Georges Alexandre BRESSON (1846-1911)

Fils de Louis Léopold BRESSON (1817-1890 ; X 1835), ingénieur des pont et chaussées, directeur général des chemins de fer autrichiens. Petit-fils de Etienne Magloire BRESSON et de Brigitte Augustine GUYOT.

Ingénieur civil des mines de la promotion 1865 de l'Ecole des Mines de Paris.


Bulletin de l'Association des Anciens élèves de l'Ecole des Mines de Paris, Juillet-Août 1912

Georges-Alexandre BRESSON naquit le 30 novembre 1846 à Cherbourg, où son père avait été appelé par ses fonctions d'ingénieur des ponts et chaussées.

C'était l'époque où le développement des chemins de fer conduisait les nations étrangères à solliciter le concours des ingénieurs de l'État français ; dès 1857, M. Louis-Léopold BRESSON (1817-1896) se faisait mettre en congé pour aller d'abord coopérer à la construction des chemins de fer russes (1857-1863), puis occuper l'importante situation de directeur général de la Société I. R. P. des chemins de fer de l'État autrichien. Il ne l'abandonna qu'en 1879 pour prendre, encore jeune, une retraite où il emportait les témoignages les plus honorables du succès avec lequel il avait rempli sa mission. M. Louis-Léopold BRESSON était alors grand-officier de l'ordre de François-Joseph d'Autriche (avec plaque), commandeur de l'ordre d'Albert de Saxe, commandeur de l'Osmanié (de Turquie), commandeur de l'ordre d'Ernest-Auguste de Hanovre (avec plaque), chevalier de la Légion d'honneur.

Le séjour de sa famille à l'étranger obligea à placer de bonne heure Georges BRESSON comme interne au Collège municipal Rollin à Paris ; il ne devait le quitter qu'à la fin de 1865 pour l'École des Mines, où il était admis en qualité d'élève au cours préparatoire.

Malgré la réserve de son caractère, BRESSON se fit bien vite apprécier ; mais ce fut surtout à partir de l'année suivante, comme élève externe, qu'il montra sa très grande valeur. Chez lui, aucun point faible : bien qu'il laissât voir une préférence pour la métallurgie, et c'était trop naturel au début de l'âge de l'acier, chez ce fils d'un spécialiste en fait de chemins de fer, il se tenait au premier rang dans l'étude de l'art des Mines. Esprit judicieux, admirablement préparé par d'excellentes études classiques, il s'assimilait sans effort toutes les connaissances vers lesquelles nous acheminaient les éminents professeurs d'alors. Nous tous, ses camarades et ses amis, lui reconnaissions une expérience précoce, une sorte de divination de la pratique ; il avait bien mérité les excellentes notes et le second rang qui lui furent attribués à sa sortie.

Que l'on ne se représente pas l'élève de la promotion 1866 comme un travailleur acharné, hypnotisé par la préoccupation de ses examens. Très régulier dans ses études, il ne s'estimait satisfait qu'après avoir acquis de tout des notions claires et précises, et l'on devait retrouver toujours ces précieuses qualités dans ce qu'il disait ou écrivait. Il arrivait à cela sans grands efforts.

D'ailleurs, doué d'une exceptionnelle diversité d'aptitudes, G. BRESSON savait se faire apprécier partout. On aimait à l'École la joyeuse fantaisie de sa conversation et, entre bien d'autres souvenirs, ma vieille mémoire n'a pas oublié certaine mnémotechnie inventée par lui pour nous rappeler à propos quelques noms de fossiles.

Très homme du monde, il se faisait apprécier comme un excellent musicien, toujours prêt à apporter à qui le sollicitait le plus discret concours. Et cela aussi ne passait pas inaperçu à l'Ecole, où les talents musicaux ne manquaient pas, surtout chez nos anciens.

Que l'on me pardonne de m'attarder à ces souvenirs d'un ami bien cher, de qui je devais par la suite me voir presque complètement séparé.

Avec le commencement de juin 1869 survenait la dispersion de la promotion de 1866.

