Christophe Stéphane MONY (1800-1884) dit FLACHAT

Né le 14/2/1800 à Paris, fils de Marguerite Charlotte Marthe née MONY qui venait de divorcer en novembre 1799 de Pierre JALABERT, notaire à Paris. Sa mère se remaria en 1801 à Christophe FLACHAT (1759-1843), ancien procureur devenu affairiste, lui-même fils de Jean-Claude FLACHAT (1718-1775) qui introduisit l'industrie du coton près de Lyon. C'est ainsi que Stéphane MONY devient le frère de Eugène FLACHAT (1802-1873) et de Adolphe FLACHAT (1801-1877).

Stéphane MONY est ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1821).
Il entre en cours préparatoires le 25/7/1820, est admis à suivre le cycle des Ingénieurs civils des mines le 16/3/1821 (classé 3) mais quitte l'Ecole en juin 1821, est rayé des effectifs le 24/1/1822.

Stéphane MONY aura un fils, Stéphane Adolphe MONY né le 24/3/1831 à Paris ; celui-ci est admis en classe préparatoire à l'Ecole des mines de Paris le 16/9/1851, admis comme élève externe le 27/7/1852 classé 2, mais il doit redoubler la 1ère année et est finalement rayé des effectifs de l'Ecole le 30/5/1854. Il épouse Noémie LUCAS. Il meurt en 1909.

Stéphane MONY épouse Jeanne-Marie PELLETIER (1806-1885).

Chevalier de la Légion d'honneur en 1837 pour ses travaux sur la ligne de chemin de fer Paris-Saint-Germain, il est fait officier en 1864 sur proposition du préfet de l'Allier.


Après sa sortie de l'Ecole des mines, il traverse deux phases.

Dans la première, qui va jusqu'en 1840, il papillonne dans l'aventure Saint-simonienne, puis, associé à son frère Eugène Flachat il participe à la construction du chemin de fer Paris - Saint-Germain (avec son frère Eugène, son ami d'enfance Clapeyron et avec l'appui financier de la famille d'Eichthal avec laquelle il est très lié, des Rothschild, Thurneyssen, Davillier et des frères Péreire), puis Paris-Versailles Rive Droite. Il collabore au journal Le constitutionnel, est en procès avec les membres de sa famille à propos des dettes du mouvement saint-simonien et à propos de son mariage (en 1835, il change finalement son nom de Flachat en Mony). Il rédige aussi un traité de mécanique élémentaire et organise une collection de fascicules sur l'industrie. A la fin de cette première période, il est ingénieur en chef des deux lignes de chemin de fer.

En 1840, il est appelé par Paul Rambourg, qui fut son camarade à l'Ecole des mines, à diriger la société Rambourg frères, et à diriger la mine de Commentry.
Il gère la société de Commentry-Fourchambault de 1854 à 1883. En 1854, la société avait été créée par regroupement des sociétés Rambourg et Boigues (représentée par Paul Benoist d'Azy). A partir de 1856, les relations de Mony avec les anciens propriétaires se détériorent : Mony cherche l'intégration industrielle dans une période de conjoncture difficile, alors que Paul Rambourg et Paul Benoist d'Azy souhaitent que chaque établissement conserve son indépendance et sa direction.
En 1874, la société en commandite par actions est transformée en société anonyme. Les familles sont écartées de la direction générale, assurée par Mony aidé de Glachant et de Sessevalle (qui lui succédera après sa mort et jusqu'à la nomination de Fayol). Mony a donc gagné. Il peut se débarrasser de gêneurs comme Alfred Saglio jugé trop proche du vicomte Paul Benoist d'Azy.

Paul Rambourg est maire de Commentry de 1830 à 1862. Charles Martenot est maire de 1862 à 1865. Ensuite Stéphane Mony, qui était au Conseil municipal depuis 1843, est maire jusqu'en 1870, lorsque le sous-préfet nomme à sa place Charles-Auguste Martenot.

Il est élu député en 1868 (seul candidat) et réélu en 1869. Il n'est pas réélu en 1871. Il se présente une dernière fois sur la liste du maréchal Mac-Mahon en 1877, sans succès.


Une excellente biographie complète de Stéphane Mony par Alain Auclair (116 pages) peut être commandée à l'Association du Pays de Montmarault ; contacter Bénito VAL, 30 route de Montluçon, 03390 MONTMARAULT, tél. : 0470076501


Bulletin de l'association des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, Juin-juillet 1884 :

Stéphane Mony était le doyen des membres de notre Association ; il appartenait à la promotion de 1821. Après s'être adonné d'abord à la recherche des mines, il prit part à la construction des premiers chemins de fer des environs de Paris, ceux de St-Germain et de Versailles (rive droite) : il devint ensuite successivement directeur des mines de Commentry et directeur général de la Société Commentry-Fourchambault à laquelle il est resté attaché jusqu'à ses derniers moments. Ingénieur éminent et homme de bien, sa longue carrière est un exemple pour tous.


Commentaires de Henri FAYOL concernant le rôle politique de Stéphane MONY, qui fut son patron à la Société Commentry-Fourchambault, et auquel Fayol succéda (Mony est mort en 1884 et Fayol fut nommé directeur général en 1888). Ces commentaires ont été publiés dans son livre "Administration industrielle et générale (3ème partie)" et relatés dans le livre remarquable de Jean-Louis Peaucelle : "Henri Fayol Inventeur des outils de gestion" (ECONOMICA, 2003) :

L'Administration industrielle dans ses rapports avec la politique

Dans les premières années de ma carrière, j'ai vu le Directeur Général de la Société Commentry-Fourchambault M. Mony, remplir les fonctions de maire de Commentry et de député de l'Allier au grand profit de la Société, de la Ville et de l'État. La houillère et la cité profitaient l'une et l'autre des bonnes relations qui régnaient entre elles ; le Parlement disposait de l'expérience d'un grand industriel ; la Société bénéficiait de la bienveillance du Gouvernement.

