COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 14 mars 2001)
Résumé.
Un manuscrit jusqu'à présent inconnu, qui consiste en un commentaire contemporain très critique des Campi Phlegraei de William Hamilton (1776), a été découvert. Bien qu'anonyme, ce manuscrit de douze pages, qui est conservé à la Bibliothèque municipale de Rouen, est reconnu comme étant de la main de Nicolas Desmarest. Les opinions consignées dans ces notes incomplètes sont hostiles à un grand nombre d'idées et d'observations de Hamilton, notamment à celle selon laquelle tous les lacs des Champs phlégréens occuperaient des cratères de volcans éteints, et à sa conviction du pouvoir créateur général de l'activité volcanique. Quoiqu'il puisse sembler surprenant que Desmarest, qui était, comme Hamilton, un pionnier reconnu de la volcanologie, puisse être en désaccord avec un si grand nombre de jugements et d'interprétations, la plupart des opinions exprimées dans ce manuscrit sont en fait semblables aux assertions que Desmarest exprima en de nombreux passages de son œuvre imprimée, certaines dans son mémoire bien connu des années 1770, et d'autres ultérieurement dans les volumes de sa Géographie physique qui commença à paraître dans les années 1790. Le manuscrit, qui souligne les différences significatives entre les points de vue scientifiques de deux importantes personnalités géologiques de la seconde moitié du dix-huitième siècle, a fait l'objet d'une transcription intégrale.
Mots-clés : volcanologie - Italie (Vésuve, Champs phlégréens) - manuscrit inédit - Nicolas Desmarest - XVIIIe siècle.
Abstract.
A previously unknown manuscript has been found, consisting of a highly critical contemporary discussion of William Hamilton's Campi Phlegraei (1776). The twelve-page manuscript, located in the Bibliothèque municipale de Rouen, is anonymous, but it is recognizably in the hand of Nicolas Desmarest. The views recorded in these incomplete notes are hostile to many of Hamilton's ideas and observations, including Hamilton's opinion that all the lakes of the Campi Phlegraei occupy extinct volcanic craters, and his conviction in the extensive formative power of volcanic action. While it may seem surprising that Desmarest, like Hamilton a recognized pioneer in volcanology, would take issue with so great a range of Hamilton's statements and interpretations, most of the points expressed in this manuscript are in fact similar to assertions that Desmarest made at various points in his published work - in part in his well-known mémoire of the 1770s, other parts appearing only later in his multi-volume Géographie physique starting in the 1790s. The manuscript, which highlights significant differences of scientific perspective on the part of two important geological figures of the second half of the eighteenth century, is fully transcribed here.
Key-words : volcanology - Italy (Vesuvius, Phlaegrean Fields) - Nicolas Desmarest - eighteenth century. |
Je vous présente aujourd'hui un document inédit du XVIIIe siècle. Il s'agit d'un document qui n'a presque rien d'extraordinaire à première vue (à part le fait qu'il fut écrit il y a environ 225 ans), mais qui peut nous apporter tout de même des perspectives intéressantes sur la volcanologie vers la fin du siècle des Lumières. Et j'avoue aussi que c'est un manuscrit dont l'interprétation a suscité plus de problèmes que je ne pensais rencontrer à première vue. Ainsi, ce que je vais raconter ressemble un peu à un petit roman policier.
Il s'agit d'un document manuscrit anonyme non daté, qui se trouve dans le fonds ancien de la Bibliothèque municipale de Rouen . Ce manuscrit est conservé dans la grande collection établie, si je suis bien informé, par le baron Charles-Etienne Coquebert de Montbret (1755-1831), un bibliophile et un esprit de vaste culture, qui était professeur à l'École des mines, rédacteur du Journal des Mines, ... et le beau-père d'Alexandre Brongniart. Ce manuscrit est conservé dans une chemise, cote numéro 22 de la collection, qui porte comme titre Lettres écrites d'Italie par William Hamilton (1776 et années suivantes). Le manuscrit comporte 12 pages (trois feuilles pliées) et il diffère manifestement du reste du contenu de la chemise. Il est différent quant à la taille du papier et quant à l'écriture, bien que le tout soit évidemment de la même époque. Le contenu principal de la chemise paraît effectivement être une copie, ou du moins la majeure partie d'une telle copie, faite sans doute par un copiste professionnel, du livre Campi Phlegraei, le grand ouvrage qui rassemble les lettres de Hamilton sur le Vésuve et sur l'Etna, pour la plupart publiées antérieurement en 1772 (dans ses Observations on Mount Vesuvius, Mount Etna and other Volcanos), accompagnées de superbes planches qui font la réputation de l'ouvrage .
Il faut examiner ce dossier, à la Bibliothèque de Rouen, pour voir que s'y trouve aussi cet autre manuscrit, relativement court, avec "plusieurs notes et réflexions isolées sur l'ouvrage de M. Hamilton". Le catalogue des manuscrits n'en dit rien. Le ton de ces notes et réflexions est en général peu flatteur - c'est le moins qu'on puisse dire - à l'égard des observations et des idées de Hamilton. Nous reviendrons bientôt sur quelques détails de ces notes, qui sont dans l'ensemble assez négatifs, et nous essayerons de poser quelques questions concernant les motivations de l'auteur de ces critiques. L'interrogation comprendra aussi la proposition d'un candidat possible susceptible d'avoir été cet auteur anonyme qui se montre sévère envers son contemporain Hamilton. Et si l'auteur est véritablement celui que je soupçonne, l'un des résultats de ce travail serait de montrer qu'il existait plus de variations et plus de divergences entre les amis et les partisans des volcans et du volcanisme, vers la fin du XVIIIe siècle, qu'on ne l'admet généralement dans les études historiques. Mais afin de préciser notre pensée, il est nécessaire de commencer par quelques mots sur l'ouvrage qui est ainsi critiqué et sur l'observateur estimable qui en était responsable.
Le grand ouvrage de William Hamilton est renommé surtout à cause de ses belles gravures en couleurs, d'après des peintures de Pierre Fabris - plus d'une cinquantaine de gravures, en plus de la grande carte de la région de Naples et un montage de plusieurs vues des îles Lipari ou Éoliennes. (Une réédition récente en format réduit de ces gravures ravissantes, présentée par Carlo Knight, existe dans la collection Découvertes Gallimard Albums).
Il est bien connu que William Hamilton est venu à Naples en 1764 pour remplir les fonctions d'envoyé ou d'ambassadeur du roi d'Angleterre à la cour du royaume des Deux-Siciles. Il occupera cette position jusqu'en 1800, longtemps après être devenu Chevalier de l'Ordre du Bain : Sir William Hamilton. Connaisseur et collectionneur d'objets d'art, surtout antiques, il est arrivé plus tard à vendre une bonne partie de sa collection au British Museum à Londres, fournissant de cette façon la base des collections gréco-romaines de ce grand musée. Son vif intérêt pour l'art antique est bientôt plus ou moins égalé par son goût pour l'étude du Vésuve. Il garde des notes précises de ses centaines de parcours sur les flancs du volcan, et il monte jusqu'au sommet de celui-ci des dizaines de fois (58 fois, selon Carlo Knight, ou 68 fois, selon John Thackray).
On comprend facilement le choix qu'a fait M. Carlo Knight, le rédacteur de la réédition récente de ces gravures, de mettre l'accent sur les passions de son protagoniste (le titre complet de son ouvrage est Les Fureurs du Vésuve : L'autre passion de Sir William Hamilton). Car notre ambassadeur était non seulement connaisseur et collectionneur de vases et d'autres objets d'art antiques, il était aussi en effet l'un des observateurs les plus engagés de son époque dans l'étude des volcans. Mais être associé dans l'esprit d'autres avec des passions, cela peut aussi rappeler sans doute un fait historique par lequel la mémoire de William Hamilton est bien inscrite : La belle Emma Hart, avec qui Hamilton eut une liaison quelques années après la mort de sa première femme, devient finalement son épouse en 1791. Quelques années plus tard, elle suscite un scandale par sa liaison avec l'amiral britannique Horatio Nelson - et ce fut là un arrangement où l'ambassadeur vieillissant, en se montrant assez complaisant, se forgea involontairement une célébrité plus durable (en tant que cocu notoire) que celle qu'il avait méritée par ses propres exploits en tant que connaisseur d'art ou volcanologue.
