TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Deuxième série -
T.3 (1985)

Pierre DOLLÉ

L'histoire de la géologie et de son évolution dans le Bassin Houiller du Nord-Pas de Calais, de son origine à 1960

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (Séances du 30 mai 1984 et du 27 février 1985)

Depuis très longtemps le charbon de terre a été exploité en Belgique, dans le Hainaut Impérial, où la découverte et l'exploitation datent de la fin du XIIè siècle, début du XIIIè siècle.

Le charbon couramment exploité dans le Bassin de MONS n'a été recherché dans la région de VALENCIENNES qu'au début du XVIIIè siècle.

Cela tient probablement à ce que les veines de charbon, affleurant dans la région de MONS, allaient en s'approfondissant vers l'ouest. Elles étaient rapidement recouvertes par les "morts terrains", le plus souvent gorgés d'eau, ce qui rendait la prospection aléatoire et difficile.

Au début du XVIIè siècle, VALENCIENNES était une ville importante du HAYNAUT FRANÇOIS. Elle comptait environ 30 000 habitants. Mais son rattachement au Royaume de France lui avait fait perdre de l'importance, et au début du XVIIIè siècle, elle ne comptait plus que 17 000 habitants, et la campagne environnante était presque déserte. La découverte et l'exploitation des mines de houille allaient lui redonner une certaine prééminence.

Peu de documents relatent la recherche, la découverte et l'exploitation du charbon de terre ou "houille" autour de VALENCIENNES.

Un ouvrage expose cependant ces événements avec beaucoup de détails: "L'Art d'Exploiter les Mines de Charbon de Terre". Il est écrit par Morand dit le MEDECIN, Pensionnaire Ordinaire de l'Académie Royale des Sciences.

"Invité par l'Académie à quelques recherches sur ce Fossile", il publiera entre 1768 et 1778 le résultat de ses travaux en trois tomes illustrés de nombreuses planches. Morand le médecin y décrit de nombreuses localités où se trouve exploitée la houille: en Angleterre, en Allemagne, en France. Son travail part du Bassin de LIEGE qu'il étudie en détail, et à partir de cette base il décrit plus sommairement les différents lieux de France où le charbon de terre ou houille est extrait pour différents usages domestiques ou industriels.

Je retiendrai particulièrement ici ce qui a trait au Nord de la France, dans les deux endroits où il était alors connu : VALENCIENNOIS et BOULONNAIS.Et c'est à partir du moment où il y a suffisamment d'exploitations souterraines qu'on peut avoir une vue d'ensemble du gisement et aborder la géologie.

Les documents qui ont servi pour cet exposé seront d'abord tirés du mémoire de Morand le médecin, pour la période de 1730 à 1770, puis les considérations géologiques seront tirées des travaux publiés dans les ANNALES des MINES, la SOCIETE GEOLOGIQUE de FRANCE, à partir de 1830, la SOCIETE GEOLOGIQUE du NORD, à partir de 1870, ainsi que certains documents rassemblés au CENTRE HISTORIQUE MINIER du BASSIN du NORD-PAS DE CALAIS.

Voici ce qu'écrit Morand le médecin du HAYNAUT FRANÇOIS, du BOULONNOIS, et du fonçage des premières "FOSSES" de la région de VALENCIENNES.

HAYNAUT FRANCOIS.

PICARDIE - PARTTE SEPTENTRIONALE, BOULONOIS.

Puis MORAND décrit le fonçage des premières "FOSSES" de la région de VALENCIENNES. L'histoire est extraite d'un petit cahier de 24 pages imprimé à la suite d'un mémoire publié lorsqu'il se créa une compagnie pour exploiter la houille dans les Seigneureries de RAISMES et SAINT VAST, à proximité de FRESNES et d'ANZIN, dans la région de VALENCIENNES :

Ce travail, profond de 50 à 60 mètres, a été poursuivi sans relâche, a commencé le 26 Août 1733, et a été achevé le 24 Juin 1734.

VEINES DE CHARBON.

Suit une longue description des galeries, du matériel d'extraction, de transport au fond de la fosse et du matériel de remontée au jour par le treuil.

Les trois documents suivants sont tirés du Journal des Mines de l'AN II. En 1793, Duhamel Fils, Ingénieur des mines remporte le Prix de l'Académie des Sciences attribué à un memoire sur la Houille. Dans ses observations générales, il écrit que :

Suivent des considérations sur les différents gisements de France, sauf sur ceux de la région de VALENCIENNES.

Par un décret du 25 Germinal AN II (15 Avril 1794) le Comité de Salut Public réquisitionne les ouvriers employés dans les Mines de Houille qui servent à l'approvisionnement de Paris :

En Septembre 1794 (Vendémiaire AN III) est publié un mémoire sur la Minéralogie des Mines du BOULONNAIS tiré des rapports des citoyens Duhamel père, Mallet, Antoine Monnet, Ingénieurs des Mines et Teisset de la commune de BOULOGNE.

......Les plus grandes difficultés de creusement proviennent des arrivées d'eau. Les exploitations se font sur les communes de HARDINGHEM, RETY et FIENNES. Les veines situées au Nord pendent vers le Sud, et celles situées au Sud, vers le Nord. On ne connaît pas le fond du gisement parce qu'il est barré par une faille.

Le citoyen Castian pense que l'ouverture des mines s'est faite trop au Nord. L'exploitation se fait au pic dans les schistes, à la poudre dans les "curières" ou "curielles" ou "querelles" des mineurs du Nord, terme désignant les grès.

Les puits au delà de 35 toises de profondeur se remplissent d'eau et malgré le cuvelage, il faut utiliser des machines à feu.

L'exploitation d'HARDINGHEM donne 120 barils de charbon par jour. (1 baril = 7 pieds cubes). Dans l'année on a extrait 175 000 quintaux de charbon. Le charbon du BOULONNAIS est feuilleté, pyriteux, aurait tendance à s'enflammer spontanément, et il convient particulièrement, en brûlant avec de longues flammes, aux verriers, briquetiers et chauffourniers .

En 1814, publié par le Journal des Mines du mois d'Août, Jean-François Clère, Ingénieur au Corps Royal des Mines, présente un mémoire sur la composition géologique du Bassin d'ESCHWEILER. En 20 ans, les idées sur la formation d'un bassin houiller ont commencé à évoluer. Il est intéressant de les noter, bien que ce bassin soit en dehors de notre étude. J.-F. Clere voit les événements se succéder dans l'ordre suivant :

En Décembre 1814, le même Journal publie un rapport technique sur les mines du Houiller dit du Flénu entre JEMMAPES et QUARIGNON, signé Pierre Mathieu Bouesnel : "Le dénoyage se fait par machines à feu : pompes à vapeur. Dans les tailles on ne laisse pas de piliers ou d'espontes à l'intérieur. Les mêmes puits servent successivement à l'exploitation de toutes les couches."

