la façon la plus claire tout ce qui avait été fait au point de vue de la déphosphoration de la fonte et, s'appuyant sur les magnifiques travaux du célèbre métallurgiste Gruner, montre ce qui reste à faire. Ceci se passait avant la découverte de Thomas et Gilchrist et, comme M. Pourcel est un réalisateur, il passe à l'action et, au four Martin, il établit la déphosphoration d'un bain d'acier.

Et enfin, rappelons son mémoire si important, relatif à la « ségrégation » dans lequel il insiste sur le rôle de différentes impuretés et montre comment, dès 1870, Terrenoire avait résolu partiellement le problème, grâce à des méthodes de coulées particulièrement intéressantes.

Vous le voyez, Messieurs, d'un bout à l'autre de cette oeuvre nous trouvons la méthode, essentiellement française, que l'on peut caractériser d'un mot : la Méthode par un grand M.

Mon cher Maître, permettez-moi de vous dire au nom de tous, notre respectueuse admiration et de vous crier un très profond merci. Votre oeuvre vous survivra longuement et nos jeunes générations d'ingénieurs y apprendront toujours les principes les plus utiles. Permettez à celui qui a tant abusé de vos conseils, à celui qui garde un si profond souvenir des longs et fréquents entretiens du square du Roule, permettez-moi de vous dire ici, en disciple respectueux, ma très profonde affection et ma très sincère reconnaissance.