SOUVENIRS

1848-1878

Charles de Freycinet

Volume 1, paru en 1912 chez Ch. Delagrave éd. (4ème édition)

CHAPITRE IV
LA GUERRE EN PROVINCE ET LA DÉLÉGATION DE TOURS

Depuis l'ouverture des hostilités, le service dont j'étais chargé au ministère du Commerce avait beaucoup perdu de son utilité. Comment demander froidement aux ingénieurs d' « inspecter le travail des enfants et des femmes dans les manufactures » alors que la patrie est en danger? N'avaient-ils pas mieux à faire? Ne se devaient-ils pas à la défense nationale? Et moi-même, allais-je rester oisif dans mon bureau? Attendrais-je tranquillement que l'interruption des communications avec la province me créât d'insupportables loisirs? Le rouge me montait au front à cette pensée. Je voulus apporter ma petite pierre à l'œuvre commune.

Une question technique m'avait préoccupé dès l'ouverture des hostilités Un jour, en compagnie de M. Marqfoy, ancien polytechnicien [Josue Gustave MARQFOY ,né en 1831 à Bayonne, X 1851, fut par la suite trésorier payeur général], de M. Marini, brillant ingénieur des ponts et chaussées [David Amon MARINI, né en 1823 à Marseille, X 1840], et d'un lieutenant de vaisseau, caserne au fort d'Issy, j'avais voulu reconnaître cette partie de la ligne de défense, et nous avions constaté tous les quatre qu'elle laissait fortement à désirer : il y avait une lacune évidente entre les forts d'Issy et de Vanves. Je l'expliquai dans une note que je remis à mon chef direct, M. Ozenne, secrétaire général du ministère du Commerce. Celui-ci en donna communication au général de Chabaud-Latour, président du comité de défense [Francois Henri Ernest, baron de CHABAUD-LATOUR (1804-1885) fut général de division, ministre de l'intérieur, député du Gard, sénateur ; c'est un des juges du maréchal Bazaine]. Les choses en étaient restées là. Voyant le siège imminent, je résolus de m'adresser à l'un des membres du nouveau gouvernement, qui consentirait sans doute à me faire employer comme officier du génie. Après réflexion, je me tournai pour cet objet vers M. Gambetta : il était jeune, il avait de l'initiative ; il ne s'arrêterait pas à ma qualité de civil; il saurait bien, si je réussissais à le convaincre, m'introduire auprès de son collègue de la Guerre.

Le 6 septembre au matin, je me rendis place Beauvau, où venait de s'installer M. Gambetta. Il n'était pas visible, il me fit conduire chez son secrétaire particulier, M. Eugène Spuller. Ce dernier m'écouta avec attention et fixant sur moi le regard bienveillant et interrogateur qui lui était familier : « Ce que vous racontez, dit-il, est intéressant; je pense que le ministre, malgré ses occupations, ne refusera pas de vous entendre ; les questions relatives au siège sont de tout premier ordre. » Il passa dans la pièce voisine et revint au bout d'un instant : « Le ministre est prêt à vous recevoir; mais il vous demandera d'être très bref, car il est surchargé. » Et me précédant, il m'introduisit auprès de l'extraordinaire personnage dont on s'entretenait tant depuis deux ans.

Je n'avais jamais vu M. Gambetta, je ne connaissais même pas sa photographie. Je me le figurais grand et fort, le verbe haut, avec peut-être cette nuance de parvenu que donnent des succès trop rapides. Il devait éblouir plutôt que séduire. Le premier regard me détrompa. L'aspect était éminemment sympathique, les manières simples et naturelles, la voix chaude mais douce. Le visage plutôt pâle s'éclairait de l'admirable sourire que connaissent bien ceux qui ont approché M. Gambetta et qui lui gagnait les cœurs. L'embonpoint maladif, qui envahit M.Gambetta dans ses dernières années et qui s'accompagna d'une forte coloration du teint, n'avait pas encore fait son apparition. L'étroit cabinet dans lequel il siégeait (ce n'était pas le cabinet habituel du ministre) le rehaussait encore par le contraste. L'homme paraissait plus grand dans ce cadre restreint, en même temps on le sentait plus accessible. Je repris l'exposé que j'avais fait à M. Spuller. Mais lui m'interrompant dès les premiers mots : « M. Spuller m'a mis au courant et je vous sais gré de la pensée qui vous amène. Mais nous ne manquons ici ni d'officiers du génie, ni d'ingénieurs. Les bonnes volontés et les talents sont même trop nombreux. Chacun, par un sentiment louable, a voulu s'enfermer dans Paris. Cela ne sert pas les intérêts de la défense. Il nous faut en province des administrateurs, des organisateurs, capables de stimuler les efforts, de les coordonner. Le régime déchu nous laisse des cadres vides. Nous n'avons ni préfets, ni sous-préfets, ni maires. Le parti républicain, jusqu'ici hors des affaires, ne peut nous en fournir en nombre suffisant... Je vois, ajouta-t-il en regardant ma carte, que vous êtes conseiller général de Tarn-et-Garonne ; M. Spuller m'a dit que vous aviez été chef d'exploitation d'une grande compagnie de chemin de fer; vous devez être en mesure d'administrer ce département. Je vais vous nommer préfet à Montauban. »