"Les eaux se rendent facilement aux puits des machines à feu dès qu'on entretient les galeries à travers bancs dont le nombre n'est pas trop grand, relativement à celui des couches et au champ de leur exploitation. On pratique de grandes tailles en montant, bien aérées, et qui étant toujours remblayées exactement ne doivent laisser aucune inquiétude d'éboulement dans le système général des couches."

La même année, le même Journal publie une étude économique sur les Mines de Houille en France, par Louis Cordier.

En 1833, de Bonnard présente à la Société Géologique de France fondée depuis trois ans, des observations sur le Houiller du Bas Boulonnais, en se référant à des coupes dressées par Abdon-Jacques-Frambourg GARNIER, montrant que ce gisement a la forme d'une selle, mais qu'il n'a pas de continuité avec celui de la Belgique.

Le Houiller productif se situe au dessus du marbre "Stinkal" (Stein-Kalk) du Haut Banc, et il est recouvert par un autre stinkal, calcaire de Ferques, sur lequel il vient buter en profondeur.

En 1837, encore à la Société Géologique de France, JENNINGS signale la présence de deux arbres fossilisés dans la région de VALENCIENNES. L'un à la Fosse St.Louis, à 210m de la surface du sol et à 147m dans le houiller, au dessus de la Veine Boulangère, l'autre à la Fosse Bleuse-Borne, à la profondeur de 237m, à 155m du toit du houiller, au dessus de la veine n°7.

Elle de Beaumont fit remarquer que les troncs sont restés perpendiculaires à la surface des couches schisteuses, malgré le pendage actuel de celles-ci.

En 1840, du Souich établit la carte géologique du Pas de Calais C'est le premier à indiquer les lois générales de la géologie du Bassin, permettant ainsi de guider les recherches ultérieures. Il y est indiqué que les collines d'Artois, par la présence du Dévonien, marquent la ride Sud du Bassin.

Entre 1844 et 1849, par ses travaux, du Souich indique le changement de direction de l'axe du Bassin. Celui-ci prend une direction Nord-Ouest à partir de DOUAI. Cette indication, sans pouvoir être expliquée à cette époque, a permis la recherche du charbon entre LENS et FLECHINELLE.

La succession des découvertes et de l'organisation des Mines de charbon dans le Pas de Calais peut se schématiser de la façon suivante :

Toutes ces concessions occupent une superficie de 36 624 hectares, sur une longueur de 65 Km et une largeur de 8 km. On en a extrait 145 534 tonnes de charbon en 1855.

En 1859, Commines de Marsilly publie un mémoire technique sur la situation commerciale des Compagnies Minières du Nord et du Pas de Calais. Il est intéressant de noter l'évolution rapide des techniques et des moyens entre 1850 et 1859 :
En 1850, le Pas de Calais produit 194 446 t de charbon, le Nord en produit 10 016 174 t.
En 1858, les productions sont respectivement de 4 700 000 et 16 000 000 Les travaux doivent être dirigés de manière à extraire d'un seul puits la plus grande quantité de charbon possible.
Sur les puits on installe des machines à vapeur d'une puissance de 100 à 150 cv, assurant une vitesse de déroulement de 6 m/s. Les cages sont à 4 chariots de 550 l ou 8 chariots de 400 l qui permettent une extraction de 6 000 l/h et de 100 à 200 000 Tonnes/an. Les nouveaux puits ont de 4 à 4,5 m de diamètre et les aménagements sont réalisés de manière à pouvoir transporter le charbon directement de la taille aux wagons situés sous le triage.
Dans le Nord, pour une taille de 18 m de long, on place 4 ouvriers abatteurs de charbon.

En 1860, Jules Gosselet à la Société Géologique de France, compare le Bassin Houiller du Nord de la France à celui de la Belgique. Il indique que Dumont à LIEGE met en évidence l'axe anticlinal du CONDROZ séparant deux bassins plissés. "Dans le bassin du Nord, on observe une stratification transgressive. Il y a ennoyage de ce bassin dans le Nord de la France, avec réapparition dans le BOULONNAIS.
Dans le HAINAUT, le bassin a la forme d'un "V" incliné au nord, dans le BOULONNAIS, ce "V" est plus incliné et plus resserré.
Jules Gosselet pense également qu'il est inutile de rechercher le Houiller plus au nord ou plus au sud du BOULONNAIS.

En 1861, Emile Dormoy défend l'idée que la dépression houillère n'a jamais été comblée: les vallées actuelles sont installées sur l'axe du Bassin Houiller, et en France, on n'aurait que la moitié nord du synclinal. Au moment du dépôt, l'accumulation des sédiments étant plus forte sur les bords qu'au centre, il s'y produit une action plus forte du feu central (anthracitisation des couches du centre) et faiblesse également de ces terrains qui se soulèvent peu de temps après le dépôt. Un autre cataclysme balaie la partie soulevée, ne laissant plus que la moitié du Bassin. Cependant on constate des anomalies, telle la faille dénommée CRAN DE RETOUR, qui courant à 3 km de la Faille Sud, sépare sur 20 km d'est en ouest les charbons gras des maigres.

Puisque la partie sud du Bassin a été enlevée entre la Prusse Rhénane et la Manche, il semble intéressant de la rechercher.

A signaler au passage une note de Albert Gaudry indiquant de grandes similitudes chimiques entre deux "Cannel coal" l'un de la région de VALENCIENNES, l'autre Anglais, de la région de MANCHESTER.

En 1870, Zeiller publie la Flore Fossile Houillère de VALENCIENNES. Il détermine 166 espèces de végétaux: fougères, sigillaires, lépidodendron, calamites et cordaïtes. Il divise le Houiller en trois époques:

À VALENCIENNES, la flore n'est pas identique à elle-même dans les différentes localités. Enfin la qualité de la Houille: Flambante, grasse, demi grasse, maigre, est indépendante de la flore qui a formé ces charbons. ZEILLER montre également que plus on va vers le sud, plus les couches sont transgressives sur le substratum.

En 1872, Jules Gosselet cherche à déterminer les rapports qui existent entre le Houiller du Boulonnais et celui de Valenciennes. Depuis 1860 on a admis que le Dévonien et le Houiller du Boulonnais étaient le prolongement de ceux de la Belgique, mais Joseph Prestwich attribuait l'âge de la Houille du Boulonnais au Calcaire Carbonifère. Il est prouvé alors que "Coal measure" anglais, Houiller du Boulonnais et Houiller Belge sont équivalents. Le Houiller sous le Calcaire à HARDINGHEM est à attribuer à une faille très oblique de chevauchement, identique à la faille qui limite au sud le Houiller depuis LIEGE jusque dans le PAS de CALAIS amenant du Dévonien rouge (la couleur rouge serait due à des sources ferrugineuses rendant la vie impossible et entraînant l'absence de fossiles dans ces terrains). En 1874, Gosselet précise que le Houiller est bien sous le Calcaire Carbonifère, par suite du jeu des failles, la faille de chevauchement coupant le Houiller en sifflet.