Les observations de Hamilton sur les phénomènes volcaniques de la région de Naples, aussi bien que sur l'Etna, se répandent assez largement de son vivant. Cela se fait d'abord dans les lettres publiées dans les Philosophical Transactions, ensuite dans quelques éditions d'une collection de ces lettres. Mais ce sont les Campi Phlegraei - les Champs Phlégréens - de 1776 qui apportent pour la première fois à un lecteur lointain une idée précise des choses à l'aide d'images en couleurs. Le texte est présenté à la fois en anglais et en français, en deux colonnes disposées côte à côte sur les 90 pages d'un grand in-folio. Les explications des planches - celles-ci bien sûr également en grand in-folio - sont imprimées, comme le texte, à la fois en anglais et en français .
Notons rapidement quelques-uns des traits principaux du contenu conceptuel de l'ouvrage. A travers l'enthousiasme de Hamilton pour les phénomènes volcaniques qu'il examine personnellement de près, on apprend qu'il est convaincu de l'origine volcanique de tous les terrains de la région. Il le proclame à plusieurs reprises - comme par exemple dans le passage suivant :
"S'il peut ètre pleinement prouvé, que le cercle que j'ai décrit, doit son existence même aux explosions Volcaniques, arrivées dans des periodes diverses, & trés eloignées les unes des autres en de certains endroits, & que ce n'est pas simplement un Païs dechiré par les feux souterrains, selon l'opinion generalement reçue jusqu'à present, Je me flâte, que j'aurai ouvert une carriere nouvelle aux observations sur ce sujet curieux ".
L'imagination de Hamilton est nettement dominée par l'idée d'une contradiction apparente entre le phénomène explosif et destructeur d'un volcan en éruption, et le fait - qu'il croit avoir observé - que toutes ces terres portent les traces d'avoir été générées par ces mêmes forces. Une remise en question des idées généralement admises concernant ces opérations de la nature est, selon lui, nécessaire. Si ce qu'il appelle "la superbe situation de Naples" - si "tout cela a été le produit, & doit sa beauté & la variété de ses sites à de pareilles destructions apparentes" - il faut apprendre à voir d'une façon différente, et adopter l'idée que
"... cette operation si terrible de la nature sera dorenavant regardée plustôt comme CREATRICE que comme DESTRUCTIVE" .
Hamilton insiste beaucoup sur la fidélité, l'exactitude et la simplicité de ses observations, il déclare souvent qu'il a fait tout ce qu'il faut pour éviter le piège des systèmes. Il se montre imprégné, on peut le dire, de l'esprit des Lumières, en essayant de présenter ce qu'il a vu à l'aide à la fois d'images et de mots. Dans la limite du possible, il essaie de mesurer, de parler en termes quantitatifs. Il est partisan aussi de réaliser des études chimiques des produits des volcans.
Et nous devons respecter le fait que, s'il est vigoureusement favorable à une augmentation de l'empire du feu, il se méfie tout de même de "ceux qui veulent que toutes Montagnes ayent été formées par l'explosion des feux souterrains" .
Mais il n'a pas craint de dire des choses assez fortes, par exemple,
"... qu'on trouvera, que les feux souterrains ont plus contribué à la formation des Montagnes, des Isles, & même des espaces de terre trés considérables, qu'on ne l'avoit pensé jusqu'à présent"
et "... enfin plus on observera, plus on trouvera que les Volcans ont eté abondants dans toutes les parties du Monde, beaucoup plus qu'on ne l'avoit imaginé jusqu'à present" .
Mais le bon mot le plus connu de tout l'ouvrage est peut-être le suivant :
"... si Je devois ètablir un systeme, ce seroit que les montagnes sont produites par les Volcans, & non les Volcans par les montagnes" .
Plus tard, il exprimera une conception à peu près semblable dans la lettre sur son voyage en Sicile :
"D'aprés les observations exactes que J'ai faites sur le Mont Etna, le Vesuve, & ses environs, J'ose dire, que la plupart des montagnes qui sont ou ont èté des Volcans, doivent sans doute leur existence à des feux souterrains, quoique cette assertion soit directement opposée à l'opinion reçue sur ce point" .
C'est-à-dire que, selon Hamilton, un volcan n'est pas une montagne dans laquelle un feu souterrain a fait des transformations ; le feu est lui-même responsable de l'existence de la montagne. Sur ce point, Hamilton critique en particulier Buffon qui, selon lui, place le foyer d'un volcan assez haut dans la montagne elle-même. Hamilton croit qu'il faut situer le foyer en un lieu beaucoup plus profond, c'est-à-dire à une profondeur telle que non seulement des zones élevées mais aussi les terres plus basses sont dans l'état où elles ont pu être soulevées par la force des feux souterrains.
Selon Hamilton, l'Etna et le Vésuve, et sans doute beaucoup d'autres parties de la physionomie du Globe terrestre, ont été construits par une accumulation d'éruptions. Ces montagnes sont, à ses yeux, formées par l'agglomération d'un grand nombre de monticules comme ceux dont il a vu la construction sur les flancs du Vésuve, ou comme le Monte Nuovo de 1538 dont il présente les récits historiques de la genèse.
Malgré la fascination de voir des événements violents, Hamilton croit qu'il faut accepter comme un fait que ces contrées sont le produit de longues périodes d'activité volcanique. Cela est clair lorsqu'il parle de l'Etna, où il voit des opérations pareilles à celles du Vésuve, mais sur une échelle beaucoup plus grande. Il fait la distinction entre les cônes et les cratères récents et ceux plus anciens, plus dégradés. Concernant le temps nécessaire pour la transformation des laves en terres fertiles, il croit qu'on doit le compter en siècles ou même en milliers d'années.
Il n'est pas surprenant que Hamilton, fier d'être un observateur précis et réservé à l'égard des systèmes et des théories, s'attache beaucoup aux planches qui sont faites "sous ses propres yeux". Ses descriptions des planches ajoutent bien sûr bon nombre de commentaires concernant les phénomènes et les idées de Hamilton à leur sujet. Il a confiance en la valeur de ces images et de leurs descriptions, témoins des opérations volcaniques dans une région qu'il est certain d'être l'endroit du monde le plus propice pour les étudier.
"Le Royaume des deux Siciles offre à cet egard le champ le plus intéressant qui soit dans l'univers. C'est lá qu'on voit des Volcans existans dans toute leur force, quelques uns sur leur declin, & d'autres totalement èteints" .
Revenons maintenant au manuscrit de la collection Coquebert de Montbret de la Bibliothèque municipale de Rouen, constitué de notes et réflexions sur l'ouvrage de Hamilton. Notons en passant, avant de le laisser de côté pour l'instant, le fait que, selon le titre ou les premières lignes du manuscrit, il s'agit là d'une copie. Titre curieux, parce qu'il est difficile de croire que celui qui l'a écrit a vraiment copié un écrit préexistant. Le manuscrit ressemble plutôt à un brouillon, car il y a trop de lignes où l'écrivain reconstruit les phrases, où il a rayé quelques mots pour améliorer l'expression. S'agit-il peut-être de la copie d'un brouillon, où l'auteur essaie de perfectionner ce qu'il a déjà commencé à commenter ? Je ne sais pas.
Un second point : Nous ne devons pas oublier que ces notes ne portent aucune date. Mais nous pouvons dire que l'auteur semble parler d'un ouvrage nouveau - il répond aux observations et aux idées de Hamilton comme si celui-ci était un contemporain, peut-être même un rival. L'auteur des notes commente l'édition originale des Campi Phlegraei, celle de 1776 - cela me semble être le cas sans aucun doute.
On aurait pu penser autrement, et se demander s'il s'agit d'un ouvrage qui est réédité, parce que l'auteur dit que "Ces desseins Sont relatifs a la nouvelle edition des Lettres de M. Hamilton a la Société Royale sur Les Volcans" (MS pp. 1b-1c) .
A mon avis, les notes du manuscrit ne sont pas très bien organisées, et le manuscrit n'est pas complet. C'est un récit avec des remarques sur la plupart des cinquante et quelques planches, en ordre numérique, qui forme plus que la moitié du manuscrit. Le récit se termine en effet à la fin d'une phrase concernant la 30e de ces planches, sans résumé, ni conclusion.