Je hasardai quelques objections : « Je connais trop de monde, dis-je, à Montauban ; on m'y a vu en relation avec les fonctionnaires de l'Empire, je serai suspect aux républicains. Mon administration pourra se trouver entravée au moment où il importe que tout marche aisément. Mieux vaudrait, ce me semble, m'assigner une autre destination. » M. Gambetta chercha à me rassurer : « Il ne s'agit pas, quant à présent, remarqua-t-il, de s'adonner à la politique, mais de pourvoir à la défense nationale. Devant cet intérêt supérieur, tout s'efface. Vos compatriotes le comprendront. D'ailleurs le temps presse; je n'ai pas le loisir d'examiner d'autres combinaisons. On me demande d'urgence un préfet à Montauban; vous partirez ce soir. Si vous y rencontrez les difficultés que vous prévoyez, vous m'aviserez, et je vous donnerai un autre poste. » Je m'inclinai et pris congé, en remerciant M. Gambetta de la confiance qu'il voulait bien me témoigner.

Je n'eus guère le temps de réfléchir sur ma situation et je courus au ministère du Commerce d'abord, à celui des Travaux publics ensuite (ils étaient désormais séparés), pour la régulariser. M. Magnin et M. Dorian, titulaires de ces deux départements, se montrèrent l'un et l'autre pleins de bienveillance; il me parut que le nom de M. Gambetta aplanissait les difficultés. M. Dorian à son autorisation ajouta des paroles d'encouragement; il insista sur la nécessité d'activer les efforts de la province et, à ce point de vue, il se félicitait de l'appel adressé à des techniciens. Le soir même, ainsi qu'il m'avait été prescrit, je me mis en route.

Je suivais, vers sept heures, la ligne des boulevards pour gagner la gare d'Orléans, quand, à la hauteur de la rue Montmartre, je rencontrai mon ami Audoy, marchant en sens inverse. Nous passions peu de jours sans nous voir, mais le temps m'avait manqué pour le joindre. J'arrêtai ma voiture. « Où vas-tu? » fit-il étonné. « A Montauban », répondis-je, et je lui contai en deux mots mon aventure. « Mais sais-tu bien, reprit-il, que je vais moi-même à Montauban ?» — « Comme préfet? » — « Comme préfet, et j'allais de ce pas chez toi pour te l'annoncer; mon départ est fixé à demain matin. » Stupéfaction des deux côtés. Mes instructions formelles ne me permettaient pas d'hésiter. « Je pars en tout cas, lui dis-je; mais, toi, va à l'Intérieur et tâche d'éclaircir ce mystère. Tu me télégraphieras en gare de Bordeaux où je serai demain matin. » Au ministère de l'Intérieur, l'erreur s'expliqua : la direction du personnel avait désigné Audoy, tandis que le cabinet me nommait directement. Ce dernier choix prévalut et Audoy fut transféré à la préfecture d'Agen. Son télégramme, reçu à temps, me permit de continuer ma route sur Montauban. [Francois Armand AUDOY (Lavaur, 1838 - Montauban, 1892) fut avocat à la Cour d'appel de Paris, préfet du Lot et Garonne, puis trésorier payeur général du Lot et Garonne].

Après un court séjour dans cette ville, où je rencontrai les difficultés prévues, je repartis, avec l'autorisation du ministre, et gagnai Tours pour collaborer à la commission d'armement. Je ne figurais pas parmi les membres titulaires, dont le nombre avait été limité par le gouvernement de Paris, mais j'étais associé aux détails de l'administration et j'émettais des avis sur les questions à l'ordre du jour. Un membre de l'Institut et deux ingénieurs en chef y travaillaient dans les mêmes conditions. Mon ami Marqfoy était membre titulaire et facilita beaucoup mon apprentissage. Par lui, je fus présenté au président, M. Jules Lecesne, homme d'une haute valeur, dont les services, aussi distingués que désintéressés, n'ont pas été reconnus par l'Assemblée nationale comme ils méritaient de l'être.

Cette commission avait un mandat très important. Elle était chargée de suppléer à la pénurie des arsenaux en se procurant à l'étranger les armes et les accessoires nécessaires aux troupes de la province. Déjà fort occupée au moment de mon arrivée, elle le fut bien davantage les mois suivants, quand nos formations de campagne prirent la grande extension qu'on verra plus loin. Sa tâche devint alors écrasante et il fallut toute l'habileté commerciale de M. Lecesne, toute l'activité de ses collègues, pour que l'organe demeura à la hauteur des besoins.