Emile Dormoy, en 1872 analyse des plans de mines. Il y distingue des plateurs, des dressants, des crochons ou zones de rebroussement, et il indique les caractères distinctifs des "toits" et des "murs". Les toits sont souvent en schistes feuilletés, avec des fossiles végétaux, ou des grès. Les murs montrent des empreintes brouillées et se débitent en blocs. Malherbe ajoute que d'après les observations de Briart et Cornet, on peut parfois observer dans les schistes fins noirs des toits des fossiles bivalves, parfois marins. La paléontologie permet ainsi de donner de nouvelles informations sur les bassins de MONS et de LIÈGE.

En 1874, Charles Barrois présente à la S.G.F. une nouvelle théorie sur la formation de la houille.

D'après lui l'alternance de schistes et de grès avec la houille résulte de l'oscillation de i'écorce terrestre: à l'émersion il y a apparition de végétaux dont les débris constituent la houille, et à l'immersion il y a dépôt d'argiles et de sables. Barrois fait une distinction préalable entre les dépôts du centre de la France et ceux du Nord.

Les dépôts du Nord sont nombreux, minces et réguliers, expliquables par la présence d'un bras de mer du Pays de Galles à l'Ardenne, identifié par les fossiles marins. La mer se retirait et laissait de grandes étendues marécageuses où prolifèrent les végétaux. Le Houiller débute par des schistes noirs à faune marine qu'on peut suivre dans le Yorkshire, le Boulonnais, le Pas de Calais, la Belgique, la Ruhr et la Pologne.


Coupe du Prolongement du Bassin dans le PAS de CALAIS
d'après J_GOSSELET
L.BRETON, Ann, S.G. N, 1876 . Mémoire AUCHY AU BOIS

Revenant à la tectonique, Gosselet en 1874, à la S.G.N, apporte des précisions sur la Grande Faille du Midi. Il s'agirait d'un phénomène de glissement: la crête du Condroz, par suite de l'affaissement de la lèvre septentrionnale, a pu glisser et recouvrir le Houiller qui allait ainsi se trouver sous le Lévonien. Il arrive même que cet ensemble pousse devant lui du Calcaire Carbonifère. Cela se manifeste sur le terrain par un Houiller fortement redressé, un Lévonien peu penté, poussant devant lui du Calcaire Carbonifère un peu plus incliné.

En 1875, Gosselet commente deux rapports, celui de PUSH sur la Concession de MARLY et celui d'OLRY pour la Concession de CRESPIN. Dans la Concession de MARLY, les corrélations latérales amènent à penser que le Houiller renversé peut se prolonger sous VALENCIENNES. Dans la Concession de CRESPIN les limites sud se précisent et amènent OLRY à interpreter le déroulement des phénomènes de la manière suivante :

La question reste posée de savoir jusqu'où s'étend cette écaille renversée. Des sondages réalisés vers l'ouest rencontrent le Dévonien, le calcaire Carbonifère, la Grande Faille avant de pénétrer dans le Houiller. On peut reporter vers VALENCIENNES la limite du lambeau renversé.

En 1876, Cornet et Briart précisent la valeur de l'accident précédemment décrit entre BOUSSU en Belgique et ONNAING aux environs de VALENCIENNES. A BOUSSU, le Houiller se présente sous sa plus forte épaisseur: plus de 2 100 m. Pourtant il supporte une puissante série de terrains renversés déjà identifiés par DUMONT entre 1838 et 1844. On sait également que la crête du CONDROZ sépare deux bassins en Belgique et en France. Un nouveau schéma est proposé :


La même année, L.BRETON présente une étude sur le prolongement au sud de la zone houillère du BOULONNAIS.

A ce moment le Bassin du Pas de Calais a 20 ans. Il est considéré comme le plus riche de France. On sait qu'il a la forme d'un "U" renversé et chevauché par du Calcaire Carbonifère et du Dévonien venant du Sud. La théorie voudrait qu'on trouve au centre de la cuvette des houilles grasses, puis des demi-grasses et enfin des maigres sur les bords. En réalité les houilles demi-grasses et maigres ont disparu au sud, et la Grande Faille du Midi rabote le Houiller d'une façon irrégulière. On s'est aperçu également qu'en plus de la Grande Faille du Midi il existait d'autres failles sensiblement parallèles.

A AUCHY au BOIS le Houiller s'enfonce profondément sous la Grande Faille, ce qui laisserait présumer des réserves importantes. Les fossiles végétaux récoltés à AUCHY au BOIS seraient identiques, d'après GEINITZ à ceux du Bassin Belge des Flénus. On serait d'après lui dans le Houiller Supérieur.

Gosselet ne pense pas que les failles citées par Breton soient parallèles.

L'Abbé Boulay ayant publié récemment une thèse sur la flore du Houiller, il y distingue quatre zones paléontologiques :


La première zone s'arrête à ANNOEULIN, la deuxième à LILLERS, la troisième à FLECHINELLE, la quatrième, plus restreinte va de DOURGES à CAUCHY à la TOUR. Le BOULONNAIS est à ranger dans la troisième zone. Gosselet pense que dans le grand Bassin du Mord, il existe des bassins restreints avec leurs florules particulières. La paléontologie permet détablir des analogies de proche en proche, mais sans dépasser 3 à 4 kilomètres.

Pour Henri Douvillé, il n'y a que deux Houillers séparés par un grand phénomène géologique. Le Houiller Inférieur serait un dépôt de rivage, riche en houille, avec des schistes et des grès, en concordance sur les terrains plus anciens. Le Houiller Supérieur, représenté par les couches inférieures de SARREBRUCK passerait insensiblement aux terrains plus récents. Entre les deux s'est produit un grand phénomène qui a dû changer brusquement la forme des continents.

Mais les faits ne sont pas conformes à cette théorie : la végétation du Nord-Pas de Calais est identique à celle de la SARRE inférieure. Cela entraîne comme conséquence que pendant que la région de la SARRE se soulève, le Bassin de NAMUR s'enfonce et qu'il est envahi par la mer. Après le dépôt du Calcaire Carbonifère, le mouvement s'inverse et le dépôt du Houiller s'est prolongé beaucoup plus longtemps dans la SARRE. Ce ne sont pas de grands cataclysmes, mais des oscillations lentes accompagnées de plissements qui ont créé les bassins.

En 1878, Gosselet confirme cette dernière théorie. En ce qui concerne les plissements, Gosselet parle en 1860 de la Grande Faille. En 1873, Malherbe parle de Faille Eifélienne et Cornet préfère lui donner le nom de Faille du Midi. Cette faille est postérieure au dépôt du Houiller. La Crête du CONDROZ sépare au moment du dépôt les deux bassins qui, au moment du Dévonien devaient communiquer par le Bassin d'AIX la CHAPELLE.

En 1879, Gosselet essaie d'interpréter le plissement du CONDROZ. De MONS à GRENAY, on a des houilles à gaz, avec des plantes abondantes. Un plissement relève le sol, la sédimentation devient impossible: c'est le CONDROZ, et l'affaissement du centre du bassin est la conséquence du retrait constant de l'écorce terrestre. C'est dans le Bassin de NAMUR que les couches sont les plus nombreuses, les plus épaisses et que l'affaissement est le plus considérable.

