Léon GOUIN (1829-1888)

Ecole des Mines de Paris (élève externe de la promotion 1849). Ingénieur civil des mines.


Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des Mines, Mars-Avril 1888

Notre Association vient de perdre un de ses membres qui laisse parmi nous de bien vifs regrets.

Léon Gouin était né à Paris en 1829 ; il fit ses études au collège Sainte-Barbe et fut admis à l'Ecole des Mines en 1849.

Il débuta dans la carrière d'ingénieur, en 1853, par une mission dans l'Amérique centrale. Après plusieurs mois passés à rechercher et à explorer des mines dans un pays où il eut à lutter contre des fatigues et des difficultés très grandes, il rentra en France atteint d'une maladie de poitrine qui mit sa vie en danger et dont il ne se rétablit jamais complètement.

Attiré, quelques années après en Italie par son frère alors consul de France à Savone, il s'occupa spécialement de l'étude des mines et des gisements nombreux et intéressants de la Sardaigne. Il noua des relations amicales avec plusieurs élèves étrangers qui l'avaient précédé à l'Ecole. Bientôt attaché à diverses entreprises, il sut se faire remarquer et prit une situation qui ne tarda pas à grandir. Grâce à sa notoriété il obtint des concours utiles en Italie, en France et en Belgique. Dans un pays encore primitif, il eut à la fois à diriger l'exploitation et à créer l'outillage industriel ; il établit des voies de transport, routes ou chemins de fer, quais d'embarquement, des exploitations de forêts, une fabrication de charbon de bois. Il a installé, pour le compte des MM. Pétin et Gaudet, l'exploitation de la mine de fer qui porte son nom "Saint-Léon" et a fait construire des hauts-fourneaux.

Dans ses dernières années, il s'était voué à la recherche d'une mine d'argent dont il avait deviné l'existence.

C'est au moment où le succès paraissait avoir couronné ses efforts et où il était venu à Paris pour former une société avec un groupe de personnes ayant en lui la plus grande confiance, que la mort est venue l'enlever en quelque sorte sur la brèche et en peu d'heures, par un suprême retour de la maladie qu'il avait contracté en Amérique.

Une de ses dernières pensées a été pour l'Ecole des Mines, car la veille même de sa mort il y faisait porter encore des échantillons de minerai d'argent, produits de son dernier travail.

Dans une carrière industrielle de près de trente années passées à l'étranger, Léon Gouin a su rester Français; les sollicitations pour se faire naturaliser Italien ne lui ont pas fait faute, et nous en connaissons qui sont même parties de très haut. Il les a toujours déclinées avec cette franchise un peu rude que ses contemporains et ceux qui étaient restés en relation avec lui ont toujours connue. C'est à cette franchise qu'il a dû d'être toujours respecté, alors même que la politique pouvait lui créer des embarras à cause de sa nationalité.

Archéologue passionné et intelligent, Léon Gouin a collectionné des antiquités nombreuses : bronzes, bijoux, monnaies et objets de toutes sortes remontant au temps les plus reculés, dont il a formé un musée que les étrangers visitaient dans sa maison de Cagliari et que nos savants français connaissent bien. Il nous sera peut-être donné de voir figurer ces collections au musée du Louvre, comme un souvenir de notre camarade.

Ce que nous venons de dire se trouve résumé dès le surlendemain de son décès, dans un journal de Cagliari : l'Avenir de la Surdaigne :

Cagliari, 28 avril 1888. - « Un télégramme de Paris est venu apporter à Cagliari une funèbre nouvelle. Après une très courte maladie est mort dans cette ville l'ingénieur Léon Gouin, Français de naissance ; il était devenu Sarde par son attachement, ses amitiés, son industrie. La nouvelle de sa mort produira parmi tous ceux qui le connaissaient une douloureuse impression. C'était un homme actif, intelligent et très instruit.

« Il fut un cultivateur raisonnable des forêts, il cultivait, il ne détruisait pas.

« Ceux qui étudiaient l'archéologie recouraient à lui pour avoir son avis, c'était un collectionneur intelligent et du meilleur goût. Ceux qui étudiaient et qui s'occupaient de mines reconnaissaient sa haute et indiscutable compétence. En ce moment, il se trouvait à Paris pour conclure une affaire de mine d'argent natif qu'il avait lui-même découverte dans la Sarrabus.

« Léon Gouin est mort sur la brèche, en travailleur infatigable ; nous sommes certains d'être les interprètes d'un sentiment commun en envoyant à sa famille désolée les plus profondes et sincères condoléances.»

Ed. LONDE