Le séjour à Tours offrait par lui-même un vil intérêt, car le gouvernement de Paris y avait constitué une « Délégation » chargée d'administrer les départements. C'est de là, naturellement, que partaient tous les ordres, comme c'est là aussi qu'affluaient toutes les nouvelles de la guerre. La paisible et élégante capitale du pays tourangeau avait complètement changé de physionomie. Les rues, d'ordinaire silencieuses, étaient sillonnées par les camions militaires et s'animaient d'uniformes variés; parfois les costumes un peu excentriques des francs-tireurs jetaient une note originale et, si ce n'eût été la gravité des circonstances, on aurait goûté l'attrait de ces tableaux pittoresques.

Malheureusement, il était impossible de s'abstraire des préoccupations qui pesaient sur l'esprit public. Cet actif va-et-vient dans les rues de Tours rappelait à tout moment les angoissantes circonstances au milieu desquelles on vivait. Personnellement, je me sentais envahi dans mon travail par une tristesse et une inquiétude grandissantes. Chaque jour, quelque incident tragique révélait la profonde détresse de la province.

L'ennemi avançait vers Paris, rançonnant les villes, incendiant des habitations isolées, fusillant les paysans soupçonnés d'espionnage. Peu d'obstacles étaient apportés à ce flot envahissant. Les grandes armées avaient disparu, quelques restes de troupes se concentraient sur la Loire ; les routes de la Champagne étaient libres. Le cercle d'investissement se fermait autour de Paris. Pour faire face à cette situation désespérée, des miracles d'énergie et de méthode auraient à peine suffi.

Or, il ne semblait pas jusqu'ici que la Délégation de Tours fût en situation de les opérer. Elle avait été constituée sur des bases beaucoup trop étroites, toujours en vertu de la fausse idée que Paris seul résisterait à l'ennemi. Le premier jour, elle se bornait à l'unique personne de M. Crémieux qui, arrivé à Tours le 12 septembre, cumulait en lui tous les pouvoirs. Les diverses administrations, sous sa haute autorité, étaient représentées chacune par un chef de service, de grade parfois secondaire. Les bureaux, peu nombreux, faiblement outillés, se trouvaient hors de proportion avec le travail qu'on attendait d'eux. En ce qui concerne particulièrement le ministère de la Guerre, les dix directions de la rue Saint-Dominique se réduisaient à trois, et l'ensemble du personnel n'était guère que le cinquième de celui de Paris; cela au moment où il aurait dû fournir un effort très supérieur à celui qu'on demande en temps ordinaire.

M. Crémieux, esprit fort avisé, reconnut bien vite l'insuffisance d'une semblable organisation. A peine eut-il touché le sol de la province qu'il se rendit compte de l'impossibilité d'exercer seul la dictature dont il était investi. J'emploie le mot dictature; mais il n'est pas très approprié à l'état de choses qu'on avait voulu créer. Le gouvernement de M. Crémieux restait subordonné à celui de Paris; il n'en était que l'émanation, la Délégation, selon le vocable adopté. Cette dépendance a pesé constamment sur les opérations militaires; elle les a pliées à certaines fins, assignées par le gouvernement central, alors que l'absence de communications régulières rendait extrêmement précaire l'entente qui en était la condition indispensable. M. Crémieux ne pouvait provoquer l'abandon du principe, Paris ne l'eût point écouté; il réclama tout au moins du renfort pour assurer une meilleure exécution du mandat. On lui envoya, le 16 septembre, deux assesseurs : l'amiral Fourichon, chargé de diriger la Marine et la Guerre, et M. Glais-Bizoin, sans fonctions définies. Ce dernier s'attribua bientôt une sorte de contrôle sur les choses de la Guerre; mais son activité peu coordonnée, plutôt intermittente, ne se traduisait guère par des résultats tangibles. Sa bonhomie et son esprit original lui valaient l'indulgence et de nombreuses sympathies.

Malgré cette adjonction, M. Crémieux était le premier à reconnaître que la Délégation ne rendait pas, sous le rapport militaire, tous les services qu'on avait espérés. L'amiral, habitué aux règles inflexibles de la Marine et qui ne pouvait accorder à la Guerre qu'une part de son attention — s'en rapportant d'ailleurs au général Lefort, son sous-ordre — ne voyait pas la nécessité de révolutionner les procédés de l'administration. Tout marchait correctement, régulièrement, mais avec la lenteur qu'entraînait la faiblesse de l'instrument. Il eût fallu commencer par rompre les cadres fixés au départ de Paris, introduire des éléments nouveaux, bref, constituer un ministère de la Guerre en harmonie avec les besoins actuels. Ni l'amiral Fourichon ni le général Lefort n'étaient préparés à accomplir cette besogne, d'essence un peu révolutionnaire.