En 1882, Grand'Eury publie dans les Annales des Mines un très important mémoire sur la formation de la houille, où il commence par rappeler les théories émises par ses prédécesseurs, tant Anglais qu'Allemands :

La même année, Saporta répond à Grand'Eury : il pense que si la houille est transportée par les fleuves, cela est peu compatible avec la régularité des couches du Nord. Si elle est formée sur place, cela concorde mal avec les débris accumulés à plat. Pour que le lit charbonneux ait pu s'établir, il faut une absence totale de tout apport détritique, les eaux doivent être pures. Seules les eaux de pluie peuvent transporter des végétaux déjà tombés et en voie de dégradation. Quel est donc l'alluvionnement de l'eau? C'est l'eau de pluie dans les climats humides, dépourvus de saisons, sous un ciel voilé, où les fougères remplacent aussitôt les frondes tombées.
Dans la houille, il y a des produits macérés, d'autres plus ou moins altérés, d'autres frais. Tout cela est déposé à plat, et peut s'effectuer à toutes les périodes.

Pour Virlet d'Aoust, la théorie de Grand'Eury est conforme à celle de Henri Fayol pour le Bassin de COMMENTRY, où on observe le passage progressif des grès aux schistes, aux schistes charbonneux et au charbon. Tous les débris emportés ensemble ont été séparés en raison de leur densité.

Pour cet auteur, la houille résulte de l'oscillation de plages dans de grandes étendues bordant la mer. Sur les plages émergées se forme la houille. Quand elles sont immergées, les schistes et les grès avec des fossiles marins : spirifer et goniatites. Ce qu'il a vu en Basse Loire, dans la Ruhr et dans les Asturies lui suffit pour dire que tous les autres bassins se présentent dans les mêmes conditions : ils sont d'origine marine.

Douvillé fait remarquer que les observations de Grand'Eury peuvent s'appliquer aux bassins du Centre et non à ceux du Nord où les couches sont très étendues avec des caractères uniformes.

Pour Adolphe Carnot, la composition chimique élémentaire de la houille est indépendante de la nature botanique des végétaux qui l'ont formée.

En 1883, Zeiller classe les fougères en grandes familles : Sphénoptéridées, Neuroptéridées, Aléthoptéridées, Pécoptéridées, Marioptéridées.

En 1887, Ch.Barrois reprend les opinions de Grand'Eury sur la formation de la houille :
Les variations d'épaisseur de la houille sont dues à des ondulations du mur. La houille, contrairement à la théorie de formation par voie de tourbage est plus indépendante du mur que du toit. La houille est accumulée horizontalement comme une matière légère en suspension dans l'eau. C'est une roche rubannée, mais indépendante de l'alternance des saisons. La houille est un sédiment au même titre que les schistes charbonneux déposés en eau chargée. Les végétaux houillers étant adaptés aux régions humides, leurs tiges pouvaient baigner dans 5 à 10 m d'eau. La présence de souches indique que les végétaux ont vécu sur un sol mobile, sujet aux affaissements.
Le Bassin s'est creusé pendant sa formation, de façon saccadée, de manière à rétablir le régime torrentueux des rivières qui amenaient alors beaucoup de sédiments.
Le tassement du charbon a pu se traduire par places par des boudinages. La chaleur centrale a une importance majeure sur la dégradation de la matière végétale.

En 1888 Ch.Barrois estime que le Bassin de VALENCIENNES est suffisamment connu pour qu'on puisse affirmer qu'il renferme 2 milliards 600 millions de tonnes, soit 260 ans d'exploitation à raison de 10 M T. par an.

En 1891 Gosselet en commentant le mémoire d'Olry sur le BOULONNAIS relève qu'Olry est incertain sur l'appartenance d'une partie du Bassin du BOULONNAIS : une partie est sûrement le prolongement du Bassin du Pas de Calais, l'autre, par ses caractères aberrants ressemblerait plutôt au Bassin de DINANT. Ces arguments sont peu solides. De plus ce qu'on a pris pour du Houiller à DOUVRES pourrait aussi bien être des lignites Bajociennes.

Par contre Ludovic Breton, malgré les travaux de l'Ecole de LILLE doute que le Bassin du BAS-BOULONNAIS soit la continuation de celui du Pas de Calais dont il est séparé par 39 Km entre FLÉCHINELLE et HARDINGEM : nulle part on ne rencontre dans le Pas de Calais de lits d'oxyde de fer, de bancs d'argile pure ni de "Coal ball". Le Bassin Houiller du BOULONNAIS par de nombreux caractères ressemble plus aux bassins Anglais qu'à celui du Pas de Calais. La séparation entre les deux passerait donc entre FLÉCHINELLE et HARDINGHEM.
Enfin en brûlant, les charbons du BOULONNAIS ressemblent plus aux charbons anglais qu'à ceux du Pas de Calais. Il en est de même pour leur aspect extérieur.

En 1894, Marcel Bertrand tente une explication tectonique du Bassin en étudiant principalement les plissements. Ses conclusions sont :


En 1894, Zeiller donne une subdivision du Bassin du Nord basée sur la flore. Pour la première fois il est fait mention du terme: "WESTPHALIEN" pour désigner cet étage. On y distingue trois zones :

Cette classification est confirmée par Kidstones en Angleterre et par Cremer pour l'Allemagne, car les flores sont sensiblement analogues de l'Angleterre à la Ruhr.
Pour les flores Stéphaniennes, différentes, les classifications sont celles de Grand'Eury.

En 1895 Victor Paul Chapuy donne une série de renseignements obtenus par des sondages et des travers bancs creusés au Sud de la région de VALENCIENNES. Ils confirment les travaux de BERTRAND sur la limite sud du Bassin qui devient très difficile à rechercher par suite de la profondeur et des nombreux accidents.

Quelques chiffres sur l'extraction du charbon entre 1896 et 1899 disent l'importance qu'a pris ce Bassin :

                                  1896                 1899
NORD                          5 238 000 Tonnes     6 032 000 Tonnes
PAS de CALAIS                11 870 000 bonnes    14 501 000 Tonnes
Total                        17 100 000 Tonnes    20 553 000 Tonnes
Nombre de Puits                   119                  124

Ces chiffres sont à comparer à ceux de 1859 : la tendance est inversée entre les deux régions du Nord et du Pas de Calais.

En 1895 les théories sur la formation de la houille dans les Bassins sont encore très divergentes.

M.L. Coste, dans la revue de l'industrie Minérale propose un schéma différent de celui de Grand'Eury en 1877 : la houille est le résultat de l'accumulation par charriage d'énormes quantités de végétaux dans des zones d'affaissement précédemment occupées par la végétation, alors que Fayol, dès 1880 (Ind. Min.1885 et 1886) proposait la théorie des deltas pour le Bassin de COMMENTRY : la dépression houillère est progressivement comblée par une succession de cônes deltaïques se chevauchant.

