Etienne CAGNIANT (mort en 1917)

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1902). Ingénieur Civil des Mines


Publié dans Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, Juillet 1917 :

Etienne Cagniant savait réveiller dans ses relations amicales des affections si profondes, qu'il n'est pas un de ses amis qui n'ait pleuré sa mort, à l'égal des siens.

Cagniant fit ses études au lycée de Dijon. Il était, en 1914, ingénieur aux Mines de Droitaumont et, par ce fait, un des premiers pionniers de notre gisement lorrain.

Parti à la mobilisation comme adjudant au 58e régiment territorial, il fit dès les premiers jours campagne en Alsace.

Sous-lieutenant en juin 1915, il passa au 12e bataillon de chasseurs alpins, puis, un peu plus tard, au 28e bataillon du génie.

Sa valeur technique, son énergie infatigable, sa conception élevée du devoir, lui gagnèrent l'estime de tous ses compagnons d'arme.

Il obtint en février 1917 son deuxième galon.

Le destin impitoyable et aveugle le frappa au moment où il allait reprendre en Normandie sa place d'ingénieur.

« Cagniant, écrit son capitaine et ami, était non seulement aimé, mais il était admiré de tous ceux qui l'approchaient. Cette admiration s'est accrue pour ceux qui l'ont vu frappé à mort, et pour ceux, même étrangers, qui assistèrent à ses derniers moments.

« Ceux-ci furent d'une fermeté, d'une dignité et d'une grandeur sublimes, quand on songe à la terrible opération (amputation double des jambes) que notre pauvre camarade avait dû subir !

« Il a reçu avec reconnaissance, en pensant aux siens, la croix de chevalier de la Légion d'honneur et la croix de Guerre, en pleine conscience.

« Cagniant était une âme et un caractère. »

De telles paroles dans la bouche de compagnons d'armes sont à retenir. C'est au feu, en face de la mort toujours présente et des dangers sans cesse renouvelés, que l'on éprouve la trempe des cœurs et qu'on la juge.

Pleurons sur notre camarade, tous les espoirs perdus, toutes les énergies disparues au cours de cette guerre. Mais que du moins le souvenir de ce caractère nous soit un réconfort.

Cagniant appartient à une élite. Modeste à l'excès, beaucoup sont passés près de lui sans deviner l'élévation de sa personnalité. Ce grand cœur, droit, ne connut nulle haine, nulle désespérance.

Profondément religieux, austère sans dureté, plus fait pour la vie intérieure que pour le « struggle for life », qui heurte et broye.

Le scepticisme était hors de sa compréhension, il avait la foi et la bonté. Peut-on être incrédule avec un cœur tendre, et cette crainte d'affliger même un enfant ! Jamais il ne pensait qu'aux autres, et à lui, peuvent s'appliquer les paroles du sage : « Ma vie intérieure a conquis par la foi sa liberté ; chaque minute de mon existence a un sens incontestable et profond, qu'il sera en mon pouvoir d'imprimer à chacune de mes actions, celui du bien. »

Th. Guéneau.