G. BRESSON avait moins qu'un autre besoin d'initiation pratique, après d'excellents voyages où s'étaient ouvertes toutes grandes devant lui bien des portes habituellement infranchissables. Je me rappelle l'incrédulité des habitants d'Essen lorsqu'il leur parlait de sa très authentique visite des usines Krupp en 1868. D'autres stages, moins sensationnels, l'avaient déjà bien préparé. Ce dut être cependant la pensée de compléter cette sorte d'apprentissage qui le conduisit à Montluçon, où il fut admis comme ingénieur à la Société des Forges de Chàtillon et Commentry.

L'usine Saint-Jacques, où il débuta comme sous-directeur de l'atelier Bessemer, constituait un excellent champ d'expériences : on y était encore. à la période des essais, et non seulement « il avait fallu mettre au point les conditions du matériel, la conduite des opérations, le chauffage et le laminage des aciers, mais on avait à vaincre des inconvénients spéciaux tenant à la nature des fontes employées, qui provenaient des minerais du Berry. Dans la lutte contre ces difficultés, à peine entrevues jusqu'alors, les améliorations réalisées furent dues pour une bonne part à l'intelligent et consciencieux concours de BRESSON, dont les remarquables qualités d'ingénieur furent très appréciées, en même temps que sa nature fine et sympathique lui avait concilié l'affection de ceux qui l'approchaient » (renseignements fournis par Ch. MESURÉ, de la promotion 1865 de l'Ecole des Mines de Paris, ingénieur à la même société).

La guerre survint, qui, pendant près d'un an, tint notre camarade éloigné de son usine.

Le 20 août 1870, G. BRESSON rejoignait comme capitaine le 2me bataillon de garde mobile de l'Allier; bientôt embarqué pour l'Algérie, il n'en devait revenir que pour être licencié le 25 juillet 1871.

Tout nouveau pour lui, le métier militaire allait lui fournir l'occasion de montrer sa supériorité et sa facilité d'adaptation coutumières : aussi, bientôt chargé des fonctions de major, allait-il mériter comme tel les félicitations de tous. En effet, pendant des expéditions qui firent parcourir aux mobiles de l'Allier le Sud-Oranais « grâce à sa sollicitude, à son dévouement, à la façon dont il avait su se débrouiller en toute circonstance, le bataillon n'avait jamais manqué des effets d'équipement et d'habillement si nécessaires à des troupes en campagne, et cela même lorsque les mobiles étaient à plus de dix journées de marche de Mascara » (renseignements fournis par Gaston FAYOLLE, avocat à Montluçon, ancien compagnon d'armes de G. BRESSON).

Rentré à l'usine Saint-Jacques, BRESSON la quittait une seconde fois et pour toujours le 13 mars 1872. Il était appelé au poste important de chef du Secrétariat de la Direction des chemins de fer Roumains, alors sorte de prolongement de la Staatsbahn autrichienne.

Ces fonctions devaient être de peu de durée, en l'attente de la constitution d'une Société Roumaine. Dès 1874, notre camarade était appelé à Vienne avec le titre de directeur-adjoint, puis de directeur des mines et usines de la Société I. R. P. des chemins de fer de l'État.

Quel ne dut pas être l'attrait d'un pareil service pour le jeune ingénieur à l'esprit si ouvert auquel il était confié ! Les Houillères de Brandeisl d'une part avaient de quoi satisfaire en lui le mineur ; mais surtout au Banat de Hongrie, la Staatsbahn possédait un immense territoire soumis à une juridiction particulière, où des mines de fer, des usines métallurgiques et des forges lui constituaient un ensemble de domaines se complétant les uns les autres : tout cela de nature à former pour la monarchie austro-hongroise un précieux réduit industriel tout à fait comparable à ce qu'est le Creusot pour la France.

C'est à mettre toujours mieux ces richesses en valeur que G. BRESSON employa ses rares facultés, comme collaborateur de M. BARRÉ, le très éminent ingénieur au corps des mines qu'il devait bientôt remplacer (renseignements fournis par H. PÉREIRE). Il se signala tout particulièrement dans ces fonctions ; on remarqua à l'Exposition universelle de 1878 la section de la Staatsbahn qui avait été organisée par ses soins, et il fut sérieusement question alors de lui attribuer une importante récompense.