Tout le monde cependant sentait qu'une réforme s'imposait. Je m'en entretenais souvent avec les membres de la commission d'armement. L'esprit pratique de M. Leccsne saisissait les lacunes d'une administration imbue des traditions bureaucratiques, et qui continuait de fonctionner en temps de guerre comme en temps de paix: « Si j'opérais ainsi, disait-il, je ne me procurerais pas un fusil à l'étranger. » Quelques hauts fonctionnaires, M. Steenackers, chargé des Postes et Télégraphes, M. Durangel, directeur des Affaires départementales et communales, joignaient leurs doléances aux nôtres. C'était l'éternel sujet de conversation dans les repas que nous prenions en commun. Mon ami Marqfoy insistait pour que M. Lecesne et M. Durangel, qui avaient leur liberté de parole auprès de M. Crémieux, fissent un suprême effort sur son esprit, de manière à le décider à intervenir personnellement. M. Crémieux, apprenant que j'étais ingénieur, désira s'en entretenir avec moi. Ces messieurs me présentèrent un soir. Pour m'accréditer, je rappelai à M. Crémieux que j'avais été son aide de camp en 1848 et je lui citai quelques particularités dont il avait gardé le souvenir très net. Il me traita dès lors en vieille connaissance : « L'administration militaire, me dit-il, est bonne, mais elle n'a pas la foi. Elle n'est pas animée du souffle de la grande Révolution; elle suit trop les ornières. Je le répète à l'amiral, mais je ne réussis pas à le convaincre. »

Deux ou trois fois, il revint sur ce sujet et je voyais ses préoccupations grandir. Il y eut au sein de la Délégation quelques discussions orageuses, à la suite desquelles l'amiral abandonna, le 3 octobre, le portefeuille de la Guerre. M. Crémieux en assuma provisoirement la charge et, pour l'alléger, créa auprès de lui un « comité de la Guerre ». Ce comité, présidé par M. Glais-Bizoin, comprenait M. Steenackers, M. Jules Cazot, secrétaire général du ministère de l'Intérieur, M. Clément Laurier, directeur du personnel au même ministère, et M. Alphonse Gent, ancien préfet de Vaucluse; j'étais secrétaire, avec voix consultative. La composition était défectueuse; la compétence militaire manquait. M. Glais-Bizoin, principal personnage, présidait mal, je veux dire présidait trop. Il gardait la parole, se dépensait en discours, où l'esprit abondait, mais il n'aboutissait pas à des conclusions utiles. Ses digressions, souvent piquantes, absorbaient le meilleur temps de la séance. Après trois réunions, les membres découragés désertèrent et allèrent porter leurs doléances à M. Crémieux, lui conseillant quelque combinaison plus efficace.

Dans la soirée du 6 octobre, je fus mandé à son cabinet. J'y trouvai MM. Lecesne, Steenackers et Marqfoy, qui reprirent en ma présence les arguments qu'ils venaient de lui donner. Il ne pouvait, selon eux, résigner le portefeuille de la Guerre, malgré l'écrasante besogne qui en résultait pour lui. Seulement il devait prendre un adjoint, auquel il conférerait certaines attributions officielles et sur lequel il se déchargerait en grande partie. Mais quel adjoint? Pas un militaire, disaient-ils ; car les meilleurs étaient aux armées et d'ailleurs on risquerait de ne pas rencontrer cet esprit novateur, quasi révolutionnaire, que réclamait si justement M. Crémieux. Alors un civil. Mais quel civil? Ici les interlocuteurs successivement se récusèrent, à cause de leurs occupations, qu'ils ne pouvaient abandonner. Pour le même motif, on ne pouvait s'adresser aux autres fonctionnaires de la Délégation. Bref, d'élimination en élimination, ils en arrivèrent à trouver que j'étais le seul civil présentement disponible. Mes titres d'ingénieur et d'ancien chef d'exploitation d'une grande compagnie de chemin de fer leur paraissaient offrir des garanties suffisantes.

Je m'étais tenu hors de la conversation, à quelques pas de distance. A ce moment, M. Crémieux m'appela : « Vous venez d'entendre ce que disent ces messieurs. J'ai besoin d y réfléchir; c'est très grave. Le cas échéant, accepteriez-vous d'être mon délégué à la Guerre? » — « Oui, répondis-je, quoique je ne me dissimule pas la terrible responsabilité que j'encourrais. Je suis prêt à sacrifier, comme vous tous, ma vie pour le pays. » — « Je vous ferai connaître demain ma décision, » reprit M. Crémieux. Nous nous séparâmes ; il était près de minuit.

Le lendemain, M. Crémieux convoqua ses trois interlocuteurs de la veille. D'accord avec eux, il rédigea un décret m'investissant des attributions nécessaires. Il était sur le point de l'envoyer au Moniteur universel— qui suppléait à Tours le Journal officiel — et M. Marqfoy m'avertissait de sa part que j'aurais à prendre mes fonctions dans quelques heures, quand éclata tout à coup, le 7 octobre, celle stupéfiante nouvelle :

Gambetta, parti de Paris en ballon, est descendu à Amiens et se dirige sur Tours.