Pour M.L.Coste, se seraient succédées plusieurs phases distinctes nour la constitution d'un bassin :

La découverte de troncs de sigillaires debout dans les veines de la Concession de LENS ranime la controverse entre Albert de Lapparent et Jules Gosselet en 1896 (S.G.N. et S.G.F.). De Lapparent soutient la théorie de Fayol: il y a transport après de violents orages. Les débris les plus lourds se déposent les premiers, les plus légers flottent les derniers. Les troncs d'arbres verticaux ont pu être transportés et se planter debout, lestés par les matériaux emprisonnés dans leurs racines. Gosselet prétend que les arbres sont là où ils ont poussé. Ils sont rasés au niveau de la veine s'ils poussent dessous. S'ils s'établissent dans les schistes du toit, leurs racines s'étalent à la surface du charbon sans y pénétrer.

Barrois, en 1904 (S.G.N.) conçoit la houille comme un composé de débris végétaux à divers états d'altération, donnant des "carbohumines" que microbes et champignons altèrent. La transformation a commencé lors du dépôt et s'est poursuivie longtemps après. Il faut donc distinguer trois phases :

La houille est un feutre végétal comprimé et enrichi en carbone par des Carbohumines et des bitumes.
Au Houiller ont vécu des cryptogames vasculaires. Les gymnospermes ont donné les lignites du secondaire et du tertiaire. Les monocotylédones ont formé les tourbes du quaternaire.
Si on considère des accumulations végétales formées à la même époque, on aura des lignites horizontaux sans diagénèse dans la région de Moscou, des houilles grasses plisséec dans le centre du Bassin du Nord, des houilles maigres ridées au Nord de ce même Bassin, et des anthracites et du graphite dans les Alpes fortement tectonisées. Dans le Bassin du Nord, le classement des houilles : flambantes, grasses, demi-grasses, maigres anthraciteuses est antérieur à l'ouverture des failles.

Dès le début du XXème siècle, les grandes lignes de la structure du Bassin sont établies : c'est un immense synclinal dont la partie sud a été déjetée vers le nord par une Poussée de 5 à 6 000 m. L'anticlinal du CONDROZ vient refermer le Bassin Houiller en butant sur le Massif du BRABANT. Des failles parallèles au grand axe du bassin permettent le glissement des masses plus anciennes, carbonifères, dévoniennes et siluriennes sur le houiler. Cette théorie du "charriage" émise par Gosselin sera reprise par Marcel Bertrand pour expliquer la formation des plissements Alpins.

J.Hermary, en 1904 (S.G.N.) revient sur la tectonique et le raccordement des bassins houillers d'Angleterre, du Boulonnais, du Nord Pas de Calais, de la Belgique et de la Westphalie dans une note sur le Houiller en PICARDIE.

Selon cet auteur, pour que le Houillier existe, il faut :

Pour illustrer cette hypothèse, J.Hermary suit les crêtes hercyniennes formées au Dévonien.

Une de ces crêtes prend naissance en Allemagne, dans le Hartz. On la suit dans les Massifs Rhénans, les Ardennes, le Condroz, l'Artois, les Mendip Fills, le sud du Pays de Galles, l'Irlande et l'Amérique. Cette crête détermine les bassins de Westphalie, de Belgique, du Nord-Pas de Calais, du Boulonnais, de Bristol et de Cardiff. Ces crêtes déterminent plusieurs séries de rides :

Au sud de la grande ride, les synclinaux sont orientés comme au nord : Devon et Bassin de DINANT. Il y aurait donc la possibilité de trouver un synclinal houiller dans la région de PERONNE-HIRSON.
A cette théorie, Gosselet objecte que le Bassin de DEVON et le Bassin de DINANT ne renferment pas de houille. Y en a-t-il à PER0NNE ? Les synclinaux sont-ils larges ou pincés ?

En 1905, Olry (S.G.N, et Bull. Carte Geol. de Fr.) revient, en la précisant sur la tectonique du BOULONNAIS, en faisant une première remarque: la surface du Primaire n'est pas une pénéplaine, mais elle est vallonnée et bosselée. Les terrains crayeux n'ont pas été enlevés par une abrasion marine, mais par une dissolution atmosphérique. Le Houiller repose en concordance sur le Calcaire Carbonifère. Il est recouvert par du Calcaire Carbonifère non renversé, amené par une faille très peu pentée.
En comparant la grande conformité entre Givétien, Frasnien et Famennien du Bassin de Namur et du Boulonnais, il faut rattacher le Boulonnais au Bassin de VALENCIENNES et non à celui de DINANT comme le voudraient L.Breton et Dollfus. Quant au prolongement vers DOUVRES, et le Sommerset, DOUVRES pourrait être le prolongement du Bassin de CAMPINE.

En 1905, Henri Küss, Ingénieur en Chef des Mines à DOUAI, fait exécuter sur verre des coupes sériées du Bassin Nord-Pas de Calais qui sont d'abord présentées à l'Exposition de LIEGE, puis offertes au Musée houiller de LILLE de création toute récente.

En 1907, Ch.Barrois commente la découverte du Bassin Houiller de DOUVRES, dont les travaux de recherche ont été suivis par BOYD-DAWKINS. On avait pensé en 1856 que le Bassin du Boulonnais pouvait se poursuivre dans les DOWNS. En 1871 un sondage entrepris dans cette région s'arrête à 600 m de profondeur dans le Jurassique. En 1890 on recoupe à 500 m de profondeur 360 m de Houiller avec 7,12 m de charbon en huit veines. Une recherche effectuée plus au sud rencontre sous les morts terrains du Dévonien et pas de Houiller. En 1904 on rencontre à nouveau 150 m de Houiller avec 5,70 m de charbon. En 1907 la prospection semble terminée. On peut mettre en évidence un synclinal qui s'enfonce vers le nord-ouest. Dans ce Bassin de DOUVRES, les plantes fossiles rencontrées appartiennent au Houiller moyen. Au Nord-ouest du Bassin on se trouve dans le Houiller supérieur.

En 1901, Gossselet au sujet d'un article de X.Stainer adopte une terminologie internationale pour désigner les assises du Houiller du Nord et de la Belgique :

Pendant deux ou trois ans: 1905-1906-1907 (S.G.N.-S.G.F.) les auteurs : Charles Sainte-Claire Deville, Paul Bertrand, A. Carpentier, M. Leriche, Charles Barrois, vont par des études essayer de préciser la position stratigraphique d'un certain nombre de veines, en particulier dans la partie orientale du Bassin. Ce sera chaque fois pour décaler vers le bas (Namurien supérieur et extrême base du Westphalien) la position de ces horizons.