Il est clair que l'auteur a lui-même visité les lieux - ou au moins la plupart d'entre eux - qui sont décrits par Hamilton dans ses lettres et représentés par le peintre Fabris dans ses gravures. Les remarques de l'auteur des notes tendent à souligner quelques points particuliers de l'ouvrage de Hamilton. Il convient, pour choisir et simplifier un peu, de les réduire à quatre propositions - toutes rejetées par l'auteur des notes.
a. - Hamilton croit que le Monte Nuovo, petite montagne volcanique apparue en 1538 au cours d'une éruption d'environ 48 heures, doit être considéré comme le modèle de tous les autres volcans ; que les volcans - grands et petits - se sont généralement formés de cette même façon.
L'auteur n'est pas d'accord et croit que c'est à tort qu'on pense que le Monte Nuovo est entièrement bâti de matières provenant des explosions de 1538.
"M. Hamilton insiste trop ce me Semble Sur la ressemblance de Certains craters avec celui du Monte Nuovo. Cependant il auroit pu considerer que Le Monte Nuovo aiant Ete forme par une Eruption Violente et extraordinaire ne peut Servir de terme de Comparaison avec les monuments du travail ordinaire [du travail] de la Nature qui ne peuvent etre que Les produits d[']Eruptions Successives [.]" (MS, p. 1a).
"J[']ai beaucoup examine le Monte Nuovo et autant que J[']ai pu Le voir il m[']a paru que La plus grande partie des materiaux qui Le composent Sont les produits de plus [i] anciens volcans qui ont Ete Soulevés par cette Explosion [qui] laquelle a Laisse il est vrai Les vestiges d[']une cheminee et des amas de Scories. mais on ne Scait pas trop a quoi Se reduit ce monument que citent tous ceux qui veulent que [tout] La nature Se hate de produire de Semblables montagnes [.]" (MS, p. 2a).
b. - Hamilton croit que tous les bassins occupés par des lacs aux environs de Pouzzoles ont été des cratères. L'auteur du manuscrit dit que "on voit que M. Hamilton met des volcans partout ou il rencontre des bayes, des trous, & des enfoncemens" (MS, p. 3c).
L'auteur n'est pas d'accord car, à son avis, chaque cratère doit être examiné du point de vue de ses caractères particuliers, et on doit faire la distinction entre des cratères dans leur état primitif et ceux d'un état différent, peut-être altéré par des opérations ultérieures.
"M. Hamilton [place les volcans dans tous les] croit que tous Les bassins des Lacs des Environs de Pouzzole ont ete des craters, sans aucun examen de L[']Etat des bords de ces bassins et Sans S'etre assuré par quels moyens L[']eau [Setoit] Se Seroit rassemblee [dans ces bassins] et conservee dans ces craters. Je Suis convaincu qu[']il est impossible qu'aucun cratere dans Son Etat primitif Soit propre a contenir L[']eau et a former un Lac : il auroit pu reconnoitre cette Verite en observant que le Monte Nuovo est [bien] a Sec [.] outre cela il me paroit que M. Hamilton met des craters dans tous Les Enfoncemens des Campi phlegrei, ce qui est fort aventuré. J[']en citerois plusieurs qui ne Sont pas des Centres d[']Eruption :" (MS, p. 1a).
c. - Hamilton croit que les observations des volcans tendent à soutenir l'opinion que le volcanisme est un procédé plutôt créateur que destructeur, que les montagnes volcaniques ne sont pas des montagnes dans lesquelles des feux se sont allumés, elles sont au contraire des objets formés par les opérations naturelles de ces feux. Il croit même que non seulement des montagnes, mais aussi des îles et de grandes parties des terres ont peut-être été formées par ce moyen naturel.
L'auteur n'est pas d'accord - il contredit en passant la prémisse ou la thèse principale, mais de façon un peu équivoque, et puis il insiste sur le fait que la détermination de l'origine volcanique de la montagne dépend de la découverte du centre d'éruption.
"je dois dire [à] ce Sujet [sic] que Jamais personne n[']a pretendu que Les volcans [fussent] aient ete formes par Les montagnes : mais M. Hamilton auroit du ce Semble ajouter pour appuyer La premiere partie de Ses assertions que [pour] on ne pouvoit determiner que telle ou telle montagne a Ete formée par Les volcans [il falloit] sans indiquer par des indices frappans Le centre dEruption d[']ou ces materiaux Seroient Sortis : car on peut retrouver Les vestiges de toutes ces anciennes formes [.]" (MS, p. 1d).
"... nous Soutenons qu[']il n[']est pas naturel de croire que Le Vesuve et toutes Les montagnes dans Lesquelles il y a des volcans Se Soient Eleves a la hauteur qu[']ils ont par une Suite d[']Eruptions de plusieurs Siecles. [comme voudroit Le faire croire Hamilton] [.]" [Soulignage dans le texte original.] (MS, p. 3b).
d. - Hamilton insiste sur le fait que les phénomènes volcaniques indiquent une profondeur considérable pour le foyer des feux souterrains.
L'auteur n'est pas d'accord, bien que son désaccord ne soit pas exprimé de façon extrêmement forte. Il considère l'attitude de Hamilton comme une volonté de "hazarder". Il répond aux faits apportés par Hamilton, relatifs à la disposition des produits du Vésuve, répandus à de grandes distances du centre du volcan, par quelques remarques sur le "système de Borelli" selon lequel le foyer des volcans n'est pas profond.
Ceux qui ont adopté ce système, et on comprend que l'auteur est à compter parmi ceux-ci,
"... disent qu[']il n'est pas necessaire que Le produit de cette Eruption [Se ser] ait eté fondu dans le foyer ordinaire du Vesuve : que le deplacement de la marche des courans a Ete la Suite [des ?] d[']un nouveau centre de fusion [.]" (MS, p. 3a.)
Pour terminer notre panorama des notes sur l'ouvrage de Hamilton, remarquons que la plupart de ces notes suivent une description de quelques planches, avec des commentaires parfois mordants. Concernant les planches elles-mêmes, l'auteur prend un ton beaucoup plus critique que nous n'aurions pu le penser.
"Nous revenons maintenant aux desseins de M. Hamilton. pour Le choix et La redaction de ces desseins nous aurions desire qu[']on Eut consulte des Savants francois pour Savoir ce qui[']l convenoit d[']y faire figurer et Soigner et cequ[']il convenoit d[']omettre [.] et dans ce cas on croit que ces desseins pouvoient etre reduits a 10. ou 12. planches [.]" (MS, p. 1d).
Il se montre un peu chauvin, et il croit paraît-il qu'il y a au moins quatre fois plus de planches que nécessaires. Parmi les planches il y en a dont l'auteur des notes est satisfait, mais il y en a davantage dont il est mécontent d'une façon ou d'une autre.
L'auteur prend un ton bien critique aussi en ce qui concerne la présentation des faits et la manière de raisonner, que l'on voit dans les Campi Phlegraei. Par exemple, il n'est pas content du fait que Hamilton cite les observations de Horace-Bénédict de Saussure aux environs de Rome - Ferber et autres ont mieux vu, dit-il (MS, p. 1c). Il reproche à Hamilton d'avoir parlé "vaguement" (MS, p. 3b) ou de façon "vague" (MS, p. 1d, 2b, 3d). L'auteur est contrarié que Hamilton paraisse présumer ce qu'il doit prouver avec des faits :
"Je trouve dans M. Hamilton plusieurs doutes qui prouvent qu[']il n'a pas Emploie une certaine analyse dans Ses observations" (MS, p. 2a).
"M. H. veut toujours que ce mont [Le Monte San Angelo] ait Ete forme par quelque Explosion volcanique mais il s[']en faut bien qu[']il nous En donne la moindre preuve [.] [il a] il auroit pu trouver dans [leur] la construction interieure de ce mont dans Sa disposition tout ce qui pouvoit faire connoitre Son origine. il voudroit aussi qu[']on Etendit [?] cette meme Supposition a une infinite d[']autres montagnes auxquelles Elle ne convient pas mieux" (MS, p. 2d ; soulignement dans le texte original.)