Cependant la colonie française de Vienne, si puissante quelques années auparavant, voyait peu à peu diminuer son influence. Nous avons déjà mentionné le départ de M. le Directeur général BRESSON en 1879. Notre camarade, resté un des derniers à son poste, prenait le parti de donner sa démission en 1884 : il était trop bon patriote pour accepter une situation moralement diminuée.

A sa rentrée en France, G. BRESSON se trouvait plus jeune que ne l'était son père au moment de commencer sa magnifique carrière à l'étranger. Il ne fut pas embarrassé pour trouver de l'emploi à ses belles facultés et à sa précoce expérience.

C'est ainsi qu'il fut en premier lieu représentant de la Société des aciéries de Longwy, puis ingénieur-conseil à la Société de Fourchambault-Decazeville. En même temps, il exerçait les fonctions de commissaire des comptes de l'Aciérie de Pompey et de la Compagnie générale transatlantique.

On le vit surtout se tenir à l'affût de tout ce qui surgissait d'intéressant en fait de métallurgie, en France et à l'étranger, et prompt à le signaler au jour le jour, dans des articles précis et toujours intelligibles pour le simple praticien.

Puis, de temps à autre, il entreprenait des travaux de plus longue haleine, que se disputaient les meilleures revues techniques. Les Expositions universelles de 1889 et de 1900 et les Congrès à l'organisation desquels il avait pris une part considérable, bien que toujours discrète, lui donnaient l'occasion de publier des notices substantielles auxquelles, maintenant encore, on se reporte avec fruit.

Dans l'intervalle, son mariage avec Mlle Elisabeth Chabrier (1887) avait rapproché deux familles bien faites pour se comprendre, après avoir l'une et l'autre pris une glorieuse part à la création de l'industrie des chemins de fer.

La naissance d'un fils (1888) allait bientôt porter la joie à ce nouveau foyer ; par la suite l'éducation et l'instruction de ce fils devenaient le principal souci de notre camarade, qui n'hésitait pas à reprendre ses études pour se mettre au courant des nouvelles méthodes. En cela encore la réussite vint récompenser ses efforts.

Tant de travaux et dans des directions diverses n'avaient pas été sans le fatiguer ; brusquement la plume si généreusement mise au service de tous s'échappa de sa main. Un douloureux silence laissa deviner à ses amis les dernières luttes, jusqu'au jour (30 août 1911) où nous apprîmes qu'il avait cessé de souffrir.

Ceux qui avaient approché G. BRESSON avaient attendu pour lui une plus brillante carrière : ses débuts avaient permis d'espérer que, suivant les traces de son père, il parviendrait aussi haut.

De bonne heure ses services avaient été appréciés, comme en témoignent des distinctions flatteuses ; il était en effet chevalier de l'ordre de François-Joseph d'Autriche, commandeur de l'ordre royal serbe de Tokowo, etc. Oserai-je à ce propos exprimer un regret, celui de ne lui voir aucune décoration française. Il semble cependant que, en paix comme en guerre, en France aussi bien qu'à l'étranger, Georges BRESSON avait fait honneur à son pays.

Tel avait été du moins l'avis de la Société des Ingénieurs civils et, dès 1889, il avait été très sérieusement question de lui décerner la médaille d'or annuelle pour un travail sur la métallurgie du fer et de l'acier en Allemagne. L'intervention d'un ami fit ajourner sa candidature, à la pensée qu'une suite donnée à ce travail assurerait et rendrait plus éclatant le succès de notre camarade : cette suite ne parut jamais.

Pour être restée plus ignorée, cette existence n'a pas été moins méritoire, et G. BRESSON ne dépare en rien la belle famille de gentilshommes lorrains dont une plume fraternelle a pieusement recueilli les souvenirs (Biographies des membres de la famille Bresson qui se distinguèrent dans les carrières diplomatique, judiciaire, administrative, militaire et sa cerdotale, par Henri-Léon BRESSON, 1888).

L. P. 13 juin 1912.