Je m'en applaudis, car j'y vis le présage d'une accélération dans les préparatifs de la défense. Inutile d'ajouter que la combinaison projetée fut à l'eau. M. Crémieux, qui n'avait assumé le portefeuille de la Guerre qu'à son corps défendant, sous l'empire de la nécessité, jugea que le fardeau serait mieux placé sur les robustes épaules de son nouveau collègue. Il m'avisa qu'il me rendait ma liberté. Je n'avais plus qu'à rejoindre ma famille à Bordeaux, ma collaboration à la commission d'armement ayant cessé depuis la création de l'éphémère comité de défense.

Le 9 octobre, M. Gambetta, fiévreusement attendu, fit son entrée à la Délégation. Il arrivait muni de pouvoirs extraordinaires, avec le double titre de ministre de l'Intérieur et de la Guerre. L'annonce de sa présence bouleversa la ville de Tours. Cette population, si calme et pondérée, qui la veille encore ne paraissait pas se douter qu'elle était gardienne du gouvernement de la France, eut comme une secousse électrique. La renommée du jeune tribun, les conditions dramatiques de son voyage, la fascination qu'il exerçait sur les masses, une sorte de vague croyance à un retour possible de la fortune, tout concourait à donner à son apparition le caractère d'un événement national. Les rues se remplirent de monde; le morne silence des jours précédents fit place à une animation joyeuse. Il sembla qu'une ère nouvelle commençait.

Le lendemain, vers quatre heures, je me trouvais avec Marqfoy devant la porte de la préfecture, où M. Gambetta était descendu. « Pourquoi partir ce soir? me dit mon compagnon. Vous devriez aller le voir, il a été votre ministre. » — « Le voir, non, répondis-je, il est trop occupé ; mais je lui laisserai ma carte, par politesse ». J'entrai dans le vestibule et remis ma carte à l'huissier de service : « Ayez soin, lui dis-je, d'expliquer au ministre que je n'ai pas eu l'indiscrétion de demander à le voir; mais, de passage à Tours, j'ai voulu lui marquer ma déférence ». L'huissier, je ne sais pourquoi, me retint, et, au bout de quelques instants, revint vers moi : « Le ministre désire vous parler; il vous recevra après ses audiences, probablement dans une heure. » Ce court moment, la simple formalité d'une carte déposée, ont décidé de ma destinée.

Après deux heures d'attente, je commençais à croire à quelque bévue de l'employé, lorsque je fus introduit auprès de M. Gambetta. Je m'apprêtais, croyant prévenir son interrogation, à lui rendre compte de ma mission à Montauban, mais il ne m'en laissa pas le temps : « Je sais, dit-il, que vous n'avez rien pu faire d'utile à Montauban; mais il ne s'agit pas de cela. J'avais eu tort de vous y envoyer, vous en êtes parti, c'est une affaire réglée. J'ai ici de bien autres soucis. Avec le ministère de l'Intérieur, j'ai pris celui de la Guerre, afin d'activer les préparatifs, qui ne marchent pas assez vite. Or, je ne puis être partout. Il me faudrait, au ministère de la Guerre, un homme sûr, connaissant ma pensée et capable de la faire exécuter, un autre moi-même, pouvant me suppléer et qui me dispenserait d'entrer dans les mille détails d'une administration absorbante et compliquée. J'ai songé à vous pour ce rôle : voulez-vous l'accepter? » La surprise me rendit un instant muet. Qu'est-ce qui me valait cette conliance? M. Crémieux du moins me connaissait, nous avions causé longuement, il avait recueilli des avis sur mon compte. Mais M. Gambetta ne m'avait vu qu'une fois, pendant cinq minutes, à Paris; encore n'avais-je pu remplir ses intentions. Pourquoi donc me choisissait-il? N'attachait-il pas à la fonction qu'il m'offrait la même importance que M. Crémieux? Ces réflexions traversèrent mon esprit rapides comme l'éclair. Je répondis au ministre que j'étais à sa disposition et prêt à le seconder de toutes mes forces. « Mais, ajoutai-je, quels seront mon titre et mes attributions? » — « Vos attributions, dit-il, ne seront autres que les miennes ; vous les exercerez par délégation et sous mon contrôle. Quant à votre titre, cherchons-le ensemble. » Je lui en proposai deux ou trois, qui ne lui agréèrent point. A la fin, je lui dis : « Je n'en vois qu'un, Monsieur le Ministre, qui puisse répondre à votre pensée; c'est celui-là même dont vous vous êtes servi : le titre de Délégué. Aucun autre ne saurait m'honorer davantage. » L'idée lui plut et, séance tenante, je rédigeai par son ordre le décret d'investiture. Il le signa et en prit une copie pour l'insertion au Moniteur universel. J'ai conservé l'original, qui a pour moi une valeur particulière :

« Le membre du gouvernement de la Défense nationale, chargé des ministères de la Guerre et de l'Intérieur,

« Décrète :

« M. Charles de Freycinet, Ingénieur des Mines, ancien chef de l'Exploitation des chemins de fer du Midi, est nommé Délégué du Ministre auprès du Département de la Guerre, et est chargé de diriger les services en son lieu et place dans les limites qui lui seront tracées par le Ministre.