Plusieurs fois, il dit que Hamilton donne des idées et des observations "vagues" et "incertaines" (MS, pp. 2b, 3d). Il donne comme exemple le fait que, selon lui, sur l'isle d'Ischia
"Les couches d[']argilles bonnes a travailler ne Se trouvent pas ... entre Les matieres volcanisées. ce Sont visiblement Les restes de L[']ancien sol. M. Hamilton en doute et il les considere comme des bases de la lave capables de resister au feu [comme] de meme que de Semblables Substances Se trouvent au milieu des matieres de la Solphatare. avec la moindre analyse des faits il auroit distingue les differents Etats ou Se trouve l[']argille dans ces deux Circonstances" (MS, p. 2b.).
Même lorsqu'il s'agit de quelque bonne observation ou planche instructive, l'auteur apporte son soutien à contrecœur, il fait ses éloges avec réserve - par exemple, concernant la planche où "on voit Les differents Etats d'acroissemens du monticule qui Se forma en 1767 a l'ouverture du crater du Vesuve et Sa reunion avec la premiere base conique. quoique nous connoissions par Le Pere della Torre ces phenomenes on est bien aise de les voir reparaitre ici avec [leurs progres] les [le ?] [progres ?] de leurs Etats Successifs" (MS, p. 2b).
On peut ajouter, aux mots négatifs qu'utilise l'auteur - on a déjà vu vague et incertain - les suivants : douteux (2c), oiseux (2c), aventuré (1a, 1d), indécis (2d). En outre, Hamilton s'hazarde (2d) ; et il est étonnant que Hamilton oublie de faire telle ou telle chose (3b).
Dans l'ensemble, nous avons un auteur qui se croit en état de juger des observations de Hamilton, ayant lui-même apparemment vu le terrain autour de Naples. Tout en admettant l'importance des phénomènes volcaniques de la région de Naples, il n'est pas du tout prêt à s'accorder avec un grand nombre des idées de Hamilton. Par exemple :
-- que les montagnes volcaniques sont bâties de matières accumulées au lieu de soulevées ;
-- que les enfoncements circulaires où se trouvent la plupart des lacs de la région sont d'anciens cratères ;
-- que les feux souterrains ont des foyers très profonds ;
-- que le Monte Nuovo, volcan apparu à l'époque historique, est un modèle ou exemple pour la genèse de tous les autres volcans.
Il a beaucoup plus de critiques que de compliments à faire concernant les planches de l'ouvrage. Il considère que Hamilton est un observateur assez médiocre et en rien un maître à penser.
Qui formula ces critiques? Quel est l'auteur anonyme de ces notes manuscrites incomplètes ?
En songeant aux possibilités, il faut bien tenir compte du fait que Jean-Louis Giraud-Soulavie a publié en 1781 un volume - Œuvres complettes de M. le Chevalier Hamilton - comportant le texte français des Campi Phlegraei, avec des notes et commentaires par Soulavie - mais sans les planches, excepté la carte - afin d'en faire une édition portable. Mais ce n'est sûrement pas Soulavie, qui affirme que ce qu'a fait Hamilton est "un ouvrage parfait" . Il n'est pas difficile de le rayer du rang des suspects.
J'ai dit au début de cet entretien que j'avais des soupçons concernant l'auteur des notes qui sont au centre de cette petite histoire. Mais dire cela tout court n'est pas vraiment tout à fait honnête. A parler plus franchement, j'avais, dès mon premier coup d'oeil sur le manuscrit de Rouen, l'idée - voire presque la conviction - qu'il s'agissait d'une écriture qui m'est assez familière après de longues années de recherches. C'est, je crois, l'écriture de Nicolas Desmarest. Desmarest, lui-même connaisseur des volcans. Desmarest, l'un des apôtres de la volcanologie du XVIIIe siècle.
Mais pour confirmer l'identification de l'auteur de ces notes manuscrites, il nous faut considérer non seulement la question de l'écriture, mais aussi celle des idées et des opinions qu'on y trouve - bref, celle du contenu intellectuel de ces notes.
D'abord, la question de l'écriture. Je ne suis pas graphologue. Je n'ai pas de formation pour l'examen et l'identification de l'écriture. Je suis en outre étranger aux conventions de la culture écrite des Français. Il me semble tout de même, qu'il s'agit de l'écriture de Nicolas Desmarest.
On peut comparer ces notes avec quelques exemples d'écriture qui sont incontestablement de la main de Desmarest, et à peu près de la même époque que ces notes sur Hamilton. Il en existe beaucoup, surtout parmi les rapports des commissaires, dans les Archives de l'Académie des sciences (Desmarest est devenu membre de l'Académie en 1771, élu adjoint dans la classe de mécanique, et promu associé en 1773). On peut voir la ressemblance, par exemple, entre l'écriture des notes sur l'ouvrage de Hamilton (Figure 1), que nous présumons avoir été faites probablement en 1776, et une page d'un rapport écrit et signé par Desmarest (avec Vandermonde) le 4 septembre 1776 (Figures 2 et 3). A mes yeux c'est la même écriture. Il est possible de comparer non seulement l'écriture, mais aussi la façon de ponctuer, de souligner, et de rayer des mots inutiles.
Si Desmarest est bien celui qui a écrit ces notes, est-il concevable que leur contenu soit un reflet fidèle de sa pensée ? Les idées et les opinions qui se trouvent dans le manuscrit de Rouen sont-elles celles de Desmarest ? Après tout, ces notes sont "une copie" de réflexions sur l'ouvrage de Hamilton. Elles pourraient donc être de la main de Desmarest mais pas de son cerveau.
Tout de même, en fin de compte, il n'est pas très difficile d'établir une correspondance relativement parfaite entre ce qu'on trouve dans les notes manuscrites et ce que Desmarest a publié au cours de sa longue vie concernant les volcans et leurs productions. C'est vrai qu'il y a peut-être quelques difficultés dans quelques détails - mais la ressemblance entre les opinions exprimées dans ce manuscrit et celles qu'on trouve dans les publications de Desmarest à partir de 1771 et jusqu'à la fin de sa vie, est remarquable, et même saisissante.
Desmarest avait commencé ses recherches volcanologiques en 1763, en Auvergne. Il fit en 1765-1766 un long voyage en Italie pour accompagner le jeune duc de La Rochefoucauld d'Enville, dans son Grand Tour. C'était juste après les premières tournées de Desmarest en Auvergne, à la suite desquelles il avait proclamé que les basaltes sont tous d'origine volcanique. Le voyage d'Italie lui donne l'occasion de comparer les phénomènes auvergnats et italiens ; et Desmarest se montre satisfait de la consistance et de la cohérence de tout ce qu'il a vu. Avec le duc, Desmarest voyagea jusqu'à Naples au mois de décembre 1765. Ils y examinèrent ensemble les phénomènes volcaniques, et ils furent invités à dîner et à assister à des fêtes musicales par l'ambassadeur Hamilton .
Desmarest est généralement connu comme un héros de la volcanologie. Mais ce qui est moins généralement reconnu ce sont les limites des convictions vulcanistes de Desmarest. Effectivement, Desmarest ne croyait pas que les volcans doivent être regardés comme un phénomène général et de premier ordre, dans le cadre général des opérations de la Terre et de son histoire. Pour lui, les volcans sont en fin de compte un phénomène beaucoup moins important que le travail incessant de l'eau. Il inclinait plutôt vers une sorte de neptunisme que vers une doctrine vulcaniste.
Dans son étude sur les basaltes, publiée dans les Mémoires de l'Académie des sciences de 1771 et de 1773, Desmarest s'exprime en faveur des thèses suivantes :
a. Les opérations des volcans sont présumées altérer des matériaux primitifs ; les produits volcaniques sont en général des roches comme des granites (mais parfois aussi des calcaires), altérées jusqu'à un certain point par les feux souterrains ; la variété même des produits volcaniques témoigne que les matériaux volcaniques ne sont pas générés par le volcan - ce sont des matériaux altérés par le volcan.
b. Le feu des volcans n'est pas véritablement excessivement chaud ; il est d'une intensité médiocre ; cela est prouvé par le fait que, parmi les produits volcaniques, on trouve très souvent le quartz, qui est réfractaire à ces feux ; et le basalte se présente non comme une matière vitrifiée, mais avec des cristaux qui ont résisté aux feux souterrains.
c. On doit regarder le Vésuve comme une montagne préexistante aux ravages des feux volcaniques, comme un phénomène de géographie physique comparable aux montagnes des Apennins, mais qui a subi des attaques par ces feux.