La notoriété de M. Mony et l'appui du Gouvernement rendaient toute pression électorale inutile ; en votant en masse pour le patron, la population minière ne faisait que suivre son propre sentiment.

Aux approches de 1870 quelques nuages se formèrent dans ce ciel pur : l'opposition républicaine grandissait ; les scrutins accusaient des défections parmi les mineurs eux-mêmes ; la défiance s'insinuait entre l'élu et les électeurs ; ... l'âge d'or était passé.

La guerre, la défaite et le changement de Gouvernement qui s'ensuivit eurent une profonde répercussion sur l'esprit de la population minière ; les habitudes religieuses même furent modifiées ; les mineurs qui assistaient régulièrement à l'office du dimanche cessèrent d'aller à l'Église et n'y sont généralement pas retournés.

Au point de vue politique, l'humiliation nationale, les souffrances, la misère que l'on reprocha au Gouvernement impérial rejaillirent sur l'ancien candidat officiel. Malgré d'énormes efforts électoraux, qui se prolongèrent jusque vers 1878, le Directeur Général de la Société ne fut plus élu.

Cette seconde période fut la contre-partie de la première : une municipalité hostile ; les fonctionnaires de l'État malveillants à tous les degrés ; des luttes électorales violentes... rendirent l'administration de la houillère très difficile. Pour atteindre l'adversaire politique, on attaquait les intérêts industriels dont il avait la charge.

On sait combien l'industrie houillère est exposée à l'ingérence des Pouvoirs Publics ; elle a aussi de très nombreux contacts avec les municipalités ; les rues, les chemins, les égouts, l'eau, l'éclairage, la police, les écoles, etc. etc. mettent constamment ces deux grands intérêts en présence. Là, comme partout, les dispositions amicales valent mieux que l'hostilité.

Après la mort de M. Mony, ..., la Société Commentry-Fourchambault convaincue que dans les circonstances actuelles, la candidature des grands chefs et même celle des chefs secondaires à des postes électoraux étaient de nature à semer la division dans le personnel, à provoquer la malveillance des pouvoirs publics, en un mot, à nuire gravement aux intérêts de l'entreprise, décida que, jusqu'à nouvel ordre, les agents de la Société devaient s'abstenir d'être candidats. Il était bien entendu d'ailleurs que la liberté du vote des employés et ouvriers serait rigoureusement observée.

Telle est la ligne de conduite suivie par la Société Commentry-Fourchambault et Decazeville depuis une trentaine d'années. Je crois qu'elle a grandement contribué à la tranquillité relative dont tous les anciens établissements de la Société ont joui durant cette troisième période.

À Decazeville la participation des dirigeants aux luttes électorales dura jusqu'à l'arrivée de la Société Commentry-Fourchambault en 1892. Peu d'années auparavant on avait pu voir deux membres du Conseil d'Administration de la Société des Mines et Usines de l'Aveyron se disputer les voix des ouvriers. Aussi la discorde dans le pays était-elle profonde. L'abstention électorale que la Société Commentry-Fourchambault pratiqua immédiatement ne tarda pas à produire ses effets bienfaisants. Entre la Société et la municipalité s'établirent bientôt de bons rapports qui n'ont pas cessé depuis et qui ont grandement facilité le développement de l'industrie et de la ville.

L'abstention électorale est-elle le dernier mot de la sagesse dans l'administration d'une grande entreprise minière et métallurgique ? Je ne le pense pas.

Sans doute, on se figure mal, assistant aux nombreuses séances du parlement, un grand chef chargé de graves intérêts industriels. On n'aime pas à se figurer non plus ce grand chef sollicitant le vote des ouvriers. Mais est-il bon que le Gouvernement soit systématiquement privé des conseils que l'expérience des grandes affaires rend particulièrement intéressant pour l'État ? Est-il bon que l'industrie subisse, sans se défendre, les assauts que le socialisme et les syndicats lui livrent sans trêve ?

L'abstention électorale convenait à la période trentenaire qui vient de s'écouler. Elle nous a permis de traverser sans encombre le règne du député à la blouse à Commentry ; elle nous a permis de rétablir à Decazeville la paix sociale et la discipline industrielle que les luttes électorales antérieures avaient profondément troublée. Elle a eu sa raison d'être et son utilité.

Mais la situation politique, syndicale et sociale s'est considérablement modifiée depuis trente ans : le régime gouvernemental n'est plus l'objectif des luttes électorales ; la puissance des syndicats ouvriers s'est beaucoup développée ; le socialisme est plus menaçant...

Une situation nouvelle réclamait des moyens nouveaux ; ils sont en voie de formation. L'action particulière des chefs d'industrie fait place, peu à peu, à l'action collective plus puissante, plus éclairée et plus pondérée du Comité des Forges et du Comité des Houillères ; l'expérience et la compétence des industriels se condense dans ces Comités qui sont de plus en plus écoutés des Pouvoirs Publics. Ainsi chaque entreprise n'est plus isolée devant l'État ni devant les syndicats ; l'action personnelle du chef n'est point supprimée, mais transformée. Il reste à la régler. C'est le début d'une nouvelle période, non moins difficile ni moins importante que les précédentes.