En 1902 et 1903, Charles Sainte-Claire Deville (S.G.N.) est intrigué par la présence de fossiles marins dans les schistes calcareux du Houiller inférieur de la region de DOUAI, Concessions de l'ESCARPELLE et d'ANICHE. Ses études l'amènent à considérer que les fonds du Bassin n'étaient ni réguliers ni plats et que cette région formait un synclinal tapissé de sédiments d'origine marine qui n'existaient que dans ce synclinal, entraînant une surépaisseur du Houiller déposé ensuite. Ce synclinal, presque refermé sur lui même, bien que haché par des failles, a oris le nom de synclinal de DORIGNIES. Il vient buter sur le môle d'AURY et c'est à cet endroit que la direction générale du Bassin s'infléchit vers le Nord, expliquant les difficultés qui ont retardé la découverte du Houiller dans le Pas de Calais.

En 1904, l'étude de Spirorbes amène Ch.Barrois à considérer le charbon comme une formation autochtone. Le spirorbe, annélide ou gastéropode, se fixe sur des feuilles, Neuropteris de préférence. On peut le trouver en milieu d'eau douce, saumâtre ou marine. Zeiller en a observé dans tous les niveaux du Houiller du Nord, depuis la zone A 2 jusqu'à la zone C. Cet organisme est donc parfaitement ubiquiste. Les spirorbes sont fixés sur des pinnules de végétaux en bon état. Ils ont dû se fixer sur une partie aérienne de la plante. Cette plante vivait donc en terrain exondé, et elle s'est enfoncée progressivement avant d'être complètement enfouie dans la vase, le temps d'enfouissement ayant été assez long pour que le spirorbe puisse se développer. Les toits des veines correspondaient à des inondations, les fougères ayant été immergées à la place où nous les voyons avant leur enfouissement.

En 1901, Ch.Barrois et Dessailly (S.G.N.) étudient les constituants d'un poudingue trouvé au toit d'une des veines les plus élevées du gisement du Pas de Calais: la Veine EDOUARD, Ce poudingue a pu être suivi à travers les Concessions de NOEUX, LENS, LIEVTN, COURRIERES. Ch.BARROIS assimile ce niveau au poudingue du GRAND HORNU en Belgique. L'analyse pétrographique a montré des éléments provenant des terrains paléozoi'ques de l'Ardenne, des phtanites issus du démantellement de la base du Houiller de NAMUR. D'autres provenant du Siluro-dévonien du CONDROZ et enfin des roches agrées d'origine interne venant du Siluro-cambrien des massifs du BRABANT et du CONDROZ, Ces galets dont la taille est comprise entre quelques centimètres et quelques millimètres auraient pu être amenées par des courants fluviaux ravinants issus de la partie orientale et méridionnale du Bassin. A ce moment, dans les bordures des sédiments inférieurs du Houiller étaient exondés, altérés et ravinés, amenés dans la région de NOEUX par des courants issus du Sud-Est, du Condroz ou du Nord-Est: Brabant et Ardennes.

Ch.Barrois reprend en 1908 le problème des galets hétérogènes trouvés cette fois à l'intérieur d'une veine de charbon. Les théories les plus diverses avaient été échafaudées, car la présence de galets est relativement fréquente dans les veines de la plupart des bassins :

Barrois a étudié les galets de la Veine du Nord d'ANICHE. On y a trouvé des galets sur une longueur de plus de 7 km, à raison d'environ un galet par 100 m2 déhouillés, avec des poids variant de quelques gr. à 120 Kg. Leur étude a donné : Le grand nombre de galets de la Veine du Nord ne permet pas de supposer qu'ils aient été transportés par des torrents à travers les tourbières en voie de formation. On ne peut que constater qu'ils sont tombés doucement sur un fond mou et qu'ils sont arrivés d'une façon continue dans la veine, amenés par des courants qui ont préalablement érodé les régions exondées.

A OSTRICOURT, Ch.Barrois, la même année, a remarqué des galets de schistes dans les grès. Ce sont probablement des schistes non complètement indurés, tombés dans un courant de débâcle et enrobés dans le sable transporté et déposé à l'occasion de cette débâcle.

Ces galets de schistes sont à rapprocher des galets de "cannel-coal" dans les grès surmontant une veine de la Concession de BRUAY, indiquant cette fois que c'est une veine précédemment indurée, exondée et érodée qui est en cause, en notant encore que le cannel coal est considéré comme un produit intermédiaire entre le charbon de spores et le charbon d'algues.

En 1909, Ch.Barrois reprend l'étude du Poudingue d'EDOUARD, déposé dans cette veine de la Concession de LENS, et localisé à la partie supérieure du Westphalien C. L'étude pétrographique montre que 73 % des galets proviennent de sédiments houillers, 27 % de massifs contenant des gneiss et des granites, tandis que dans la Veine du Nord, les galets provenaient à 95 % du houiller. Barrois en conclut que les eaux de ruissellement ont d'abord entammé le houiller émergé (Veine du Nord) puis ont dénudé ensuite les massifs anciens.

En 1908, Gosselet publie une étude sur les failles communes au Houiller et au Crétacique. Il a observé que certaines de ces failles ne se répercutent pas dans le "Crétacique" : Cran de Retour, Faille Reumaux, Grande Faille du Midi.

Par contre d'autres ont joué au Houiller puis au Crétacique, mais en sens inverse : Faille de RUITZ. D'autres enfin ont affecté le Houiller et le Crétacique, mais en cumulant leurs effets : Failles d' HERSIN, de PERNES et de MARQUEFFLES. Il est à noter que toutes ces failles se situent dans la partie occidentale du Bassin, depuis la Concession de LIEVIN jusqu'à la Concession de MARLES. Ces différentes failles ont contribué à la formation des Collines d'Artois, en déterminant l'affaissement de la plaine de LENS et du bassin de Sandre, ainsi que le bombement du BOULONNAIS.

Les plus anciens mouvements repérafoles se situent au Silurien, les plus récents, au Pléistocene.

Ces considérations tectoniques ont amené GOSSELET, en 1913 à définir ce qu'il appelle les "Paléocreux". Ce sont des dépressions de la surface du Houiller existant avant l'arrivée du Crétacé et progressivement remplies par du Cénomanien, du Turonien et du Sénonien, tels les Paléocreux de THIVENCELLES, de VICO, et de BERNISSART. Ils sont remplis par des sédiments meubles, souvent sableux, très perméables, comme les "Torrents d'ANZIN et de VICQ". Ils peuvent représenter les alluvions ou les embouchures de fleuves.

Entre 1909 et 1914 les études paléontologiques de :

ont permis de préciser la stratigraphie du Bassin et d'établir une zônation latérale à travers tout le Bassin.

Charles Barrois, en 1909, faisant la synthèse des travaux de stratigraphie de l'Abbé Boulay en 1876 et de Zeiller en 1888, propose :

En 1914, Charles Barrois complète son étude en donnant un tableau comprenant des faisceaux, avec une épaisseur moyenne, les fossiles caractéristiques dominants correspondant aux zones de Zeiller, ainsi que la faune d'eau douce caractéristique.