Plus intéressantes encore, à mon avis, sont les opinions exprimées plus tard par Desmarest, dans les volumes de l'Encyclopédie méthodique qu'il a produits pour la plupart alors qu'il était septuagénaire, et même après l'âge de 80 ans. On y trouve un certain nombre d'articles concernant précisément les sujets traités à la fois par Hamilton et par l'auteur des notes critiques. Desmarest fait preuve dans bon nombre de ces articles des mêmes points de vue qu'on voit dans le manuscrit de Rouen .
En voici quelques exemples :
Desmarest se méfie toujours de ceux qui croient que tous les lacs des Champs phlégréens sont des cratères d'anciens volcans.
"Ce lac [Agnano] est considéré, ainsi que celui d'Averne, comme occupant le cratère d'un ancien volcan :" ... "Il suffit d'observer attentivement les environs de ce lac & les différentes masses de laves fort élevées qui en forment l'enceinte d'un côté, pour être convaincu qu'il n'occupe pas le cratère d'un ancien volcan ; car presque toutes ces masses de laves qui y aboutissent, entre autres celle dessous laquelle se trouve la grotte du Chien, sont des courans qui viennent d'ailleurs, & dont il seroit facile de reconnoître l'origine si l'on avoit l'habitude d'apprécier les changemens arrivés dans les masses qui peuvent appartenir aux différens centres d'éruption fort anciens ; changemens qui, la plupart du tems, ont fait disparoître les formes anciennes des cratères" .
"Je dois de même remarquer une autre erreur au sujet des cratères, admise par des savans qui n'ont consulté que les convenances apparentes, sans avoir observé toutes les circonstances essentielles. Cette erreur consiste a placer les lacs dans les cratères comme dans des bassins naturels & propres à contenir l'eau. Ces savans n'ont pas vu que les cratères ne peuvent pas plus contenir l'eau que le tonneau des Danaïdes ; que jamais l'eau des neiges accumulées par les vents dans les vrais cratères ne subsiste plus de deux ou trois jours ; qu'en conséquence, après la fonte des neiges, tous ces cratères sont à sec ; ..." .
A plusieurs reprises il critique la proposition que le Monte Nuovo serait un exemple général des opérations volcaniques et de leurs résultats généraux.
"Il nous reste maintenant à nous élever contre les conséquences que quelques naturalistes ont cru pouvoir en tirer [c'est-à-dire, des circonstances de l'origine du Monte Nuovo], en nous assurant que la plupart des montagnes ont été ainsi formées par l'action des feux souterrains : ils n'ont pas vu que cette montagne annonce non-seulement par sa forme extérieure, mais encore par la disposition des matériaux qui la composent, & surtout par leur nature, qu'elle est entièrement l'ouvrage du feu & le résultat d'une éruption volcanique ; s'ils eussent examiné le Monte-Nuovo, & qu'ils eussent fait une application de sa constitution générale à celle des autres montagnes qu'ils vouloient lui comparer, ils auroient reconnu que rien de semblable ne s'y rencontroit ; que, dans toutes les autres montagnes, toutes les couches sont suivies & horizontales ; que leurs matériaux n'ont point été altérés par le feu, & qu'en un mot tout y subsiste depuis la base jusqu'au sommet, dans le même état de régularité où cet ouvrage des eaux est sorti du bassin de la mer, sans que les feux souterrains y aient rien altéré ni dérangé" .
Il reste opposé à la thèse selon laquelle les foyers volcaniques se trouvent à des grands profondeurs.
"Quoiqu'on n'y voie plus de cratère, plus de bouche ouverte, & peu de matières qui soient sous forme de scories, cependant on peut reconnoître toujours les centres d'éruption par où le feu se faisoit jour. C'est aussi de là que laves sorties se sont répandues à la surface de la terre, & ont recouvert d'abord les massifs de matières intactes qui entourent, à une certaine profondeur, les centres d'éruption. Ainsi tous les produits du feu, étant à la superficie de la terre, nous prouvent incontestablement que les opérations de ce redoutable élément n'ont attaqué que les parties voisines de la superficie".
... "C'est donc à tort que des naturalistes ont pris le feu pour un des grands agens qui ont servi à l'organisation du Globe, & qui ont présidé aux principales révolutions que le Globe a éprouvées" .
Il convient d'ajouter qu'il n'est pas difficile, en parcourant les pages de la Géographie physique de Nicolas Desmarest, de trouver des articles rédigés d'un ton critique et désapprobateur à l'encontre des observations et des raisonnements de quelques-uns de ses contemporains, pour la plupart sans les nommer.
Il serait intéressant de savoir comment et pourquoi ce commentaire non signé est parvenu dans la Collection Coquebert de Montbret avec le manuscrit des lettres de Hamilton, mais il me semble téméraire d'en conjecturer sans étudier l'histoire de cette collection. Et peut-être paraîtrait-il pareillement hardi de deviner comment Desmarest aurait décidé de faire de telles "notes et réflexions". Mais je pense qu'il est à propos de faire remarquer que Desmarest préparait quelquefois des comptes-rendus pour le duc Louis-Alexandre de La Rochefoucauld d'Enville, dont il fut longtemps le protégé. Ainsi écrivit-il au duc quelques années plus tard, par exemple, pour rendre compte du spectacle des expériences aérostatiques.
Pour résumer, nous avons dans le document de la Bibliothèque de Rouen un témoignage français de désaccord avec les idées de William Hamilton en ce qui concerne les volcans et leurs phénomènes. Je crois que nous avons de bonnes raisons de penser que ce document est de la main d'un contemporain, qui a lui-même étudié des volcans - à savoir, le Français Nicolas Desmarest, qui était déjà à cette époque membre de l'Académie royale des sciences de Paris.
Si cela est vrai, que devons-nous en conclure ? Au moins, que deux esprits éminemment intelligents et expérimentés, qui ont tous deux beaucoup vu et beaucoup compris, ont étudié les mêmes phénomènes mais que ceux-ci leur ont parlé de manière assez différente. Et qu'au XVIIIe siècle, à l'aube des connaissances géologiques, l'interprétation des phénomènes volcaniques présentait à de tels esprits, et à leur imagination, plus de difficultés et plus de possibilités que nous ne l'admettons généralement, nous qui sommes les héritiers de leurs désaccords et de leurs débats.
Je remercie la Bibliothèque municipale de Rouen, qui m'a permis de publier le texte intégral des notes que j'ai découvertes dans le manuscrit n° 22 de la Collection Coquebert de Montbret.
Copie de plusieurs notes et réflexions isolées sur l'ouvrage de M. Hamilton
[Transcription des notes manuscrites, sans date et non signées - mais évidemment de la main de Nicolas Desmarest - dans la Collection Coquebert de Montbret (n° 22), Bibliothèque Municipale de Rouen].
Le contenu principal du manuscrit n° 22 de la collection Coquebert de Montbret, de la Bibliothèque municipale de Rouen, paraît être une copie (vraisemblablement préparée par un copiste professionnel) d'une grande partie du texte des Campi Phlegraei (1776) de William Hamilton. Voici la description qui se trouve dans le catalogue imprimé des manuscrits : "Lettres écrites d'Italie par William Hamilton (1776 et années suiv.). Texte et traduction. XVIIIe siècle. Papier. 117 feuillets. 410 sur 270 millim. Dérelié." (L'examen de ces feuillets démontre en fait que leurs dimensions ne sont pas du tout uniformes, les mesures de quelques groupements de feuilles ayant des variations considérables, d'un minimum de 200 sur 155 jusqu'à un maximum de 415 sur 265 mm). La chemise qui contient ce manuscrit porte le titre : Correspondance de William Hamilton, Italie. Il n'est pas certain que la personne qui a catalogué le manuscrit ait compris qu'il correspond au contenu d'un livre publié - à la fois en anglais et en français - par Hamilton.
La partie du manuscrit n° 22 reproduite ici porte le titre Copie de plusieurs notes et Réflexions isolées sur L'ouvrage de M. Hamilton. Ce texte couvre trois feuilles, chacune pliée en quatre, soit douze pages en tout. La mesure de chaque feuille, dans son état plié, est d'environ 230 mm (hauteur) sur 180 mm (largeur), la mesure n'étant pas exacte, parce que les trois feuilles ne sont pas tout à fait identiques. Chacune des trois feuilles est numérotée - 1, 2 et 3 - sur sa première page. Pour cette transcription nous avons décidé d'ajouter (entre crochets, pour l'indication des pages) des lettres - a, b, c, et d - pour identifier chaque page des trois feuilles. Ainsi, pour l'indication des quatre premières pages, réunies sur la première feuille, nous utiliserons les numéros 1a, 1b, 1c, et 1d ; pour les quatre pages suivantes, de la seconde feuille, les numéros 2a, 2b, 2c, et 2d ; et pour les pages de la troisième feuille les numéros 3a, 3b, 3c, et 3d.
