En mémoire d'Emmanuel Berger, sa veuve Monique publie fin 2007 un livre, Les jeunes volcans d'Ardèche. |
Emmanuel BERGER est né le 6 juillet 1939 à Paris 12ème.
Sa mère, Caroline MONTI décède alors qu'il n'a que 2 ans.
Son père, Daniel BERGER, résistant pendant la deuxième guerre, sera arrêté
et torturé par la Gestapo. Il sera ensuite déporté.
Il revient de déportation handicapé. Il vivra avec Emmanuel et sa jeune
soeur dans une très grande pauvreté, et décède quelques années plus tard.
Emmanuel, Orphelin de guerre et Pupille de la nation ira à l'orphelinat à
l'âge de 9 ans.
Il passe un CAP d'ajusteur-dessinateur à 15 ans.
" Fatigué des coups de pied au cul, je décide de tenter de passer le
bac à l'âge de 20 ans (je n'avais vraiment pas l'impression d'être plus
idiot que " les personnages haut de gamme " que je saluais alors avec la
déférence qui s'imposait) en dépit de tous les conseils visant à me
décourager de m'attaquer à un tel défi et me promettant naturellement les
pires aigreurs consécutivement à l'inéluctable échec qui me guettait.
Résultat :
1 - Bac première partie (M') en bossant,
2 - Bac Sciences Ex. en juin ( en tirant le diable par la queue), Bac Math.
Elém. en septembre (je me suis payé les études pendant les vacances en
faisant aide-cuisinier dans une colonie).
Ensuite, Propédeutique en étant pion au départ et enfin ( !!! ) une
bourse, les IPES. Puis, un petit tour par Normale Sup., assistant à la
faculté chez Brousse pendant un an, assistant à la Sorbonne chez Aubouin,
professeur de math, également pendant un an, au lycée de Blois, avant
d'entrer à l'Ecole des Mines de Paris, au début comme Maître- Assistant en
Géologie de l'Ingénieur. " (ces renseignements auto-biographiques nous ont été fournis par son épouse, Monique).
D'un premier mariage naîtront Sandrine et Ludovic. Il épousera ensuite Monique Claye (photographe à l'Ecole des Mines de Paris) en 1982 et leur fille Aline naîtra en 1988.
Conformément à sa volonté, ses cendres ont été dispersées dans le cratère d'un volcan : La Vestide du Pal en Ardèche. Emmanuel Berger disait souvent que La Vestide du Pal n'était pas le plus grand Maar d'Europe mais que c'était sûrement le plus beau !
Biographie par Pierre-Charles de GRACIANSKY, publiée dans Lettre de l'Ecole des mines de Paris, 112, oct. 2002
Brutalement arrêté dans le cours de son existence à l'âge de 62 ans, ce professeur, géologue et vulcanologue, a marqué beaucoup d'élèves de son empreinte.
Emmanuel Berger était l'image même de l'amour de la vie, de la vitalité, de la santé, comme s'il incarnait une éternelle jeunesse. Rien ne laissait imaginer que le samedi 31 août 2002, Emmanuel allait tomber, comme foudroyé, au cours d'un stage d'initiation à la géologie de terrain, destiné à nos élèves recrutés sur titres. Tous descendaient tranquillement une prairie en pente douce sous le col du Rousset, sur le flanc Sud du massif du Vercors. C'était devant un décor de fin d'été, aux horizons lointains tel qu'il savait les goûter. Il était entouré d'un groupe de jeunes gens en quête de leur avenir. Il était dans l'exercice des fonctions d'initiateur aux sciences de la nature à laquelle une grande partie de sa vie était dédiée. Une grâce pour Emmanuel que la mort dans de telles conditions qui rassemblaient une bonne part de tout ce qui était sa vie. Mais la stupeur pour sa famille, ses collègues et ses amis, et surtout pour les amours de sa vie : sa femme et ses enfants.
Dans la vie d'Emmanuel, il y avait la famille, le dévouement aux causes collectives et la science des volcans. L'ensemble ne faisait qu'un et il menait tout de front avec un tonus égal. Son enthousiasme dans toutes ses entreprises était si grand qu'il ne laissait pas à ses amis le choix de ne pas le partager, ce qui le rendait particulièrement attachant.
Sa carrière peut se diviser en trois parties : d'abord sa formation ; puis l'exercice de la science volcanologique dont le haut niveau a été reconnu par des publications dans des revues à comité de lecture ; puis le lancement de projets de développement économique intégrant le tourisme pédagogique et scientifique avec les activités traditionnelles du « Pays des jeunes volcans de l'Ardèche ».
