Décret du 19/12/1899 paru au Journal Officiel du 7 janvier 1900, concernant le recrutement de personnel de l'Ecole Nationale Supérieure des Mines [de Paris]


RAPPORT AU PRÉSIDENT DE LA REPUBLIQUE

Monsieur le Président,

Les décrets qui régissent l'école nationale des ponts et chaussées (18 juillet 1890) et l'école nationale supérieure des mines (18 octobre 1896) contiennent, au sujet de la nomination du personnel enseignant ou des fonctionnaires et agents techniques, des dispositions qui restreignent d'une façon excessive le droit du ministre ; d'un autre côté, ces règlements ne laissent aux, conseils des écoles, chargés de proposer les candidats, qu'une latitude insuffisante en ce qui concerne le nombre et l'origine des candidats présentés.

Les articles 13 du décret du 18 juillet 1890 et 17 du décret du 18 octobre 1896 disposent en effet que les professeurs, professeurs adjoints et répétiteurs de l'enseignement spécial ou de l'enseignement préparatoire sont nommés par le ministre "sur une liste de deux candidats dressée pour chaque place vacante ou créée" par le conseil de l'école intéressée. Le choix du ministre ne peut en fait s'exercer qu'entre deux personnes, et, par suite, les nominations lui échappent presque entièrement, bien qu'il en ait la responsabilité. Ses droits sont plus limités encore lorsqu'il s'agit de nommer les agents techniques ou les fonctionnaires administratifs de ces écoles. Ces nominations, aux termes des décrets précités, ne peuvent intervenir que sur la proposition du conseil de l'école ou du directeur, suivant les cas, et cette disposition, qui prête d'ailleurs à l'ambiguïté, a été jusqu'ici entendue en ce sens que les nominations doivent être faites conformément aux propositions présentées.

D'autre part, les articles susvisés des mêmes décrets stipulent que les professeurs, professeurs adjoints et répétiteurs sont pris parmi les membres du corps des ponts et chaussées, du corps des mines, du conseil d'Etat ou de l'Institut de France. Quelque haute que soit la capacité des membres des corps ainsi désignés, cette énumération est trop limitative et elle peut, dans certaines circonstances, mettre obstacle à la nomination de telle personnalité qui serait pourtant toute désignée par la spécialité de ses travaux.

Je crois devoir, monsieur le Président, vous proposer de modifier cette double situation.

Tout d'abord, il me semble indispensable qu'en maintenant aux conseils des écoles, ou aux directeurs, selon le cas, le soin d'examiner et de comparer les titres des candidats aux situations de professeurs, professeurs adjoints et répétiteurs, aussi bien qu'aux emplois d'agents techniques ou administratifs, le ministre, seul responsable, conserve la liberté d'action qui lui fait défaut avec la réglementation actuelle. Son choix, sans doute, se portera presque toujours sur l'une des personnes désignées par les conseils ou les directeurs des écoles ; mais il paraît conforme aux principes de décider que les propositions présentées ne lient en rien le ministre qui doit garder intégralement le droit de nomination, même en dehors des candidats proposés.

En second lieu, je ne vois que des avantages à supprimer les conditions d'origine auxquelles doivent obligatoirement satisfaire, sous le régime en vigueur, les candidats aux chaires des deux écoles. On ne saurait admettre l'exclusion systématique des membres de l'enseignement public supérieur, du Collège de France, des ingénieurs civils, etc. Le recrutement des professeurs gagnerait encore, à mon sens, à ce que l'accès des chaires des deux écoles fût plus largement ouvert. Il semble d'ailleurs difficile, à raison de la variété des matières enseignées dans ces deux écoles, de préciser exactement les catégories dans lesquelles pourront être choisis les professeurs; il parait donc préférable de ne plus énumérerces catégories ; les conditions dans lesquelles se feront les présentations et les nominations constitueront des garanties certainement suffisantes pour qu'on soit assuré de ne voir accéder aux chaires de ces écoles que des candidats de tous points qualifiés pour les occuper.

En conséquence, j'ai fait préparer dans le sens des observations qui précèdent les deux projets de décrets ci-joints, que j'ai l'honneur de soumettre à votre haute approbation.

Veuillez agréer, monsieur le Président, l'assurance de mon profond respect.

Le ministre des travaux publics,
Pierre BAUDIN


Le Président de la République française,

Sur le rapport du.ministre des travaux publics,

Vu le décret du 13 octobre 1890, portant réorganisation de l'école nationale supérieure des mines,

Décrète :

Art. 1er. - Les dispositions des articles 14, 17, 18 et 19 du décret susvisé du 18 octobre 1896 sont remplacées par les dispositions suivantes :

« Art. 14. - Dans le cas de nécessité constatée et après avis du conseil de l'école, il peut être décidé, par arrêtés du ministre, qu'un ou plusieurs professeurs adjoints ou répétiteurs seront attachés à l'enseignement d'un quelconque des cours spéciaux ou préparatoires.

« Art. 17. - Les professeurs, professeurs adjoints et répétiteurs de l'enseignement spécial ou de l'enseignement préparatoire, ainsi que les personnes chargées de leçons, sont nommés par le ministre, sur le vu des propositions présentées, pour chaque place vacante ou créée, par le conseil de l'école.

« Le chef des travaux chimiques, le chef des travaux graphiques et les maîtres de langues étrangères sont nommés par le ministre, sur le vu des propositions du conseil de l'école ; les attachés, préparateurs, et aides-préparateurs sont nommés par le ministre, sur le vu des propositions du directeur.

« Art. 18. - Les personnes qui, par la spécialité de leurs travaux, ont acquis des connaissances exceptionnelles sur quelques parties de la science de l'ingénieur peuvent être appelées par le ministre, soit directement, soit sur la proposition du conseil de l'école, à venir temporairement faire des conférences aux élèves sur ces sujets.

« Art. 19. - Sont attachés à l'école :

« Un officier surveillant, un médecin, un secrétaire régisseur, un bibliothécaire et le nombre d'employés et hommes de service permanents jugés nécessaires, tant pour l'enseignement que pour les services annexes rattachés à l'école.

« Les fonctionnaires et agents permanents sont nommés par le ministre, sur le vu des propositions du directeur.

« Les agents auxiliaires, ou ceux qu'il y aurait lieu d'employer temporairement, sont choisis par le directeur de l'école, sur le vu des propositions de l'inspecteur. »

Art. 2. - Le ministre des travaux publics est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait à Paris, le 19 décembre 1899.

Emile LOUBET.

Par le Président de la République :

Le ministre des travaux publics,
Pierre BAUDIN