L'écriture de cette Copie de plusieurs notes ... est nettement différente de celle du reste du manuscrit n° 22. Le texte de la Copie de plusieurs notes ... présente beaucoup de mots rayés, ce qui peut suggérer l'idée que l'auteur l'a composé en écrivant - à la différence du reste du contenu de la chemise, qui est certainement la copie d'un texte préexistant.
La Copie de plusieurs notes et Réflexions isolées ... porte l'empreinte de la Bibliothèque de Rouen sur chaque feuille, recto et verso (ainsi, sur les pages numérotés 1a, 1d, 2a, 2d, 3a, et 3d de la transcription) - "BIBLIOTH. PUBL. / DE ROUEN / COLLECTION / DE MONTBRET." Le texte se termine brusquement. Il est sans doute incomplet.
L'orthographe du texte est reproduite ne varietur, à l'exception de (1) la capitalisation des noms propres (de personnes et de lieux), et (2) l'addition ici et là [entre crochets] de signes de ponctuation - surtout des apostrophes, et des points pour terminer les phrases - où de tels signes semblent clairement manquer. Nous n'avons pas essayé de corriger des inconstances orthographiques (par exemple crater mais aussi cratere, Pouzzoles mais aussi Pouzzole). Nous n'avons pas essayé non plus d'ajouter des accents là où ils ne sont pas visibles sur le manuscrit. Des mots, des phrases, ou même des parties de mots qui sont rayés dans le manuscrit sont retenus et aussi rayés dans la transcription [entre crochets]. Les parties du texte qui sont soulignées dans le texte original sont transcrites fidèlement de la même façon. Les additions faites par l'auteur dans les marges du manuscrit sont insérées dans le texte là où l'auteur les avait évidemment prévues.
Il est souvent difficile, en lisant le manuscrit, de savoir comment transcrire une lettre - en minuscule ou majuscule. A l'exception déjà mentionnée de la capitalisation des noms de personnes et de lieux, nous avons essayé de respecter très exactement l'orthographe du texte original.
(1) [= 1a]
Copie de plusieurs notes et Reflexions isolées Sur L[']ouvrage de M. Hamilton.
M. Hamilton insiste trop ce me Semble Sur la ressemblance de Certains craters avec celui du Monte Nuovo. Cependant il auroit pu considerer que Le Monte Nuovo aiant Ete forme par une Eruption Violente et extraordinaire ne peut Servir de terme de Comparaison avec les monuments du travail ordinaire [du travail] de la Nature qui ne peuvent etre que Les produits d[']Eruptions Successives [.]
M. Hamilton [place les volcans dans tous les] croit que tous Les bassins des Lacs des Environs de Pouzzole ont ete des craters, sans aucun examen de L[']Etat des bords de ces bassins et Sans S'etre assuré par quels moyens L[']eau [Setoit] Se Seroit rassemblee [dans ces bassins] et conservee dans ces craters. Je Suis convaincu qu[']il est impossible qu'aucun cratere [sic] dans Son Etat primitif Soit propre a contenir L[']eau et a former un Lac : il auroit pu reconnoitre cette Verite en observant que le Monte Nuovo est [bien] a Sec [.] outre cela il me paroit que M. Hamilton met des craters dans tous Les Enfoncemens des Campi phlegrei, ce qui est fort aventuré. J[']en citerois plusieurs qui ne Sont pas des Centres d[']Eruption :
Apres ces reflexions generales Je vais parcourir Les remarques curieuses et instructives qu[']on peut faire d[']apres Les desseins que publie M. Hamilton et Les observations dont il Les accompagne [.]
[1b]
M. Hamilton Semble avoir Eu deux intentions principales [.] 1o celle de donner une idée des Environs de Naples. 2do. celle de faire connoitre Les diverses operations des feux Souterrains par Les monuments qui Subsistent maintenant aux Environs du Vesuve.
Les vues de la belle baye de Naples, de la ville de Naples de Portici [,] de Pouzzoles &c. peuvent remplir Les premieres intentions, et celles du Vesuve Servir a developper Les Secondes :
Le premier volume renferme 50. desseins avec Les Explications et Le Second deux planches et des memoires.
a la tete du premier volume on trouve une carte du golfe de Naples et de Gaette avec L[']Indication du cone du Vesuve [,] de quelques uns de Ses courants modernes, de quelques craters des Environs de Pouzzole et de la Solphatare [.]
On y voit ensuite quelques unes des Isles Lipari et celle d[']une masse de prismes de basaltes qui forme un Ecueil pres de Jacci au pied du mont Etna.
M. Hamilton rend compte dans une Lettre au chevalier Pringle Ecrite du premier may 1776 de ce qu[']il a fait depuis 1773.
Il observe d[']abord que les desseins de la forme Exterieure du Vesuve, de la Solphatare et de tous Les autres volcans dans Le voisinage de Naples on [sic] Ete faits Sous Ses yeux et Sous Sa direction par le S. Pierre Fabri [sic] artiste habile [.] on y voit aussi La figure des Laves, des Tufas [,] des pierres ponces, des amas de cendres, des Souffres et des Sels. Ces desseins Sont relatifs a la nouvelle edition des Lettres
[1c]
de M. Hamilton a la Société Royale sur Les Volcans [.]
Cet ambassadeur parle des basaltes prismatiques qu'on voit Sur Les bords du Lac de Bolsene comme une preuve du [crater] du [sic] Volcan dont Le cratere occupoit Selon lui L[']emplacement du Lac [,] et il cite Le temoignage de M. de la Tapie comme aiant vu Ce [m] basalte. J'avoue qu[']il faudroit d[']autres preuves que celles qu[']en donnent M.rs Hamilton et la Tapie pour [prou] nous convaincre et que Le massif de basalte prismatique est un produit du feu et qu[']il doit Son origine au Volcan qui occupoit le Lac de Bolsene :
M. Hamilton cite aussi Les observations de M. de Saussure aux Environs de Rome. il pouvoit citer Ferber qui a mieux [mieux] vu que Saussure et meme beaucoup d[']autres naturalistes instruits qui ont imprime leurs observations [.]
M. Hamilton pretend que [chaque Elevation] toutes Les hauteurs qu[']on rencontre dans Les Environs de Pouzzoles Sont des Cones complets avec Leurs cratere [sic], ou des Cones tronqués [,] portion d[']un cone entier et que Les materiaux dont elles sont composees Sont Exactement Semblables a ceux qui entrent dans La composition du Cone du Vesuve. D[']apres ces considerations il est porte a croire que Les operations de la nature qui ont pour objet Les eruptions Volcans [sic] sont plutot creatrices que destructives puisqu[']elles ont formé des Montagnes et des Isles.
Lettre premiere.
La premiere observation que fait ici M. Hamilton est que La fumée du Vesuve est beaucoup plus abondante quant il fait mauvais temps que quand il fait beau, ce qui est conforme
[1d]
a ce que l'on connoit de la dissolution de L'eau par L[']atmosphere et aux circonstances de Sa precipitation. M. Hamilton donne ensuite La description des Eruptions des annees 1766 et 1767. Dans la troisieme Lettre M. Hamilton reprend La discussion de la Scintillation et passe Ensuite a Son travail.
Il annonce [ensuite] que Son Séjour a Ischia lui a appris que cette Isle est Entierement composee de Lave et qu[']elle est Sortie du fond de la mer de la meme maniere que quelques unes des Açores auxquelles il ajoute la Solphatare, le Lac d'Averne [,] Le Lac d'Agnano qu[']il considere comme les crateres [des] d'anciens volcans [comme Le] Semblables au Monte Nuovo : Ce qui me paroit fort avanture [.] M. Hamilton croit devoir conclure de cet appercu bien vague que S[']il avoit [a un Sys] a former un Systeme a ce sujet ce Seroit que toutes ces montagnes ont Ete formees par Les volcans et non Les volcans par Les montagnes : [au reste] je dois dire [à] ce Sujet [sic] que Jamais personne n[']a pretendu que Les volcans [fussent] aient ete formes par Les montagnes : mais M. Hamilton auroit du ce Semble ajouter pour appuyer La premiere partie de Ses assertions que [pour] on ne pouvoit determiner que telle ou telle montagne a Ete formée par Les volcans [il falloit] sans indiquer par des indices frappans Le centre d[']Eruption d[']ou ces materiaux Seroient Sortis : car on peut retrouver Les vestiges de toutes ces anciennes formes [.]