En dehors de la zone à fossiles marins, deux niveaux marins caractéristiques sont retenus : la Passée de LAURE et le niveau marin de POISSONNIERE, ce dernier niveau constituant la limite entre le Westphalien A et le Westphalien B. Aucun niveau marin n'a encore été trouvé au-dessus du niveau marin de POISSONNIERE. Ce n'est qu'en 1921 que P.PRUVOST signale qu'un niveau marin a été mis en évidence à MARLES, le niveau de RIMBERT. Cet horizon qu'on peut suivre jusque dans la Concession de LENS va servir de limite entre le Westphalien B, faisceau de Pouilleuse et le Westphalien C, faisceau de SIX-SILLONS.

En 1911 Arthur Lodin, Professeur à l'Ecole des Mines, confronte les idées de Marcel Bertrand et de Charles Barrois, concernant le Houiller du Nord et propose ceci :

La Guerre de 1914 - 1918 interrompt complètement les travaux de recherche dans le Bassin Houiller du Nord-Pas de Calais.

En 1919, Armand Renier, Chef du Servies Géologique de Belgique apporte sa vision sur le Bassin Houiller Franco-Belge :
Les plis de la plaque déformée fréquemment déversés témoignent d'une compression latérale et d'une poussée unilatérale venue du Sud. A côté des plis se marquent des inflexions, sigmoïdes et chaises, résultats d'efforts tangentiels et des flexures, résultats d'efforts radiaux ou verticaux.
Si la déformation est brutale, les flexures passent aux failles les sigmoïdes deviennent des décrochements, et les chaises, des "plates failles". Dans le Bassin Franco-Belge, le déversement des plis et plates failles témoigne d'une façon constante de l'intensité des efforts de poussée, ces mouvements étant décomposés en plusieurs temps.
Longtemps on a cru que les failles ont succédé aux plis. Or on connait maintenant des failles plissées dont les ondulations s'impliquent dans les massifs adjacents, ces failles plates épousant la stratification sur des espaces considérables: Faille du Midi, Faille de BOUSSU, Cran de Retour sont des failles plates plissées. D'autre part ces failles plates se sont produites à plusieurs époques, et la cassure la plus récente affleure au Nord de l'ancienne. Les failles dues à des sollicitations radiales semblent être de date plus récente.
Dans l'ensemble, la déformation du socle paléozoïque a débuté à la phase hercynienne, par la formation d'un grand pli longitudinal. L'existence d'un bossellement interne dû à la région géosynclinale a déterminé la compression d'une plaque par ses extrémités, entraînant une accentuation des courbures.
L'anticlinal Sud se déversa vers le Nord, refluant sur le synclinal houiller. Celui-ci ne tarda pas à être cisaillé à différentes profondeurs, les mouvements de translation se trouvant arrêtés par le Massif Siluro-Cambrien du BRABANT, qui à son tour protégeait la CAMPINE où les déformations tangentielles sont pratiquement nulles, alors que les déformations radiales sont extrêmement développées.
L'étude de ce gisement se trouve dominée par les noms de F.L.Cornet, A.Briart et surtout J.Gosselet.
En 1921 Pierre Pruvost reçoit le Prix Gosselet de la Société Géologique de France pour sa thèse de doctorat sur les Insectes, Crustacés, Arachnides, Mollusques et Poissons du Houiller du Nord de la France.

En 1928, à l'occasion du Centenaire de la Société Géologique de France à LILLE, les géologues de l'Ecole de LILLE vont présenter une synthèse des connaissances acquises sur le Bassin Houiller du Nord de la France.

Charles BARROIS, après avoir rappelé les travaux de Desandrouins en 1834, du Souich en 1840, Gosselet en 1879, Abbé Boulay en 1876, et Zeiller en 1888, indique trois modes de formation de la houille :

C'est cet ensemble qui, avec la détermination des fossiles du toit et des passées permet la connaissance de la structure du Bassin.

BAROIS tire ensuite un certain nombre de principes sur la constitution du Bassin Franco-Belge.

Pierre Pruvost expose ensuite que le gisement étant disloqué par de nombreuses failles et fractures, il faut réaliser une analyse aussi fine que possible pour rétablir la succession normale de toutes les assises. Le Houiller montre un rythme spécial d'accumulation : grès, schistes et charbon (seulement 4 %)
Le charbon repose sur un mur, sol de végétation fossilisé grâce à des basses eaux, avec établissement des végétaux. Les fossiles sont donc autochtones.
Sur le mur, accumulation d'un dépôt d'origine végétale (charbon qui sera décrit par A.Duparque)
Sur la houille, toit toujours stratifié, en grès ou en schistes, avec des fossiles végétaux ou animaux. Le toit est interprété comme la résultante d'un affaissement interrompant brutalement la formation de la houille.
Certains toits peuvent être caractéristiques. Les grès se forment à la profondeur la plus faible, près du littoral. La profondeur augmentant, on obtient des toits à plantes étalées, puis à plantes macérées, puis à faune limnique, avec carbonate de fer, des schistes bitumineux à poissons, des schistes calcareux, et enfin une invasion marine de la région marécageuse où se formait la houille.
Une connaissance précise des faunes continentales et de la flore terrestre permet d'établir une succession des assises et des faisceaux. Ce n`est qu'une méthode approximative qui ne satisfait pas entièrement les mineurs qui souhaitent savoir exactement dans quelle veine ils se trouvent. Seule l'invasion marine, phénomène rapide en durée, de grande extension, et peu fréquente, peut servir de repère. On connaît trois de ces invasions suivies de Westphalie jusque dans le Pays de Galles : Les divisions stratigraphiques sont celles adoptées à HEERLEN en 1927 : DINANTIEN, NAMURIEN, WESTPHALTEN = MUSCOVIEN, et STREPHANIEN = OURALIEN. Les connaissances actuelles permettent d'évaluer à partir d'une veine connue à quelle profondeur peut se trouver telle ou telle veine. L'établissement de coupes sériées à partir d'exploitations connues permet de mettre en place les failles avec leur rejeu.

P. Bertrand démontre que la succession régulière des flores du Houiller du Nord-Pas de Calais se trouve établie par une série continue, sans lacunes stratigraphiques.

A.Duparque a poursuivi une étude très détaillée des houilles du Bassin par une méthode de polissage et d'examen en lumière réfléchie. Il a mis en évidence les constituants de la houille :

Il en a tiré différents types de houille : Toutes ces variétés de houille sont formées de lits parfois très minces se répétant un grand nombre de fois et ne contenant que deux composants: les corps figurés et la pâte, mais montrant des conditions de sédimentation variées se répétant un grand nombre de fois dans le temps et dans l'espace au cours de la formation d'une même veine de houille.

