TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Troisième série -
T.XV (2001)
Jean GAUDANT
Analyse d'ouvrage
G. Laurent : La naissance du Transformisme
Lamarck entre Linné et Darwin Éditions Vuibert/Adapt, Paris, coll. Inflexions, 2001

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 12 décembre 2001)

1 vol. broché 16,5 x 24 cm, 151 p., prix : 17 €

On sait le rôle décisif que fut celui de Jean-Baptiste Lamarck (1744-1829) dans l'histoire des idées sur la structure du monde vivant. Et si, aujourd'hui, le terme de " darwinisme " est devenu dans l'esprit de beaucoup synonyme de " transformisme ", il s'agit là d'un abus de langage qui a pour effet déplorable de laisser croire que le concept d'évolution ne remonte pas au delà de la publication de l'Origine des espèces (1859).

Dans un petit livre de présentation agréable intitulé La naissance du Transformisme, Lamarck entre Linné et Darwin, Goulven Laurent, qui est un spécialiste reconnu de Lamarck, offre au lecteur une brève initiation à une théorie qui a radicalement rénové la conception du monde vivant. L'auteur y montre comment le transformisme de Lamarck s'enracine dans une activité qui a pour objet la " recherche systématique des corrélations ", qu'il s'agisse de ses observations météorologiques, dont il espérait pouvoir déduire les lois qui régissent les phénomènes atmosphériques, ou de ses travaux sur la classification des plantes ou des coquilles. C'est en effet de cette œuvre de classificateur de la multitude des animaux " invertébrés " (le terme est de lui) que naquit l'idée de substituer à la notion de " dégénération " celle d'un " ordre de formation successive des différents animaux ", conduisant des plus " imparfaits " aux plus " parfaits ", ce qui eut pour effet d'introduire l'idée d'une progression dans " l'organisation des animaux ".

L'auteur souligne au passage l'intérêt porté par Lamarck aux fossiles et à la géologie, dont traite son Hydrogéologie (1802), dans laquelle il souligne l'importance des changements climatiques survenus au cours d'une histoire terrestre dont il pressent la longue durée. Quant aux fossiles, ils " parlent par analogie ", c'est-à-dire qu'on y reconnaît souvent des " analogues " aux espèces actuelles qui étaient étroitement apparentés à ces dernières.

La dernière partie de l'ouvrage a pour but de présenter la philosophie naturelle de l'auteur du Système analytique des connaissances positives de l'homme (1820) qui, après être apparu, dans les Recherches sur les causes des principaux faits physiques (1794) comme un héritier direct de l'esprit des Lumières (bien que sa chimie demeurât encore imprégnée d'Aristote), sut également faire preuve d'un esprit novateur lorsqu'il entreprit de réfléchir sur la classification du monde vivant, ce qui le conduisit à promouvoir l'hypothèse transformiste. Et lorsqu'il aborda la question de l'apparition de la vie, il adopta un point de vue matérialiste en considérant le " fluide calorique " comme la cause des combinaisons d'éléments d'où la vie est censée avoir émergé par génération spontanée. Si Lamarck admit alors l'existence d'un principe vital, il ne lui accorda cependant pas la moindre parcelle de spiritualité.

En résumé, voilà donc un petit livre utile, de lecture agréable, qui aide à replacer le transformisme de Lamarck dans une philosophie naturelle beaucoup plus vaste au sein de laquelle cohabitent des notions archaïques héritées des décennies précédentes et des concepts nouveaux qui renouvelèrent profondément notre perception du monde vivant.

Saluons à cette occasion l'heureuse initiative des Editions Vuibert/Adapt dont la collection " Inflexions " a pour objectif de publier des œuvres d'historiens " utile[s] aux scientifiques et à tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de la pensée ". Tous nos vœux accompagnent cette courageuse initiative.