« Il adressera au Ministre un rapport journalier sur la marche des affaires.

« Tours, le 11 octobre 1870.

« Le membre du Gouvernement de la Défense nationale

« Léon Gambetta. »

Le ministre me congédia. « Vous prendrez, me dit-il, votre service demain. En attendant, n'en parlez à personne. »

A la sortie de la préfecture, je rencontrai M. Léonce Detroyat, ancien officier de marine, directeur du journal la Liberté, dont j'avais fait la connaissance à Paris chez Marqfoy et avec lequel j'entretenais des rapports cordiaux. Après quelques mots échangés sur la situation, il me dit en baissant la voix : « Je vous confie en grand secret — car la signature n'est pas encore donnée — que Gambetta m'a délégué au ministère de la Guerre pour des fonctions importantes ». Je le regardai avec étonnement et ne pus réprimer un sourire, me demandant si le quiproquo de Montauban allait se renouveler. « Vous me voyez surpris, répliquai-je, car votre mission ne me parait pas en harmonie avec les idées que M. Gambetta m'exprimait tout à l'heure. Excusez-moi de ne pas vous en dire plus long maintenant. Mais il faut que nous voyons tous deux le ministre ce soir même. » M. Gambetta nous reçut vers neuf heures. Prenant la parole le premier : « M. Detroyat, lui dis-je, m'a fait part de vos intentions à son égard, sans toutefois préciser les attributions dont il serait investi. Permettez-moi de vous demander respectueusement dans quelles conditions nous serions placés l'un vis-à-vis de l'autre. » M. Gambetta expliqua que ma délégation était d'ordre général, tandis que celle de M. Detroyat était restreinte à un objet particulier, à savoir : prendre connaissance des télégrammes de la journée, de manière à renseigner immédiatement le ministre sur les faits importants. Il reconnaissait d'ailleurs que cette mission, la première en date, perdait beaucoup de son utilité depuis que la mienne avait été conçue avec des bases plus larges. Il ajouta même que des frottements seraient à craindre, s'il ne savait pouvoir compter sur notre excellent esprit. Entrant dans son idée, je n'eus pas de peine à montrer qu'en dépit de notre bon vouloir réciproque nous risquerions de nous gêner, car pour le renseigner exactement il serait nécessaire, en bien des cas, de pénétrer dans le service. Une seule délégation me semblait donc préférable et j'offris de m'effacer. Mais M. Detroyat m'arrêta : « M. de Freycinet, dit-il, est ingénieur, il aura plus de compétence. Je me retire. » Il me tendit la main et prit congé du ministre. Peu de jours après, nous l'appelâmes au commandement du camp de la Rochelle, mission dont il s'acquitta à notre entière satisfaction.

Le lendemain matin, ma nomination ayant paru au Moniteur, je me rendis chez M. Gambetta. Je crus utile, dans cette première entrevue officielle, de lui parler à cœur ouvert. Sa franchise, empreinte de bonté, m'y autorisait. « Monsieur le Ministre, lui dis-je, le poste auquel vous m'appelez excitera bien des jalousies chez les civils, bien des défiances chez les militaires. Ces derniers accepteront difficilement mon autorité. Ils vous obéissent, à vous, parce que vous êtes M. Gambetta; mais moi, je suis un inconnu. Ils seront portés à me contester, à en appeler à vous de mes décisions. Vos amis trouveront peut-être que vous m'avez fait la part trop large et les critiques ne me seront pas épargnées. De tous côtés, on cherchera à vous mettre en garde contre moi.

Je vous demande, comme une insigne faveur, de réserver toujours votre jugement jusqu'à ce que vous m'ayez entendu. Je m'engage à ne vous rien celer et à vous dire l'absolue vérité. Nous avons besoin l'un et l'autre de cette mutuelle confiance pour travailler efficacement à l'œuvre immense qui nous attend. » M. Gambetta me prit la main et me dit : « Comptez sur moi comme je compte sur vous. Du reste, si je n'avais pas su que je pouvais compter sur vous, je ne vous aurais pas choisi. » (Il s'était renseigné sur mon compte, je l'appris plus tard, auprès de M. Crémieux, ainsi qu'auprès de MM. Lecesne, Steenackers et Durangel.) Ainsi fut scellé entre nous le pacte qui nous a liés l'un à l'autre pendant toute la guerre et dont notre action s'est heureusement ressentie. Du premier jour au dernier, nous n'avons eu, je puis le dire, qu'un seul but, une même pensée.

