Jean GAY

Ancien élève de l'Ecole des mines de Nancy (promotion 1943). Ingénieur civil des mines.


MINES Revue des Ingénieurs, mars-avril 2002 :

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En taupe, au Lycée du Parc, durant la guerre, la vie n'était pas folichonne mais l'optimisme de la jeunesse triomphe de tout. Nous n'étions pas malheureux. Il me souvient que Gay, comme moi, aimait la géométrie de transformation pour des raisons sans doute esthétiques. Rien ne lui était plus agréable que " d'envoyer " deux points judicieusement choisis aux points cycliques pour goûter la joie céleste de voir une famille de coniques se transformer en cercles. Nous nous posions souvent des problèmes de ce genre.

Je me rappelle aussi une longue discussion parfaitement banale sur l'esprit français s'exerçant, non sans malignité, au dépens des personnes et l'humour anglais s'exprimant en regard des situations et des choses. L'époque n'était pourtant ni à l'esprit ni à l'humour. Au lycée, on croisait parfois dans les cours un prof, d'aspect souffreteux. En 1943 il disparut. C'était Georges Bidault parti remplacer Jean Moulin tombé à Caluire.

La rentrée 1943 aux Mines de Nancy fut homérique. Nous étions tous en rupture de ban et très en retard, fuyant qui le S.T.O. qui les Chantiers de jeunesse. Gay arriva alors qu'on ne l'attendait plus, s'arrachant à ses chères montagnes auxquelles il voua, sa vie durant, un véritable culte.

Nous fûmes à l'Ecole surprotégés à la barbe de l'occupant par des hommes qui, pour nous, prenaient des risques énormes ; puis ce fut le déferlement des G.I. grands pourvoyeurs ... de cigarettes blondes !

La vie professionnelle nous happa enfin et nous nous dispersâmes.

Longtemps après je retrouvai Jean Gay chargé, aux Houillères du Centre-Midi, de traiter les problèmes liés aux essais et à la recherche. Il avait la réputation d'un homme austère, méticuleux et quelque peu solitaire. Une sorte d'ermite plus anachorète que cénobite. Sa fonction n'était pas facile. Il l'assumait avec talent.

Souvent, à Paris, nous nous installions côte à côte, au travail comme au restaurant où nous tentions de pratiquer l'esprit français". Ah ! un souvenir très précis : je lui racontais la célèbre inauguration de la foire de Lyon où Herriot avait fait un éloge appuyé de Mgr Gerlier, primat des Gaules ... "car Lyon c'est Gerlier et Gerlier c'est Lyon". Le Cardinal remercia avec chaleur et conclut benoîtement ... "car la Foire c'est Herriot et Herriot c'est la foire". Jean Gay rit de bon coeur.

Nous avons perdu notre ami. Comme dit le poète :

"Ses yeux se sont fermés à la lumière heureuse".

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Georges Dracon (N 43)