Pierre FLORIMONT (mort en 1923)

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1911). Ingénieur civil des mines.


Publié dans le Bulletin de l'association des anciens élèves de l'Ecole des Mines (décembre 1923)

Après une brusque et courte maladie notre camarade Pierre Florimont est décédé le 13 novembre 1923 à l'âge de 35 ans.

De solides études au lycée Saint-Louis l'avaient fait entrer à l'École en 1910 ; il s'y préparait avec joie à la carrière d'ingénieur du fond, pour laquelle il avait toujours montré une véritable prédilection ; mais dès la fin de ses études, au lieu de la carrière à peine entrevue, ce fut la guerre.

Sous-lieutenant à la 3e batterie du 41e régiment d'artillerie, Florimont part dès les premiers jours d'août avec cette unité et pendant toute la durée des hostilités nous le retrouvons mêlé à la plupart des combats dont les noms jalonnent pour ainsi dire l'histoire de la grande guerre. Dès le début il est en Belgique, à Guise, à la Marne ; plus tard il se bat sur l'Aisne, en Champagne, en Woevre, à Verdun, sur la Somme et nous le voyons enfin opposer une résistance victorieuse aux attaques allemandes de juin 1918 et prendre une part active a la grande offensive qui devait, de juillet à novembre 1918, amener la libération définitive du territoire. Les trois citations à l'ordre : du Régiment, de la Brigade, du Corps d'Armée que lui a values sa conduite pendant les hostilités montrent suffisamment comment il avait su comprendre et pratiquer son devoir militaire et en quelle estime le tenaient ses chefs. Nommé lieutenant le 20 juin 1916, il était promu capitaine le 3 juillet 1918 et au mois de décembre 1920 il avait enfin la joie de se voir épingler sur la poitrine la Croix de Chevalier de la Légion d'honneur qu'il avait si vaillamment gagnée pendant les cinquante-deux mois de la campagne.

Des l'armistice Florimont s'efforçait de reprendre la voie qu'il s'était tracée avec tant de joie quatre ans plus tôt ; en juillet 1919 il entrait comme ingénieur à la fosse 2 bis de la Compagnie de Bruay, où il savait de suite acquérir la confiance de son personnel et la sympathie de tous ceux qui entraient en rapport avec lui. Au mois d'octobre 1921 il était affecté à la fosse 5, où il pouvait déployer de nouveau ses qualités de travailleur consciencieux et réfléchi, à la claire et calme intelligence : la mort est venue subitement interrompre son labeur.

Notre camarade Florimont nous laisse, malgré la brièveté de sa vie, l'exemple du devoir toujours parfaitement rempli et du sacrifice consenti avec une sérénité d'âme admirable.

Sous ses dehors un peu réservés, il ne laissait apercevoir qu'une faible partie de ses véritables qualités. Ceux qui ont eu le plaisir de le connaître dans l'intimité ont seuls été capables d'apprécier pleinement son cœur si affectueux, son dévouement si sûr et l'affection avec laquelle il entourait sa famille naissante : sa jeune femme si durement éprouvée, ses deux petits enfants qu'il aimait tant et que la mère sera seule à élever, à guider dans l'existenee.

Que le souvenir qu'il laisse dans la mémoire de tons puisse adoucir pour les siens la douleur qu'ils ont éprouvée en perdant celui qui, après s'être révélé vaillant officier et bon technicien, avait su remplir également bien ses devoirs de père de famille et de bon chrétien.

Au Cimetière du Montparnasse, à Paris, le dernier adieu lui fut adressé par le camarade Léon Didier, ingénieur en chef du fond aux mines de Bruay.

P. Becq (ancien élève de l'Ecole des mines de Paris, promotion 1911)


Voici les paroles prononcées au cimetière :

« C'est avec une profonde et douloureuse émotion que nous venons, au nom de tout le personnel de la Compagnie de Bruay, adresser un dernier adieu au regretté collaborateur que la mort vient de nous enlever si prématurément. Au début de la semaine dernière nous apprenions qu'il était souffrant ; cette indisposition que nous avions cru bénigne prenait rapidement une forme des plus graves et malgré tous les soins qui lui furent prodigués, malgré le dévouement inlassable de son épouse, M. Florimont nous a été enlevé en pleine jeunesse, sans avoir pu récolter le fruit des nombreuses années qu'il avait consacrées au travail. Sa vie fut en effet un continuel labeur :

« Après d'excellentes études au Lycée Saint-Louis et une première année de service militaire, M. Florimont entra à l'Ecole Supérieure des Mines en 1910. Il en sortit en juin 1914 avec le diplôme d'ingénieur civil des Mines et rejoignit aussitôt à Douai le 41e régiment d'artillerie. Il pensait y accomplir en qualité de sous-lieutenant de réserve sa deuxième année de service et entrer ensuite comme ingénieur dans une Société houillère.

La guerre vint modifier ce programme, M. Florimont fut retenu, à l'armée jusqu'en juillet 1919, c'est-à-dire pendant plus de cinq ans, dont près de cinquante mois au front. Dès sa libération il entra à Bruay en qualité d'ingénieur du fond. Après avoir fait des stages dans les différents sièges, notre regretté collègue fut affecté en novembre 1919 a la fosse 2 bis et passait, deux ans après, à la direction de la fosse n° 5 ; il y était encore quand la maladie vint le terrasser. Nous avons pu pendant ces quatre dernières années constater non seulement son zèle et son dévouement, mais encore la sollicitude, la bienveillance et l'esprit de justice dont il faisait constamment preuve vis-à-vis de ses ouvriers. Aussi, déplorons-nous profondément, avec tout le personnel de la Compagnie, la perte de ce travailleur qui n'était encore qu'au début de sa carrière.

« La Compagnie de Bruay perd un de ses bons serviteurs ; mais cette mort si brusque a produit d'autres déchirements :

« Fils dévoué, M. Florimont laisse, écrasés sous le choc, un père et une mère dont il était l'orgueil et la joie.

« Père de famille modèle, il abandonne une compagne éplorée et deux jeunes enfants.

« Ce n'est pas sans un profond serrement de cœnr que nous pensons à ces pauvres parents, à cette veuve inconsolable, à ces deux bébés qui ne sauront que plus tard ce que signifie la mort de leur père.

« Nous cherchons en vain des paroles de consolation à adresser à cette famille si éprouvée, nous ne pouvons que lui présenter de la part de tout le personnel nos respectueuses condoléances et exprimer l'espoir que les regrets unanimes des personnes qui ont connu M. Florimont atténueront leur immense douleur. »

L. Didier (ancien élève de l'Ecole des mines de Paris, promotion 1891)