Emmanuel Berger est né le 6 juillet 1939 à Paris. Son cursus universitaire s'est déroulé principalement à la Faculté des Sciences de Paris XI, Orsay, où il a obtenu sa licence en 1963, son diplôme d'études supérieures en 1964, son doctorat de 3e cycle en Pétrographie - Volcanologie en 1973, sa thèse d'État en 1981, intitulée: Enclaves ultramafiques, mégacristaux et leurs basaltes-hôtes en contexte océanique (Pacifique Sud) et continental (Massif Central français). Ce titre montre l'ouverture vers les horizons lointains de la Polynésie. La Nouvelle-Calédonie, l'Islande et d'autres régions exotiques se sont ajoutées ultérieurement.
Il est entré à l'École des mines comme Chef de travaux pratiques en 1967. Il a été nommé Maître assistant de 1ère classe en 1977, puis Professeur à Occupation Accessoire en 1985. Il faisait partie depuis 1993 du Centre de recherches en géophysique, récemment créé alors par Pascal Podvin. Une notice de titres et travaux datée de 1985 fait apparaître 49 titres de publications, dont 16 comptes rendus à l'Académie des Sciences, et 34 contributions à des colloques et réunions scientifiques. Ceci pour la seule période 1975-1985. Il n'y a malheureusement pas eu de mise à jour de la liste depuis.
La préparation de la thèse d'État d'Emmanuel a servi de support à des travaux de fin d'études de nombreux élèves de l'École, au titre de la formation par la recherche de pointe. Frédéric Bessis, Eric Nogaret, Dominique Peigner, Serge Lanoë, Jean Lehman, Jean Olives, Pascal Podvin, Alain Prinzhofer, Jacques Rivoirard. Puis, plus tard, dans la même continuité, Jérôme Auclair, Alex Fouchier, Jacques de Longeaux et bien d'autres, et tout récemment, Gilles Pelfrene, en ont bénéficié et ne l'ont pas oublié. Cette activité a été menée constamment de pair avec une large contribution à l'enseignement général. Des promotions de première année se souviennent que ses amphis se terminaient parfois par des applaudissements... Parmi ses sujets de recherche scientifique, Emmanuel s'était fait - entre autres - une spécialité de l'étude des enclaves que les laves contiennent. Il a montré qu'il n'y avait pas, d'un côté, le basalte avec des cristaux de grande taille résultant de précipitations précoces à partir du magma et, d'un autre côté, des enclaves arrachées par l'éruption et témoins inertes du manteau supérieur terrestre. Il a su caractériser, au contraire, les interactions entre le basalte et les roches constituant le manteau supérieur. Il a montré également toute la variété des compositions chimique et minéralogique des enclaves à la mesure de la variété de leurs origines possibles, permettant de comprendre l'origine des magmas et leurs transformations au cours de l'ascension depuis le manteau jusqu'à la surface. Ces avancées ont été rendues possibles, d'une part, grâce à une collaboration fructueuse avec Maurice Besson et Michel Vannier, thermochimistes alors présents dans le même laboratoire, d'autre part, grâce aux performances croissantes des microsondes permettant des dosages précis dans des espaces cristallins de l'ordre du micron - cube.
Le terrain d'exercice préféré d'Emmanuel, auquel il est revenu toute sa vie, a été le volcanisme récent du département de l'Ardèche, qui a été l'objet de sa thèse de 3e cycle (1973) et qui a abouti ultérieurement à la publication de la feuille de Burzet à 1/50 000e au Service de la carte géologique de France. Une de ses préoccupations a concerné les aléas d'origine volcanique dans le SE du Massif Central, sujet pour lequel il a réalisé depuis 1997 de volumineux rapports destinés au projet Géoprospective, auquel collaborent l'École des mines, l'Andra et le BRGM, relatif à l'inventaire des risques associés à l'enfouissement des déchets radioactifs. L'un des aspects de l'activité d'Emmanuel était sa participation à la vie collective et associative. Il était ainsi conseiller municipal de la ville où il habitait. Grâce à des relations nouées avec les élus locaux, il a eu un rôle déterminant, dans l'organisation, en liaison avec Armines, d'un projet intitulé « circuit des jeunes volcans de l'Ardèche », impliquant 33 communes. L'idée est que la thématique du volcanisme est particulièrement porteuse auprès du public de tout âge. Organiser un tourisme scientifique de bon niveau autour de ce sujet peut donner une âme particulière à une région naturelle. Emmanuel s'est dépensé sans compter pour faire avancer son projet, au service d'une région qui lui était devenue comme une seconde patrie.
Un proverbe attribué à la sagesse chinoise qui est la dernière ligne de sa thèse illustre bien son tempérament bouillant : « Ne crains pas d'avancer lentement, crains seulement de t'arrêter». Il s'est maintenant arrêté. Le message que nous envoie cette fin prématurée est que nous devons vivre comme si ce devait être éternel, mais que nous devons être prêts à ce que cela s'arrête à chaque instant.