En conclusion :

Le Bassin du Nord-Pas de Calais commençant à être bien connu dans sa structure, peu de grandes études seront entreprises ultérieurement, et avant la nationalisation des Compagnies Minières et leur concentration en un seul organisme, Charbonnages de France, il n'y aura à signaler que le travail de Alexis Bouroz en 1940 : Faciès et Massifs de végétation dans la formation du Bassin du Nord-Pas de Calais. Dans ce travail, la Concession de NOEUX sera étudiée avec une très grande minutie tant au point de vue paléontologique que pétrographique, chimique, stratigraphique, et tectonique. Les conclusions de A.Bouroz seront :
A la création des Charbonnages de France, en 1946-1947, les anciennes Compagnies Minières ont été refondues en sept Groupes d'Exploitation. Un service central de géologie est créé, avec un géologue détaché dans chaque groupe d'exploitation. Une étude détaillée, du type de celle de A.Bouroz pour l'ancienne Concession de NOEUX, sera réalisée dans chaque Siège d'exploitation, avec établissement d'une coupe stratigraphique moyenne normale pour chaque Siège et une coupe de synthèse pour chaque Groupe.
Des études paléontologiques d'ensemble seront présentées sous forme de Thèses de Doctorat : Un laboratoire Central de Pétrographie Minière est créé vers 1951 qui a pour mission d'étudier les terrains stériles qui entourent le charbon, alors que le groupe de chercheurs de la Faculté des Sciences de LILLE, sous la direction de Paul CORSIN étudie les composants du charbon, macéraux (E. MERIAUX) et la palynologie (LOBOZAK, PAQUET, VIGREUX, et Al.) Très rapidement, J.CHALARD en 1951 identifie des "tonstein" dans le houiller de la région de VALENCIENNES.
En 1953, la découverte de très nombreux échantillons de tonstein et leur identification amènent à les utiliser comme niveaux repères d'une extrême précision. En raison de leur faible épaisseur, de leur identité, de leur très grande extension, les tonstein deviennent des marqueurs idéaux et les successions stratigraphiques peuvent être établies avec certitude à travers tout le Bassin et même déborder en Belgique et en Allemagne et en Sarre, car on peut suivre ces niveaux sur des étendues aussi grandes.
On pense que les tonstein sont des pluies de cendres volcaniques transportées par les vents et déposées dans les endroits où elles ont pu être conservées — dans des étendues où se formait la houille — d'où leur brièveté de temps de dépôt et leur très grande aire de répartition. Il faut dire que précédemment, en 1922, Pierre Termier avait présenté une étude sur les tonstein à propos du Houiller de la SARRE. Il y notait la présence de "leverriérite" comme dans les gores de la LOIRE. Barrois les comparait aux "fire-clay" anglais et signalait la présence de tonstein dans le Bassin du Nord-Pas de Calais.
Pour leur formation, Pierre Termier écartait l'hypothèse d'une venue hydrothermale ou le résultat d'une éruption volcanique directe. Jacques de Lapparent proposait comme cause l'incendie d'une foret houillère mais comment expliquer l'accumulation de 20 centimètres de cendres?
Par contre, P.Termier proposait l'entraînement par les eaux de ruissellement de cendres volcaniques tombées sur le sol: les cinérites rhyolitiques ou trachytiques tombent dans le Bassin et suppriment pendant un temps la forêt houillère, mais ce n'est qu'une hypothèse rare.
La leverriérite pourrait aussi, provenir de la lixivation de roches feldspathiques antécambriennes et avoir été recristallisée par diagénèse. P.Termier pensait que les tonstein pourraient être trouvés dans toutes les séries houillères, quand les conditions de dépôt se trouvaient réunies.

Une étude sédimentologique (P.Dollé) a été entreprise également sur les bases de bancs de grès, considérés comme des événements majeurs dans la sédimentation du Houiller. Cette étude menée sur plus de 20 000 échantillons, et analysant la texture des grès en lames minces, leur composition minéralogique, leur cortège de minéraux lourds, le rapport existant entre les quartz et les feldspaths, leur granulométrie établie par tamisage virtuel sur lames minces, a permis d'identifier :

Cet ensemble de travaux a permis d'établir une nouvelle carte géologique de tout le Bassin (A.BOUROZ et Al.) en 1963, donnant un aperçu nouveau sur le jeu des failles, en précisant le passage, le pendage, et le rejet pour le plus grand nombre d'entre elles.
Toutes les failles de charriage: Faille REUMAUX, devenue Faille BARROIS branche Nord et Branche Sud, Faille de FLINES, Faille BOUROZ, Faille PRUVOST, Faille d'EVTN, s'aplatissent en profondeur pour former une immense gouttière avec déplacement latéral .
Les plis et les cassures mis en évidence par les chercheurs précédents Olry, Gosselet, Barrois, Renie, ont été précisés et mieux localisés.
Les corrélations latérales à travers tout le Bassin ont pu être établies avec une grande précision, grâce aux tonstein et à certains niveaux de grès.

La recherche de tous ces documents concernant la géologie du Bassin fait apparaître plusieurs préoccupations :


L'exploitation du Bassin Nord-Pas de Calais tire à sa fin. De 20 millions de tonnes/An au début du siècle, à 25 MT/An en 1914, 35 MT/An avant la Deuxième Guerre Mondiale, elle est tombée à 2 MT/An en 1984, pour s'arrêter dans les années à venir. L'Histoire de la Géologie sera donc suspendue de ce fait dans le Bassin. (Rappelons que cet article date de 1985)

Restent conservés au B.R.G.M. de LILLE - LEZENNES les collections d'échantillons pétrographiques ainsi que les lames minces (70 000), bases de l'étude faite en laboratoire.

Depuis l'origine de l'exploitation et son extension à tout le Nord de la France, de la frontière Belge jusqu'au Boulonnais, les chercheurs qui se sont succédés se sont attachés à comprendre l'organisation de ce bassin : comment en venant de la Belgique il se continue en France, quelle est la cause de son changement de direction à la limite du Nord et du Bas de Calais, quelle est la continuité avec le Bassin du Boulonnais ?

Les théories successives ont abouti à la notion de Bassin ayant subi une poussée du sud avec des charriages plus ou moins évidents et un déplacement latéral de tout le fond où les failles se rejoignent tangentiellement pour former une immense gouttière de glissement.

L'autre préoccupation a été le mode de formation du charbon. Là encore les théories ont fortement évolué jusqu'à ce qu'on fasse intervenir, avec le perfectionnement des méthodes de datation d'âge absolu, comme événement majeur de formation de la houille à cet endroit, le facteur de durée climatique

Pour faciliter les corrélations latérales, les efforts ont été poursuivis pour préciser la stratigraphie. Longtemps la paléobotanique a servi de fil directeur, avec des passages de paléontologie marine. La pétrographie est intervenue pour préciser d'une façon beaucoup plus sure la stratigraphie à l'aide du volcanisme (tonstein), puis la sédimentologie a apporté une connaissance plus précise des stériles et en particulier des grès, dans la formation initiale du Bassin.

Les techniques et les méthodes d'étude se perfectionnant, de nouvelles intervenant, le matériel conservé pourrait être repris et donner lieu à de nouvelles interprétations.

Ouvrages consultés

Travaux du SERVICE GEOLOGIQUE DES H.B.N.P.C.

Thèses de Doctorat publiées dans L'ATLAS DE TOPOGRAPHIE SOUTERRAINE DU HOUILLER DU NORD DE LA FRANCE.

Transformé en html et mis sur le web en 2009 par R. Mahl