La IV Lettre contient La Relation de son voiage au Mont Etna.
Nous revenons maintenant aux desseins de M. Hamilton. pour Le choix et La redaction de ces desseins nous aurions desire qu[']on Eut consulte des Savants francois pour Savoir ce qu[']il convenoit d[']y faire figurer et Soigner et cequ[']il convenoit d'omettre [.] et dans ce cas on croit que ces desseins pouvoient etre reduits a 10. ou 12. planches [.]
(2) [=2a]
Nous pouvons citer parmi les desseins [in] Les plus instructifs celui qui offre La coupe d[']un courant de 1631. d'ou L[']on tire Les paves de Naples. on y voit d[']abord des cendres [et des Scories] Sous forme pulverulente [,] des Scories ensuite [,] puis de la lave spongieuse [,] ensuit [sic] de la Lave compacte avec des fentes tres nettes. Tel est L[']ordre et La disposition ordinaire des differentes Substances qui Composent Les Courants. nous pourrions en donner ici Le detail [.] Nous n'avons pas Ete Contents du dessein du Pausilippe ni de tout ce cap. il [me] nous semble qu[']il n[']est ni bien figure ni bien decrit. [Je crois] Nous croions qu[']on pourroit faire connoitre tres aisement Cette Cote interessante comme Elle le merite : La coupe du Pausilippe devoit offrir [tout] Le Systeme de toutes les couches dont il est compose.
J[']ai beaucoup examine le Monte Nuovo et autant que J[']ai pu Le voir il m[']a paru que La plus grande partie des materiaux qui Le composent Sont les produits de plus [i] anciens volcans qui ont Ete Soulevés par cette Explosion [qui] laquelle a Laisse il est vrai Les vestiges d[']une cheminee et des amas de Scories. mais on ne Scait pas trop a quoi Se reduit ce monument que citent tous ceux qui veulent que [tout] La nature Se hate de produire de Semblables montagnes.
Je trouve dans M. Hamilton plusieurs doutes qui prouvent qu[']il n'a pas Emploie une certaine analyse dans Ses observations. telle est la reflexion qu[']il
[2b]
fait au Sujet du Mont San Angelo, plusieurs belles hauteurs qui Sont couvertes d[']une Belle vegetation ne peuvent elles pas dit il devoir Leur existence a des Explosions volcaniques ? Il me Semble qu[']un observateur habitue a voir Les produits du feu etoit en Etat de decider La question par L[']examen des caracteres que ces hauteurs lui offroient.
Voici Encore une preuve de ces idees vagues Et incertaines [.] Les couches d[']argilles bonnes a travailler ne Se trouvent pas [entre] a Ischia entre les matieres volcanisées. ce Sont visiblement Les restes de L[']ancien sol. M. Hamilton en doute et il les considere comme des bases de la lave capables de resister au feu [comme] de meme que de Semblables Substances Se trouvent au milieu des matieres de la Solphatare. avec la moindre analyse des faits il auroit distingue les differents Etats ou Se trouve l[']argille dans ces deux Circonstances.
Dans la 2de planche on voit Les differents Etats d'accroissemens du monticule qui Se forma en 1767 a l'ouverture du crater du Vesuve et Sa reunion avec la premiere base conique. quoique nous connoissions par Le Pere della Torre ces phenomenes on est bien aise de les voir reparaitre ici avec [leurs progres] les [le ?] [progres ?] de leurs Etats Successifs [.]
La troisieme planche offre La vue du golfe de Naples avec Le riche fond de ce golfe depuis Le Pausilippe Jusqu[']au Vesuve [.] M. Hamilton trouve que La richesse de cette vue vient de la variete des formes des [cette vue] differentes hauteurs dont les
[2c]
unes Sont des cones complets et les autres des portions de cones [.] pour moi Je n'y vois que Le Vesuve qui Soit dans ce cas et il m[']y paroit fort bien rendu [.]
La 4e planche offre une autre vue de Naples fort interessante depuis Pizzo Falcone Jusqu[']a La Montagne de la Madeleine ou est Situé Le couvent des chartreux et le chateau St. Elme [.] M. Hamilton y voit une portion de cone d[']un ancien volcan ce qui me paroit un peu douteux.
La 5e planche [est] offre La vue du Vesuve [co] et du Monte Somma couverts de neige. a ce Sujet M. Hamilton dit que les fleuves de Laves qui descendent des flancs Escarpés du volcan y taillent toujours des canaux Etroits et reguliers et tellement reguliers qu[']ils paroissent etre plutot L[']ouvrage de l[']art que de La nature. On ne scait comment des couches horisontales [,] perpendiculaires et inclinees Sont regulieres et dans quels Sens elles Le Sont. car on ne peut disconvenir qu[']elles ne Soient plus ou moins Larges [,] plus ou moins Epaisses [,] plus ou moins inclinees [.] En quoi sont elles regulieres. C[']est cependant d[']apres ces principes que M. H. pretend rendre raison de la bisarre composition du Monte Somma [.] il s[']en faut bien qu[']il en ait connu Les vraies circonstances. Ce dessein est un de ceux que Je regarde comme oiseux.
La planche 6 est une Vue de la grande Eruption de 1767 [.] elle est du plus grand Effet.
La planche 7. renferme une belle vue du Vesuve et du Monte Somma. M. Hamilton regarde Le Monte Somma comme L[']ancien volcan avant L[']existence du Vesuve et tous Les bons observateurs croient au contraire
[2d]
que c[']est un appendice de l[']ancien Vesuve : Voila ce que cette vue presente d'interressant [.] tout Le reste est indecis [.]
J[']ai deja parle du Sujet de la planche 8. elle represente une partie du Courant de 1631. C[']est la carriere dont on tire Le pave pour La ville de Naples : on pourroit indiquer dans ce dessein la couverture de terres cuites et de Scories non Encore comminuées. Ce que M. H. appelle cendres, des Soufflures dans la partie Superieure du banc de Lave Et enfin de la lave compacte qui occupe Le milieu et qui offre des fentes fort nettes En tous sens [.] C[']est visiblement l[']effet de la retraite de la matiere a mesure qu[']elle[s] Se refroidissoit : on y voit aussi des Especes de prismes irreguliers.
Dans la planche XI. on voit Le Vesuve et Sur Le devant Le Monte San Angelo. M. H. veut toujours que ce mont ait Ete forme par quelque Explosion volcanique mais il S[']en faut bien qu[']il nous En donne la moindre preuve[.] [il a ?] il auroit pu trouver dans [leur] la construction interieure de ce mont dans Sa disposition tout ce qui pouvoit faire connoitre Son origine. il voudroit aussi qu[']on Etendit [?] cette meme Supposition a une infinite d[']autres montagnes auxquelles Elle ne convient pas mieux :
Dans la XII. planche on voit Les produits de L[']Eruption de 1760. a 1761 [les] et Les monticules nouveaux disperses dans la plaine qui est au pied du Vesuve. M. Hamilton [par] S[e]hazarde a montrer, d[']apres la disposition des monticules situes a quatre milles du Sommet du Vesuve [,] que le foyer n[']est pas toujours vers Le Sommet de la montagne et qu[']il peut Se trouver a une fort grande profondeur [.] et il appuie cette consideration par celle du tremblement de terre qui Se fit Sentir a Naples Lors de cette
(3) [= 3a]
Eruption. et comme cette ville est Située a la distance de 8 milles du centre de cette Eruption M. Hamilton pense que Le principe de ce mouvement a du Etre en consequence a une fort grande profondeur [.]