Je demeurai quelques instants avec M. Gambetta. Il me donna ses instructions et je me rendis au maréchalat, où siégeait l'administration militaire, pour procéder à mon installation. Mon intention était de ne me priver d'aucun concours. Je déclarai au général Lefort, qui dirigeait les services en qualité de secrétaire général, que le décret rendu ne changeait rien à ses attributions. Il commanderait au personnel comme par le passé ; seulement, au lieu de communiquer avec le ministre, il communiquerait avec moi : c'est de moi qu'il relèverait désormais en tous points. Le général reçut ma notification de bonne grâce, mais sans grand entrain. Il me fit observer que sa présence créait un rouage intermédiaire et ne pourrait qu'occasionner des pertes de temps. Puisque j'entendais donner l'impulsion aux services, pourquoi ne pas la donner directement? Ma pensée serait mieux comprise et je serais plus sûrement obéi. Je sentais la justesse de ce raisonnement, mais je ne renonçais pas volontiers, du moins dès le début, aux lumières et à l'expérience du général. Je le priai donc de tenter un essai qui ne l'engagerait en rien et que nous serions toujours libres d'interrompre. Il ne pouvait, à mon avis, refuser ce nouveau sacrifice à la chose publique. Il consentit, malgré sa fatigue qui, protestait-il, était extrême. On ne saurait nier, en effet, qu'il avait largement payé de sa personne. S'il n'avait pas obtenu de meilleurs résultats, la faute en était non à lui, mais à l'instrument mis entre ses mains et au vice des méthodes employées. L'administration de Tours étant une émanation du ministère de la Guerre à Paris n'avait pas osé s'en affranchir et peut-être n'y avait pas songé. Pour opérer une telle transformation, il fallait toute l'autorité de M. Gambetta.

Notre essai ne fut pas de longue durée. Le troisième jour, le général m'écrivit qu'il était retenu à la chambre par la maladie. Je le trouvai au lit, la figure défaite. «J'avais trop compté, me dit-il, sur ma bonne volonté; vous voyez où cela m'a conduit. Déjà, quand vous m'avez parlé la première fois, j'étais à bout, mais je n'ai pas voulu vous désobliger. Je vous demande aujourd'hui de me rendre ma liberté; j'ai besoin de repos. En continuant à me forcer, je ne serais qu'un embarras. » Cette modestie me toucha. Je voulus encore différer la séparation et j'offris au général quelques jours de congé qui suffiraient sans doute à guérir son indisposition. Mais il insista pour que le gouvernement voulût bien agréer sa démission. J'en référai à M. Gambetta qui, après quelques instants, conclut : « Cela vaudra mieux ; vous serez plus libre de vos mouvements. Je témoignerai ma gratitude au général et lui accorderai un congé de trois mois. »

Au fond, ce dénouement me soulagea. Malgré mon estime pour ce distingué collaborateur, je sentais bien que nous n'avions pas la même manière de voir et qu'il se prêterait difficilement aux projets que je méditais. Une autre considération, secondaire si l'on veut, mais qui avait sa valeur, était celle des locaux. Je n'avais pu trouver dans tout le maréchalat, pour installer mon propre cabinet, qu'une pièce étroite et misérable, sans jour ni air, où je m'éclairais au gaz en plein midi. Chose pire, j'étais éloigné de tous les services et même de mes collaborateurs immédiats, secrétaires réunis en hâte que j'avais besoin de guider.

Le départ du général me procura la solution que j'avais cherchée vainement. Son cabinet était vaste, bien agencé, en communication directe avec les bureaux. Il avait pour annexes deux pièces de moindre importance, où je logeai mon secrétariat, en lui donnant désormais tout le développement nécessaire. J'eus ainsi sous la main l'instrument qui devait m'aider à mettre en branle toute la machine. M. Gambetta qui m'avait visité dans mon réduit et m'avait pris en commisération, me fît compliment : « Relégué comme vous l'étiez à un coin du bâtiment, vous aviez l'air en sous-ordre. On voit maintenant le chef. » C'est de ce jour seulement, 14 octobre, que j'ai exercé mes attributions dans leur plénitude et que commence véritablement ma responsabilité.

Les historiens de la guerre de 1870 n'en ont vu, si j'ose ainsi parler, que les dehors. Ils ont compté les hommes levés, les combats livrés, les résultats obtenus. Ils ont dénombré les forces engagées de part et d'autre; ils ont apprécié le mérite des combinaisons, la sagesse des ordres donnés. Ils ont fait le dramatique tableau de la France envahie, du cercle d'investissement serré autour de Paris, de la séparation de la capitale et des départements, du désarroi causé par des catastrophes inouïes. Mais ce qu'ils n'ont pu voir, c'est ce qui alimentait la guerre, ce sont les efforts cachés, tenaces, désespérés qui ont mis sur pied les armées dont ils notaient les évolutions; ce sont les obstacles de toute nature, souvent vulgaires, qu'on ose à peine nommer, qu'il a fallu vaincre cependant, avant d'amener au jour un seul de ces bataillons qu'ils se plaisaient à recenser.

