Vsevolod DMITRIEFF (1922-2016)

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1943). Ingénieur civil des mines.

Né le 16 août 1922 à Petrograd. Décédé le 19 mars 2016. Fils de Nicolas DMITRIEFF et de son épouse Sophie née Cheveleff. Marié à Christiane Herlicq. Père de 3 enfants : Sophie, Lucile et Nicolas qui reprit le flambeau de la CNIM.

A son arrivée en France, il fait des études aux lycées Montaigne et Louis le Grand, à Paris. A sa sortie de l'Ecole des mines, il devient ingénieur à la Société langudocienne de recherches et d'exploitation minière (1946-1953) puis au Bureau minier de la France d'Outre-mer (organisme qui fut intégré ultérieurement au BRGM) jusqu'en 1957. De 1957 à 1966, il assure la direction technique de la Compagnie sénégalaise des phosphates de Taïba. En 1966, André Herlicq reprend avec son gendre la société des Forges et Chantiers de la Méditerranée (FCM), qu'il rebaptise CNIM, alors spécialisée dans la production de grands paquebots (méthaniers notamment), de plateformes de forage et de ponts flottants, qui est renommée CNIM. Associé très minoritaire de son beau-père André Herlicq, Vsevolod grimpe rapidement les échelons à la CNIM en devenant administrateur (1970), directeur général adjoint (1972), directeur général (1980), président directeur général (1981-2002) puis enfin président du conseil de surveillance (2002-2009). La CNIM est renommée CIM (Constructions Industrielles de la Méditerranée) en 1987. Vsevolod agrandit progressivement le groupe avec le souci d'une politique de diversification dans des métiers à forte composante technologique et dans des secteurs de croissance : achat de Babcock et Wanson (chaudières industrielles) au début des années 1990, de Lab (traitement de gaz et notamment de fumées issues des chaudières) en 2002, et de Bertin (groupe d'ingénierie de 450 personnes) en 2007-2008. Il est officier de la Légion d'honneur.


Publié dans Mines Revue des Ingénieurs, #493 Septembre/Octobre 2017 :

PROMOTION 1943 DE L'ECOLE DES MINES DE PARIS

Nous ne sommes plus qu'un très petit nombre des survivants de cette promo 43 qui a connu notre École occupée partiellement par l'armée allemande, puis les combats de la Libération et un redémarrage difficile : il faisait froid car nous n'avions pas de charbon (un comble pour une École .. des Mines »). Le laboratoire de chimie avait été partiellement détruit. Mais, reconnaissons-le, nous avons vécu des années heureuses dans notre École libérée et, par la suite, suivi des carrières très diverses mais toujours passionnantes.

Notre petit groupe n'en est que plus frappé par la disparition, coup sur coup, de deux d'entre nous : Gaston Dufresne, décédé le 7 avril 2017, et Henri Carpentier, décédé le 21 juin ainsi que celle de Vsevolod Dmitrieff que nous avons apprise avec beaucoup de retard.

Jean Collardey (P43)

Vsevolod DMITRIEFF

Nous avons appris bien tardivement le décès de notre camarade Vsevolod Dmitrieff survenu le 19 mars 2016. Il est juste de rappeler ici ce que fut la carrière extraordinaire de Vsevolod.

Fils d'une famille d'émigrés russes fuyant la révolution bolchevique, il avait débuté sa carrière au BRGM, où il avait assuré l'équipement et le développement des phosphates de Taïba au Sénégal. Puis il rejoignit le groupe HERLICQ au sein duquel il modernisa et réorganisa profondément la CNIM (Constructions Navales et Industrielles de la Méditerranée) à La Seyne-sur-Mer. Il en assura la présidence et la direction générale pendant 20 ans, puis fut nommé en 2002 président du conseil de surveillance. Son fils Nicolas fut nommé en 2009 président du directoire de la CNIM. Son action industrielle efficace avait permis de sauver de nombreux emplois à la CNIM ce qui lui avait valu d'être fait chevalier de la Légion d'honneur. Il avait eu l'occasion de revenir dans son pays natal au cours d'une mission d'industriels dirigée par le Président Chirac et avait pu à ce titre s'entretenir avec Vladimir Poutine.

Bien que resté profondément Russe dans l'âme, il exprimait toujours une immense gratitude à la France, à laquelle, disait-il, il devait tout, ainsi qu'il devait l'exprimer de façon émouvante lors de la cérémonie de remise de sa Légion d'honneur.

C'est vrai, Vsevolod, tu as beaucoup reçu de notre pays. La France t'a accueilli dans les années de détresse alors que, selon tes propres termes, tu représentais, jeune enfant au bras de ta mère, le seul bien que celle-ci possédait. Mais, ce que tu as reçu, tu avais à coeur de le rendre à ton pays d'adoption. En plus du désir de réinventer un avenir pour sa famille, c'était bien cela que tu t'étais donné comme objectif.

