Léon DURASSIER (1844-1928)

Son épouse meurt le 19/8/1931.

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1865). Ingénieur civil des mines.


Publié dans le Bulletin de l'Association des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, juin 1928

Léon Durassier, qui fut pour moi un ami très cher, vient de s'éteindre après une longue existence toute de travail et de dévouement qui fait honneur à notre camarade et en même temps à notre Ecole.

Il était né à Paris en 1844. Son père, d'origine nantaise, avait été capitaine au long cours, puis était entré au Ministère de la Marine. Il y occupa plusieurs postes importante et devint secrétaire de l'Inspection du Génie maritime.

C'est sans doute à ces circonstances et par suite des relations de son père dans les milieux s'occupant des fournitures nécessaires à la construction des navires, que notre camarade eut de bonne heure contact avec les usines et que naquirent ses goûts pour la carrière industrielle.

Car, du côté paternel, où se rencontrent des ascendants sortis de familles bretonnes, aussi bien que du côté maternel où l'on reste dans la bourgeoisie parisienne, aucune attache dans le milieu industriel.

Léon Durassier commence ses études dans des Lycées de province et revient à Paris à 17 ans.

C'est l'âge auquel il convient de commencer la préparation aux grandes écoles. Il visa l'Ecole Polytechnique et entra au Lycée Saint-Louis pour faire ses Spéciales. Il est admissible à l'Ecole Polytechnique, mais ne Franchit pas l'admission définitive.

Limité par l'âge, il ne peut poursuivre plus longtemps la réussite qu'il a recherchée et il aborde donc, aussitôt, les examens d'admission à l'Ecole Supérieure des Mines. Il est reçu tout d'abord aux cours préparatoires en 1864 et entre définitivement à l'Ecole des Mines l'année suivante, c'est-à-dire, dons la promotion de 1865.

Ses trois années d'école se passent dans un travail assidu qui le maintient dans les premiers de sa promotion, il sort avec le numéro 4 au classement définitif.

L'estime qu'il laisse derrière lui, auprès de ses professeurs, lui vaut d'être admis presque immédiatement dans les grands établissements du Creusot, honneur toujours recherché pur un jeune débutant.

Le voici donc lancé dans la carrière de son choix. Il s'y engage avec toute son ardeur habituelle et l'avenir paraît se présenter dans les conditions les plus favorables.

Mais la guerre de 1870 éclate. Il faut quitter les usines. Notre camarade revient aussitôt à Paris, son centre d'appel. Il est incorporé dans le génie comme officier et passe bientôt dans l'état-major de l'amiral Fleuriot de L'Angle.

La paix signée, c'est le retour au Creusot où quatre années de travail assidu se passent dans divers services : la Forge, l'Aciérie et surtout le Laboratoire, qu'il développe et organise, en tenant compte des progrès réalisés dans d'autres usines pour ce service important. C'est là qu'il se distingue dans des recherches très originales sur la déphosphoration des fontes, question particulièrement à l'ordre du jour à cette époque.

De nouveau, notre camarade a rétabli les anneaux de sa carrière industrielle. Tout semble, désormais, devoir lui réussir.

Un accident survient malheureusement ; une piqûre de mouche charbonneuse met ses jours en danger et, après de longues semaines de souffrance, il reste avec une demi paralysie dans la main et une santé fort ébranlée.

Il se décide à revenir à Paris, espérant y trouver une plus rapide guérison et, aussitôt que ses forces le lui permettent, il se remet au travail.

Les circonstances l'entraînent alors à étudier les conditions dans lesquelles les jeunes ouvriers sont occupés dans l'industrie. On vient justement d'établir des règlements sur ce sujet et de créer un corps spécial d'inspecteurs pour en suivre l'application. Il est lui-même appelé à faire partie de ce corps d'inspecteurs, et est amené à s'occuper spécialement de l'enfance ouvrière.

Dès lors, il s'attache avec passion à ses occupations nouvelles, et pendant trente années, il sera un fervent de toutes les études touchant les questions sociales. Il suit en particulier celles qui se rapportent à l'enfance ouvrière et à la mutualité.

Au moment de l'Exposition de 1900. il est nommé rapporteur de la classe 101 « Economie sociale », et reçoit à cette occasion la croix de Chevalier.

Nous le retrouvons encore, en 1926, comme membre des plus actifs de la Société de Protection des Apprentis, et travaillant avec ardeur à la réorganisation de cette Société. Il est même, à ce moment, amené à accepter la présidence du Comité s'occupant du placement des jeunes apprentis.

Au milieu de ces occupations nouvelles, il est loin cependant d'oublier l'orientation première de sa carrière industrielle et il se rapproche aussitôt que l'occasion se présente, du milieu métallurgique qu'il a connu à sa sortie d'Ecole et des études techniques pour lesquelles il a gardé une tendance marquée.

C'est ainsi que, dès 1878, nous retrouvons notre camarade dans |a Compagnie des Forges et Aciéries du Nord et de l'Est. Il en organise les Expositions de 1878 et de 1900.

Enfin, à l'Ecole des Mines même, où il a laissé le Souvenir d'un travailleur, il est choisi comme adjoint à M. de Launay pour aider à l'organisation des Collections de géologie appliquée. Il conserve jusqu'en 1910 le poste de chef de travaux de Géologie appliquée, et prend une part active à l'exécution de la Carte géologique des gîtes minéraux.

Les terribles années de 1914 à 1918 le troublent profondément ; d'autre part, une surdité prématurée que l'âge accentue rapidement, l'oblige à réduire son activité. Mais il continue à se tenir au courant des questions qui ont occupé toute sa vie et l'intérêt qu'il leur a porté se retrouve dans ses préoccupations journalières jusqu'au dernier moment.

Et notre camarade, arrivé à l'âge du grand repos, s'éleint doucement entouré des soins affectueux d'une compagne qui s'est dévouée à sa tâche avec une tendresse infatigable, et les attentions de tout instant d'une fille admirable dans le rôle de dévouement qu'elle a choisi pour sa vie.

Pour ses camarades, Léon Durassier a été, depuis son temps d'Ecole jusqu'à sa mort, un remarquable exemple d'existence laborieuse et modeste. Il n'a pas été de ceux pour qui la vie n'a cessé d'être facile ; des accidents l'ont au contraire atteint, qui auraient pu désorienter gravement des natures moins pondérées que la sienne.

Et ce n'est pas un petit mérite pour notre camarade que d'avoir su aborder bravement de pareilles difficultés et, en les acceptant comme il convient, de continuer sa tâche en toute simplicité, et on faisant œuvre utile.

Edmond Dupuis (Ancien élève de l'Ecole des mines, promotion 1865).