Albert GONTIER de BIRAN (mort en 1949)

Mort le 12/10/1949.

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1906). Ingénieur civil des mines.


Revue des Ingénieurs, septembre-octobre 1949 :

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Après une courte maladie que rien ne laissait prévoir, il est décédé le 12 octobre, aux premières heures du matin, à la clinique où il avait été transporté. Ses obsèques ont eu lieu presque dans l'intimité le 15 octobre. Elles ont été empreintes de la simplicité qu'il aimait et qui n'a pas permis à notre Association de déléguer un de ses camarades de promotion pour lui dire un dernier au revoir, exprimer au nom de ses camarades nos condoléances à sa famille éplorée et retracer sa carrière.

Après de brillantes études au collège Stanislas, de Biran entrait à notre école en 1905. Dès sa sortie en 1909, il était embauché à la Compagnie des Mines de Courrières où il savait, dès ses détuts, se faire estimer de ses chefs et aimer de son personnel.

Mobilisé comme sergent dès la guerre de 1914 au 108e régiment d'infanterie, il partait aussitôt pour le front et après la bataille de la Marne recevait les galons de sous-lieutenant.

En novembre 1915, il faisait l'objet d'une citation à l'ordre de la 24e Division : « Officier d'une énergie et d'une très grande bravoure, a conduit son peloton à l'assaut du 26 septembre 1915 avec le plus bel entrain. La nuit venue, a beaucoup aidé son chef de bataillon dans l'organisation du terrain conquis. »

Blessé par shrapnell le 8 février 1916 à Neuville-Saint-Vaast, il était retenu loin du front jusqu'en mai et y repartait dès sa fin de convalescence.

En 1917, il était cité à l'ordre du 7e Corps d'Armée avec la citation suivante : « Officier français adjoint technique d'un chef de bataillon russe, s'est distingué pendant les combats des 17-18 et 19 avril 1917 par l'aide qu'il a apportée pour la reconnaissance des positions, la préparation de l'attaque et pour la liaison qu'il a maintenue avec les unités voisines sous de violents tirs de barrage. »

En octobre 1917, détaché d'office à la Compagnie des Mines de Marles, il y restait jusqu'en juillet 1919. A cette date, libéré du service militaire, il décidait de poser sa candidature aux Mines de la Sarre, où ses remarquables qualités tant de technicien que de sage et pondéré conducteur d'hommes le firent désigner, malgré sa jeunesse relative, pour la conduite de la lourde Inspection de Louisenthal, dont il fut bientôt nommé Ingénieur principal.

En 1927, il était décoré de la Légion d'Honneur au titre militaire.

Des raisons familiales l'avaient incité à regagner Paris pour l'instruction de ses quatre enfants. L'Aluminium Français lui ouvrait aussitôt les portes de son siège social où il sut d'emblée par ses connaissances, son travail et son intelligence accéder à l'un des postes les plus importants. Même après son départ de cette Société en 1935, il continua à s'y voir réserver un bureau, où l'on aimait à consulter l'ingénieur ayant sur toutes les questions concernant l'aluminium, les connaissances les plus étendues.

Comme représentant régional de la Région parisienne, il entrait alors aux Etablissements Fournier et Mouillon, qu'il ne devait plus quitter.

Entre temps la guerre était survenue. Pendant l'occupation, il se retira en zone libre, dans sa propriété de Dordogne, où son activité s'employa à la culture, à diverses œuvres sociales nées de la guerre et à maintenir vivante la Société Archéologique du Périgord dont il était membre.

Dès la Libération, il regagna Paris. Malgré son âge et en raison de ses connaissances des langues étrangères, notre camarade fut rattaché comme Commandant à la Mission française de Contrôle de la Sarre, à Berlin, où il vécut de juillet 1945 au mois d'août 1946 dans des conditions particulièrement pénibles à tous points de vue. Parlant couramment l'anglais. le russe, l'allemand, sans compter l'italien, l'espagnol, le tchèque, capable de traduire six ou sept autres langues, jusqu'au sanscrit, c'était bien l'homme qu'il fallait au milieu des alliés, dans cette mosaïque de peuples et de correspondances étrangères.

De Biran était un érudit, à culture générale très étendue. Sans ostentation et naturellement affable, il aimait à diffuser sa science et à en faire profiter ses amis dans les entretiens qu'il pouvait avoir avec eux. Digne héritier de la dialectique de son ancêtre, Maine de Biran, ses développements étaient intarrissables. Il suffisait d'écouter pour s'instruire, en suivant ses exposés pleins de logique, de méthode et de clarté, tout empreints de la plus grande modestie car de Biran était par essence un modeste qui ne se livrait vraiment que dans l'intimité. Il ne recherchait ni les honneurs, ni la popularité, ni le désir de dominer.

Une droiture scrupuleuse jointe à une grande élévation morale lui gagnait la confiance de tous.

Travailleur infatigable et consciencieux, naturellement porté à la bienveillance et à la bonté, il sut toujours s'acquérir au cours de ses diverses activités l'estime de ses chefs et de son personnel.

Ses moments disponibles ne restaient jamais improductifs et il savait les employer à développer ses connaissances ou à s'occuper de travaux et d'oeuvres divers. Nous ne devons pas oublier que pendant plusieurs années il fut l'un des membres les plus assidus du Comité de notre Association où ses avis, en séance, étaient particulièrement écoutés. Rappelons aussi qu'il faisait partie de notre Groupe Littéraire dont il était un des membres les plus fidèles et aux discussions duquel il prenait un part active. Notre Association lui est redevable de remerciements et de gratitude pour le dévouement qu'il lui a apporté.

Dans sa vie de famille, empreinte toujours de la plus belle simplicité, il a suivi et attentivement guidé ses enfants et il a eu la consolation avant sa mort de les voir tous installés dans la vie. Une grande peine pourtant lui était réservée, celle de ne pouvoir dix jours avant sa mort, alors qu'il se trouvait déjà sur son lit de malade, accompagner à l'autel une de ses filles. Il ne pouvait que par ses prières se joindre de loin à l'échange de promesses de ses enfants.

Croyant et pratiquant comme il l'était, il laisse à tous les siens la douce consolation d'une nouvelle vie qui commence pour lui. Il continuera de veiller sur tous les êtres qui lui sont chers, du lieu de repos que Dieu réserve à ses bons serviteurs.

Puissent sa veuve et ses enfants trouver dans cette pensée un peu d'apaisement à leur grande douleur et dans la sympathie cordiale de tous ceux qui ont connu leur cher disparu.

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D. CHARROUX.