Tu y as parfaitement réussi en faisant de la CNIM, grâce à ton labeur acharné et à ton imagination, un groupe industriel de premier plan aux activités diversifiées (centres de valorisation énergétique des déchets, escaliers mécaniques, chaudières industrielles) tout ceci dépassant largement le cadre de la construction navale de l'ancienne société des Forges de la Méditerranée.

L'avenir de ta famille a bien été « réinventé » comme tu le souhaitais et ta réussite industrielle a été totale.

Voilà une Légion d'Honneur bien méritée, n'est-ce pas ?


Le groupe CNIM, que Vsevolod DMITRIEFF présidait encore en 2008, réalisait à l'époque 555 M Euros de chiffre d'affaires, avec 2900 salariés. Il s'occupait alors d'usines d'incinération, de tubes de lance-missiles, de systèmes de franchissement militaire (pont flottant motorisé), de chaudières industrielles et d'escaliers mécaniques. Vsevolod DMITRIEFF en avait assuré la présidence et la direction générale pendant plus de 20 ans. De 2002 à 2009, Vsevolod DMITRIEFF assura la présidence du directoire, la direction générale revenant à François CANELLAS qui était précédemment directeur général adjoint. La société appartenait à l'époque en majorité aux descendants d'André Herlicq, et en minorité à Dmitrieff et à sa famille. Comment a-t-elle évolué dans les 10 années suivantes ? C'est ce que précise l'article des Echos dont nous reproduisons ci-dessous de larges extraits :

Extrait de l'article "CNIM, une histoire familiale à rebondissements, publié dans Les Echos, 25/10/2018, signé par Cécile Desjardins

Cent soixante-deux ans d'histoire, mais pas un long fleuve tranquille. Le groupe CNIM, né de la création en 1856 par l'Etat des Forges et Chantiers de la Méditerranée, a failli mourir plusieurs fois. Il a été heureusement sauvé par trois générations d'une même famille, pour être aujourd'hui « actif dans le traitement des déchets, la transition énergétique, la protection des Etats et des personnes », c'est-à-dire aussi bien dans la cybersécurité que le nucléaire. « Il a fallu se réinventer plusieurs fois : c'est une histoire à rebondissements qui se termine bien. Voire ne se terminera jamais... » espère Nicolas Dmitrieff, actuel président du directoire, qui aime à rendre hommage à ceux qui « ont fait la maison » avant lui.

Le grand-père maternel, André Herlicq, tout d'abord, qui rachète à l'Etat en 1966 le groupe moribond des Forges et Chantiers de la Méditerranée, pour en faire une société familiale florissante. Le père, Vsevolod Dmitrieff, ensuite : en 1982, lorsque l'Etat décide de réunir sous sa coupe les chantiers navals, il fait le pari de reconstruire une entreprise aux trois quarts amputée. Et enfin, la troisième résurrection est menée par Nicolas Dmitrieff qui, après une première vie d'entrepreneur du monde Internet, accepte en 2009 de prendre la direction de l'entreprise familiale alors assez mal en point.

« Je me suis passionné pour cette entreprise et j'ai compris que je pouvais y consacrer ma vie entière, mais c'était dangereux car la branche Dmitrieff ne possédait alors plus que 10 % du capital », explique Nicolas Dmitrieff, qui emprunte en 2008 pour remonter à 27,5 % puis, en 2014, pour une OPA qui lui permet de reprendre la majorité (57 %), deux autres branches se partageant environ 20 %, avec un flottant d'environ 20 % sur le marché parisien.

L'entrepreneur, qui se dit « autodidacte », affiche un parcours aussi atypique que varié, depuis la conduite de travaux jusqu'au design en passant par des réflexions pré-blockchain. Il découvre chez CNIM le monde très structuré des ingénieurs et des experts. « Il fallait évoluer vers un management moderne, dynamique et enthousiasmant, sans toutefois oublier que l'expertise est essentielle à la crédibilité et au succès de la maison », explique-t-il, porté par la conviction qu'il faut donner du sens au travail. ...

Parmi les grands thèmes de ce discours, l'aspect familial. ...

Quant à l'avenir de ce groupe, qui affiche aujourd'hui un chiffre d'affaires de 635 millions d'euros et compte 2.600 collaborateurs ? Rien ne dit qu'un des trois enfants de Nicolas Dmitrieff ne sera pas intéressé. Mais rien ne presse. « On a du temps. Et ils choisiront... »

Cécile Desjardins