TRAVAUX DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Troisième série -
T.VII (1993)

Gabriel GOHAU
Discussion sur le métamorphisme et le magmatisme autour de 1850.

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 26 mai 1993)

A l'origine de cette étude : une lettre de M. Dhombres qui me demandait de parler, à Nantes, des idées de Joseph Durocher sur le métamorphisme... alors que j'ignorais jusqu'au nom de cet auteur (1). Ayant dû travailler la question à partir de l'oeuvre de l'ingénieur rennais, je ferai de celle-ci la plaque tournante de mon exposé.

Né en 1817 dans la capitale bretonne, polytechnicien, ingénieur des mines à vingt ans, Joseph Marie Elisabeth Durocher fait sa thèse sur les roches et minéraux des îles Feroë (1841), puis il étudie les Pyrénées au service des mines de l'Ariège, avant de revenir à Rennes où il est nommé (1844) adjoint dans la chaire de géologie et minéralogie (2).

C'est alors qu'il écrit ses "Etudes sur le métamorphisme des roches", long article (plus de 100 pages) qui nous servira de point de départ (3).

Il y établit que le métamorphisme est une transformation liée à la présence de roches pyrogènes qui se réduit à des mouvements moléculaires dans un matériau demeuré solide puisque, à maints endroits (Christiana [l'actuelle Oslo], Salles de Rohan, etc), des fossiles sont conservés : la roche ne passe pas par un état de semi-fusion.

Le fait qu'il puisse se produire à plus de 3000 m des masses plutoniques indique que le réchauffement ne doit pas être excessif. Durocher distingue, d'ailleurs, plusieurs types de métamorphisme. Il peut se réaliser à température ordinaire, comme dans l'oxydation des sulfures ou la production des rognons de silex. Sous l'action de la seule chaleur : dans la célèbre expérience de James Hall qui chauffait de la poudre de craie dans le fût d'un fusil (4). Ou par l'action combinée de la température et d'un élément chimique - qu'il compare à la cémentation (diffusion du carbone) du fer - dans la formation du gypse et de la dolomie. La roche hypogène, ou un "laboratoire souterrain" monté avec elle, produit le cément : sulfate ou magnésium selon qu'il s'agit de gypse ou de dolomie.

De cet article, nous pouvons retenir trois propositions :

1- L'état solide.

Durocher s'oppose à l'idée que le matériau métamorphique passe par un état de fusion partielle. Seuls les gneiss rubannés, produits du métamorphisme le plus intense, ont pu subir un certain ramollissement (5). Sans le nommer, c'est sans doute à Charles Lyell qu'il se heurte ici. En effet, dans ses Principles of Geology, Sir Charles soutient que la lente action de la chaleur occasionne une semi-fusion qui fait disparaître toute trace de restes organiques (6).

2- La cémentation.

On peut, aujourd'hui, reprocher à Durocher d'avoir attribué la formation du gypse et de la dolomie à des montées minéralisatrices. Mais l'idée elle-même était intéressante. D'ailleurs, la transformation des calcaires en dolomie avait été soutenue par les plus illustres géologues. Leopold von Buch en était à l'origine (7), si même on ne voulait pas remonter à Arduino (8). Selon von Buch la pierre calcaire se transforme en dolomie. En 1829, Elie de Beaumont apportait son appui à la thèse (9). Et pour ceux qui reprocheraient à Durocher d'y adhérer encore quelque vingt années plus tard, signalons que l'illustre professeur au Collège de France maintient cette thèse en... 1847 dans une "note sur les émanations volcaniques et métallifères" où il affirme que gypse et dolomie sont des calcaires altérés par des sources minérales ou des émanations venues de l'intérieur (10). Il est vrai qu'Elie de Beaumont n'est pas homme à souvent changer d'avis !

En réalité, l'adversaire de cette thèse est Fournet, professeur à l'Université de Lyon. Von Buch proposait comme agent de la transformation des dolomies, la présence de montées de mélaphyre, une roche éruptive, responsable de la formation de ses fameux "cratères d'élévation" (11). Or, dit Fournet, les dolomies vraies, celles des Dolomites, ne peuvent être le résultat d'injection de mélaphyres car ceux-ci sont le ... produit et non la cause du métamorphisme (12). Il existe, en fait, deux types de mélaphyres : éruptifs, c'est le basalte, et métamorphiques, ce sont les mélaphyres au sens strict. Le principal contradicteur de Fournet sur ce point est Achille Delesse pour qui les mélaphyres des Vosges sont éruptifs (13). Le débat entre eux se prolonge bien au delà de 1846, comme le montre le "Bulletin" de 1857 (14).

Mais le grand problème est ailleurs. Ou plutôt, il est dans le prolongement de celui-ci, mais avec une tout autre conséquence. Car si le mélaphyre est métamorphique, n'en serait-il pas de même du granite ? Et nous voici arrivés à un troisième point qui débouche sur de plus âpres débats.

3- La cause du métamorphisme.