Ceux qui ont adopté Le Systeme de Borelli par lequel on est porte a croire que Le foyer des volcans n'est pas ordinairement a une certaine profondeur citent La marche [ordinaire] Journaliere du Vesuve qui prouve que La lave S[']epanche par des ouvertures fort Elevees au dessus du Sol et de la base Naturelle et primitive [.] En Second lieu ils disent qu[']il n'est pas necessaire que Le produit de cette Eruption [Se ser] ait eté fondu dans le foyer ordinaire du Vesuve : que le deplacement de la marche des courans a Ete la Suite [des ?] d[']un nouveau centre de fusion [.]
M. H. [ne ?] compare aussi dans cette planche Les monticules appellés Viuli avec Le Mont San Angelo. mais il lui manque La connoissance exacte de L[']origine de ce dernier mont [.]
Dans la planche 13. Se trouvent figurés Les monticules de 1760 et 1761 [.]
dans la planche 14. [Lint] on voit L[']interieur de la bouche d[']un des monticules avec la forme des Laves et des matieres fondues [.]
M. Hamilton raisonne beaucoup Sur ces petites cheminees qu[']il compare toujours a la grande ouverture du Vesuve [,] quant a leur forme et a leur matiere [.] Nous en doutions beaucoup a Naples et le docteur Bottis qui nous a donne une Longue description de cette Eruption ne le croit pas [.] il y a dans Le cone du Vesuve des arrangemens qui Ne Se trouvent pas dans cette cheminee fortuite : [une fois] la ressemblance etant contestée nous allons plus
[3b]
loin et nous Soutenons qu[']il n[']est pas naturel de croire que Le Vesuve et toutes Les montagnes dans Lesquelles il y a des volcans Se Soient Eleves a la hauteur qu[']ils ont par une Suite d[']Eruptions de plusieurs Siecles. [comme voudroit Le faire croire Hamilton]
La planche 15 represente La distribution des materiaux dans le Monte Somma [.] on y voit des Lits de Laves dures et compactes et des amas de Scories Legeres [et pulverulen] et [des] comminuees en Substances pulverulentes. il est [sur ?] bien Etonnant que M. Hamilton ne nous indique pas Les causes de cette disposition pendant que nous voiageurs Etrangers l'avons reconnue et que nous pouvons La faire connoitre fort facilement [.]
on voit dans la planche 16. L[']entree de la grotte de Pausilippe. Cette grotte est une ouverture faite dans le massif d[']une chaine de montagne [sic] pour Servir de communication de la baye de Naples a Pouzzoles [.] M. H. pretend [d'] avoir Eu intention de nous donner une idee de la Section d[']une montagne composee de tufa dont La pluspart des hauteurs des Environs de Naples, de Pouzzoles et de Bayes Sont composées et qui comme La montagne de Pausilippe Sont des portions de cones formees par des Explosions volcaniques : Quelques naturalistes pensent au contraire que ce Sont des dejections volcaniques nivelees dans le bassin de la mer [.]
Je crois que la chaine du Pausilippe n'a point La forme de cones ni par consequent celle d'un ancien volcan. non plus que beaucoup d[']autres que nous indique vaguement Hamilton.
La planche 17 peut donner une idée des Environs de Naples au nordouest. La vue est prise du Couvent des Camaldules qui est Le point le plus Elevé des Environs de Naples [.] on y voit les Isles de Ventotienne, de St Stephano [,] d'Ischia [,] de Procida [,] de Nisida qui figurent très bien au milieu de la mer [.] Ensuite on parcourt La pointe de Misene [,] la mer morte, Baye [,]
[3c]
le Lac D'Agnano [,] la grotte du chien et Les montagnes qui Servent d[']Enceinte au Lac :
La planche 18. est une [plan] vue particuliere du Lac d'Agnano ou M. H. place un volcan et un crater. Il est vrai qu[']il voit Les debris du cone un peu audessus du crater. ce qui est un petit desordre dont je ne trouve aucun Exemple dans le Vesuve ni ailleurs. on voit de petites vallees qui Se rendent dans Le crater pretendu et plusieurs autres pentes. ceci rend bien problematique L[']emplacement d[']un crater dans le du [sic] bassin du Lac [dans le crater] [.]
Les planches 19. et 20. representent une Section du cone d'Astruni un des craters favoris d'Hamilton. Ce trou paroit asses bien conserve. M. H. y trouve une grande ressemblance avec Le Monte Nuovo, aussi le regarde til [sic] comme tres moderne : on voit deux Lacs dans ce trou : M. Hamilton a cru aussi y avoir decouvert un monticule Semblable a celui qui ferme L[']ouverture du Vesuve. Les bords de ce trou Sont bien autrement Evases que ceux du Monte Nuovo et que ceux du Vesuve [.]
La planche 21. [qui] ou Sont figures Les pisciarelli n[']a rien d[']interessant : ceci est rachete par La belle vue de Porto Pavone qu[']on trouve dans L[']Isle de Nisida et qu[']on considere ici comme Le crater de L[']ancien volcan qui a donne naissance a cette Isle : Le contour de ce port est de Tufa comme la cote du Pausilippe. on voit que M. Hamilton met des volcans partout ou il rencontre des bayes, des trous, & des enfoncemens [.]
Les planches 23 et 24. representent Les bords de la mer avant que d'arriver a Pouzzoles. C[']est La qu[']on a figure Les bords Eleves [des bords de la mer] de la Solphatare que M. Hamilton regarde toujours comme L[']exterieur du cone du volcan de la Solphatare. Selon lui ces rochers informes de Laves Sont Sortis de ce crater. Mais pour concevoir comment des Laves ont pu former des Rochers Eleves dont [Son ?] la Solphatare est Enveloppée . [sic]
[3d]
ecoutons M. Hamilton. Voici En deux mots comment tout cela S[']est fait apres que La lave [a] est descendue Sur Les flancs du volcan dans des canaux profonds que les Eaux de pluie Se Sont formés et qu[']elle a rempli [sic], d[']autres torrents d'eau de pluie emportent les cotes des canaux totalement composes de matieres volcaniques Legeres Et La lave reste : J[']avoue que Je Suis Embarasse pour concevoir [que] comment des torrens [Se forment ?] ont pu avoir Lieu depuis Le cone de la Solphatare Jusqu[']aux rochers pour former Des canaux et pour mettre a decouvert les Laves : a moins qu[']on ne Suppose en meme temps que le pretendu cone de la Solphatare ne Se Soit affaise [sic] ce que ne dit point M. Hamilton : La planche 25[.] presente une vue de L[']Interieur de la Solphatare. cette vue est curieuse ainsi que celle du Golfe de Pouzzoles dans La 26.e planche [.] on y voit Bayes [,] Son chateau, Le Cap de Misene, Baüli, Les bains de Neron [,] le Monte Nuovo, Les restes du Pont de Caligula [,] Le temple de Serapis [,] et Pouzzole ; Les details de Monte Nuovo. &c.
Je passe a la planche 29 ou l[']on voit le Lac d'Averne [pres] tres en grand. Ce lac represente [La comme ?] Suivant le Systeme de Hamilton un crater de volcan [.] Quoiqu[']il Soit aussi difficile d'accorder Sa position avec celle [qua] qu'occupe Le plus ordinairement La bouche du volcan [.] car il est domine de toutes parts dans la partie du nord. [lorsque] et meme [dans] Sur d[']autres faces :
La planche 30. offre une vue de l'Isle d'Ischia, [et] du chateau, [et] de l[']extremite de la lave de 1302 et du Mont St. Nicolas qui couronne tout ceci. M. H. qui fait un volcan de ce mont ne peut pas a toute force y trouver un crater mais il en fait une portion de cone d[']un grand volcan qui n[']y est plus. Toutes ces assertions sont aussi vagues qu[']incertaines [.]
Figure 2. Première page d'un rapport de quatre pages, écrit et signé par Nicolas Desmarest (avec Vandermonde), sur une invention de M. Paulet pour l'amélioration d'un métier. Daté du 4 septembre 1776. Archives de l'Académie des sciences, Paris, pochette de séance, 4 septembre 1776. D'après une photographie faite par l'auteur en 2001, avec la permission des Archives de l'Académie des sciences.
Figure 3. Première page d'un rapport de cinq pages, écrit et signé par Nicolas Desmarest (avec Montigny et Vandermonde), sur une machine à filer la laine présentée par M. Watier de la Comté. Daté du 5 septembre 1778. Archives de l'Académie des sciences, Paris, pochette de séance, 5 septembre 1778. D'après une photographie faite par l'auteur en 2001, avec la permission des Archives de l'Académie des sciences.