Voici un détail qui montre de quoi dépendent souvent les affaires les plus sérieuses. L'administration, en venant à Tours, avait omis d'emporter avec elle des cartes d'état-major. La Délégation ne disposait que d'un seul exemplaire de la carte de France, appartenant à la ville et que la municipalité avait obligeamment prêtée à l'amiral Fourichon. Les bureaux travaillaient sur les cartes communes du commerce, qui ne reproduisent pas les accidents de terrain et ne fournissent que des indications insuffisantes, fréquemment inexactes, sur les cours d'eau et les voies secondaires de communication. Les chefs de corps n'étaient pas mieux partagés et devaient régler leurs marches d'après ces documents incomplets. Encore n'avaient-ils pas toujours la possibilité de s'en procurer. Nos précédentes guerres et la confiance qui s'en était suivie avaient déterminé de fâcheux errements. Comme elles s'étaient déroulées à l'étranger, en Russie, en Italie, au Mexique, on ne prévoyait pas que nous aurions à combattre sur notre propre territoire.

Ce manque de cartes me préoccupa vivement. Je songeais à y parer par des réquisitions dans les départements, quand l'officier de marine Jusselain eut l'heureuse idée, originale pour l'époque, de reproduire par la photographie et l'héliographie les carrés de l'unique exemplaire que l'amiral voulut bien nous confier [Pierre François JUSSELAIN, né en 1830 à Saint-Pierre Martinique, X 1830 corps des ingénieurs de la marine, termina sa carrière comme trésorier payeur général de la Guyane française]. En quelques jours, j'obtins quinze mille de ces carrés, à l'échelle d'un cent vingt millième et reliés sur toile. Ils furent immédiatement distribués à nos chefs militaires, selon les régions dans lesquelles ils opéraient. Nous fûmes ainsi à peu près de niveau avec les Allemands qui, eux, dès le temps de paix, avaient soigné particulièrement cette branche du service. J'ai constaté au cours de la campagne, par les fouilles exercées sur les prisonniers ennemis, que les officiers, les sous-officiers même étaient porteurs d'itinéraires exactement tracés, où toutes les indications utiles se trouvaient reproduites, et au moyen desquels ils se guidaient chez nous aussi bien que dans leur propre pays. Le moindre chef de détachement, conduisant ses hommes sur un point de concentration, possédait un itinéraire dressé à son usage par le commandement, à l'aide de ces mêmes cartes d'état-major qui nous manquaient.

Une autre difficulté, dont les historiens n'ont pu se rendre compte, est celle du recrutement du personnel. Je ne parle pas du recrutement de la troupe, mais de celui de l'administration centrale et de certains services spéciaux. Les cadres réguliers étant épuisés, nous dûmes nous adresser aux civils pour suppléer les intendants, les médecins militaires, les officiers du génie, pour diriger les bureaux agrandis, en un mot pour remplir les fonctions correspondant à l'immense extension que nous entendions donner à nos forces. Dans un centre comme Paris où les ressources abondent, on peut, avec quelque loisir, triompher de l'obstacle. Mais à Tours, où nous n'avions ni le loisir ni les ressources, le problème se compliquait terriblement. Il eût été insoluble si le nom de M. Gambetta n'avait fait affluer, des divers points de la province, une multitude de bonnes volontés qui n'auraient pas osé s'offrir à l'administration militaire. En peu de jours, je vis arriver des ingénieurs, des profosseurs, des magistrats, des conseillers de préfecture, des industriels, qui me permirent de compléter les cadres. On ne saura jamais combien de sacrifices obscurs, de labeur silencieux, d'efforts désintéressés ont été consentis par des hommes que rien n'obligeait à quitter leurs foyers, mais qui obéissaient au seul élan de leur patriotisme.

A mesure que l'outil administratif se développait, je me heurtais à cette autre difficulté : le manque de locaux. Le maréchalat, dès mon arrivée, était comble. La Marine occupait le rez-de-chaussée, la Guerre les étages supérieurs. On se rappelle que je n'avais pu y trouver place, avec mon modeste secrétariat du début. Dès que j'eus décidé de doubler ou même de tripler les bureaux, il devint indispensable de nous étendre au dehors. M. Gambetta, à qui j'en référai, m'autorisa à requérir les maisons voisines et à effectuer tous les aménagements nécessaires. Il n'y avait pas d'ailleurs une minute à perdre. Les ouvriers des différents corps d'état, à qui j'expliquai le but de ces travaux, s'y employèrent de jour et de nuit; ils paraissaient heureux de contribuer pour leur part à l'œuvre de la défense et c'est à peine s'ils consentirent à être rétribués pour leurs heures supplémentaires.

J'ai hâte d'en venir aux préparatifs proprement dits.

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Mis sur le web par R. Mahl en 2006