Durocher admet sans ambiguïté que la transformation des roches a pour facteur essentiel la présence de massifs granitiques sous-jacents. D'ailleurs, en 1845, soit un an plus tôt, il s'interroge "sur l'origine des roches granitiques" (15). Pour sa part, il ne doute pas qu'elles proviennent d'un matériau igné. Cependant, un problème se pose qui divise le monde des pétrographes : si le granite a connu un état fondu igné, pourquoi le quartz, dont le point de fusion est le plus élevé, enveloppe-t-il le feldspath ?

Fournet a proposé l'année précédente une solution "sur l'état de surfusion du quartz dans les roches éruptives et dans les filons métallifères" (16). Les chimistes connaissent bien ces cas de surfusion, où le point de congélation peut, dans certaines conditions, être inférieur au point de fusion. Cependant, objecte Durocher, la différence ne peut excéder 100 degrés, c'est pourquoi, dans le cas présent où l'écart est dix fois supérieur, il faut imaginer une autre hypothèse.

En réalité, quartz, mica, feldspath ne sont pas séparés dans le liquide initial, "ils étaient combinés ensemble et formaient une masse homogène composée de silice, alumine", etc. (17). Le quartz ne peut donc cristalliser comme le ferait un jus de silice pure. Durocher a comme une intuition des séries de Bowen.

Pourtant, les contemporains ne sont pas tous convaincus. Outre Fournet qui maintient ses positions, Durocher se heurte à Scheerer, de Christiana (actuelle Oslo). Dans une communication lue à Paris le 15 février 1847, celui-ci rappelle que le quartz fond à plus de 2800° et qu'il faudrait qu'il eût la propriété de rester liquide à 1000° ou même 1500° au-dessous de son point de fusion pour ainsi mouler les autres cristaux (18). Scheerer note d'ailleurs dans une discussion "sur la nature plutonique du granite..." que celle-ci est discutée depuis longtemps : Breislak la conteste dès 1822, lui-même depuis 1833, Fuchs et Boucheporn en 1844.

Durocher réplique le 7 juin (19). Scheerer répond à ses objections (20), et le débat se poursuit jusqu'en 1850 (21). Tandis qu'Elie de Beaumont, tout en maintenant que "l'origine éruptive du granite ne saurait être révoquée en doute", propose pour le quartz une "surfusion chimique ou gélatineuse" (22).

Mais quel est donc l'enjeu de la polémique ? D'où vient donc le granite s'il ne passe par un état igné ? Et quelle est alors la cause du métamorphisme ? Pour comprendre la question, il faut remonter le temps et venir à l'origine du concept de métamorphisme.

4- La chaleur centrale.

On sait que le concept de transformation des sédiments sous l'action de la "chaleur (ou du feu) souterrain(e)" nous vient de James Hutton (23). Auteur de ce que son disciple John Playfair nomme théorie plutonique, Hutton s'oppose au neptunisme régnant qui attribuait le granite à une époque "primitive". C'est lui qui, le premier montre que le granite s'est injecté dans les terrains et qu'il a dû passer par un état fondu (24).

Mais il lui manque un élément décisif : une explication de la chaleur interne. Faute d'un feu central, il attribue réchauffement "souterrain" à la combustion des charbons. Adhésion à la vieille théorie d'Agricola (25).

L'idée qu'une masse fondue existe "de tout temps sous l'écorce consolidée du globe" revient à Dolomieu (26), contemporain de Hutton pourtant proche, notamment sur l'origine du granite, du neptunisme. Elle est reprise, après sa mort prématurée, par son élève Louis Cordier qui, dans un célèbre mémoire de 1827 sur la température de la terre, soutient qu'à une profondeur comprise entre 23 et 55 lieues de cinq kilomètres, le point de fusion des laves est atteint et que la plus grande masse du globe est à l'état liquide (27). Toutefois, cette chaleur centrale étant le résidu de sa température initiale, le globe se refroidit lentement et l'écorce solide s'épaissit par sa face interne. La "théorie du refroidissement séculaire" - pour employer l'expression d'Elie de Beaumont qui la reprend à son compte - est née.

Le métamorphisme a dès lors son explication. Il n'a pas encore de nom. Ami Boue évoquait la métamorphose des roches en 1823 dans son Essai sur l'Ecosse (28). Mais c'est en 1833 que Lyell parle de roches métamorphiques (29). Curieusement, Daubrée dans ses "Etudes et expériences synthétiques sur le métamorphisme..." donne 1825 (30). Probablement se trompe-t-il puisque Lyell lui-même a donné, dans ses Eléments de Géologie la date de 1833 (31) et qu'on trouve la même référence dans le récent Dictionary of Petrology (1983), l'oeuvre posthume du pétrographe d'origine lithuanienne S.I. Tomkeieff (1892-1968) (32), qui, par ailleurs, propose 1837, et John Phillips pour le mot de métamorphisme que Lyell n'emploie pas dans la première édition des Principles ...

L'ennui, pour Lyell, est que la chaleur centrale résiduelle n'est pas une cause assez uniforme pour son actualisme intransigeant. Aussi propose-t-il en concurrence une "cause chimique ou électrique" (33). Le mécanisme huttonien (combustion de la houille) était, lui, strictement uniformitarien, mais il ne séparait pas l'induration de la fusion : les granites représentaient le terme extrême des actions transformatrices. Ces deux points vont être l'objet de discussions dans la période qui nous préoccupe.

5- Le métamorphisme normal et ses conséquences

C'est Elie de Beaumont qui crée en 1833, dans son cours au Collège de France, le terme de métamorphisme normal pour désigner "l'influence du noyau incandescent (...) sur la partie inférieure des dépôts qui se faisaient au fond des mers" dans les premiers temps de l'histoire du globe (34). En opposition avec le métamorphisme anormal qui lors d'époques "d'agitation" et "de soulèvements brusques et de ruptures marquées par l'arrivée des matière intérieures à la surface" produit de nouvelles modifications des roches (35). Ainsi par une heureuse (?) synthèse entre causes anciennes et causes actuelles, le métamorphisme est à la fois un phénomène des premiers âges par sa composante normale et un événement répété lors de crises périodiques par son versant anormal.

Virlet d'Aoust en tire la conséquence. L'existence du métamorphisme normal qui n'est "que le corollaire de la théorie de la chaleur centrale et de la fluidité ignée originelle du globe" exclut qu'on puisse découvrir "de véritables roches primitives à la surface" de la terre. "Toutes les roches que l'on a appelées jusqu'ici primitives pourraient bien n'être que de deuxième, troisième, etc, formation, si elles ne sont pas d'une formation encore beaucoup moins ancienne" (36).

Pour comprendre l'importance de la thèse, il faut savoir que le dogme neptunien demeurait présent dans les esprits. Un militant plutoniste aussi ardent que Fournet évoque, à la même époque, son éducation wernérienne qui l'a poussé, d'abord, à croire à l'origine hydrothermale des filons (37). La présence, sous les terrains sédimentaires, d'un soubassement cristallophyllien suggère que les terrains primitifs se sont formés dans un environnement très différent. Le plus simple est d'admettre qu'ils doivent leur cristallinité à leurs conditions de dépôt. Ce qui est une version un peu aménagée de l'océan chaotique wernérien. A moins de croire, avec Omalius d'Halloy et beaucoup d'autres, que le granite est la croûte de première consolidation de la terre (38).

Le concept de terrains primitifs a la vie si dure qu'il faut attendre quarante ans encore, soit 1887, pour qu'Auguste Michel-Lévy dise définitivement que les terrains primitifs ne résultent pas d'une "cristallisation immédiate", mais ont été remaniés maintes fois (39).

Mais Virlet d'Aoust, en attendant, jette une autre pierre dans le jardin de la géologie naissante. Il renverse l'origine du granite (40).

6- Le granite métamorphique.

Dans le même article, il cite des exemples de granite (en Bretagne) portant trace de schistosité et de stratification. Et parle de "granites métamorphiques" et de "granitification". Le granite serait le "résultat d'une sur-modification ou d'un métamorphisme plus avancé que le gneiss" (41).

Il soutient d'ailleurs ce point de vue depuis dix ans : en juin 1837, il considère déjà que le granite a pu monter à l'état solide, et bénéficie sur ce point de l'appui de Scouler (de Dublin) dont la lettre (42) jouxte sa communication. Il a repris cette thèse en 1843 lors de la réunion extraordinaire de la Société géologique de France à Chambéry (43). Et, bien sûr, en 1847 il tire argument du papier de Scheerer (qui précède immédiatement le sien) pour évoquer une "fusion ignée aqueuse". Car, finalement, le débat se concentre vite sur le rôle de l'eau.

7- Cause ignée et cause aqueuse.

Si l'on en croit ses "nouvelles observations sur le métamorphisme normal", en 1857, Virlet s'est préoccupé dès 1833 du rôle de l'eau (44). Plus tôt encore (1822) Breislak estime que l'abondance et le mode de groupement du quartz font concevoir une plasticité d'origine aqueuse plutôt qu'ignée. En 1838, Keilhau, professeur de minéralogie à Christiana (Oslo) doute de la thèse (qu'il nomme vulcaniste) du refroidissement de matière fondue. Il a vu, comme Virlet, des passages granite-gneiss, et il évoque des "métasomatoses" analogues à celle qui produit les dolomies. "Qu'une masse soit solide, pâteuse ou liquide, peut-être le temps nécessaire pour le développement des cristaux produira-t-il la seule différence entre les procédés de transformation" (45).

Insensiblement, le rôle de la chaleur est contesté. Boucheporn note qu'on revient "au principe si paradoxal des neptuniens, la formation première du granite par voie humide" (46). La xénomorphie du quartz est, comme on l'a vu, un argument opportunément saisi par Scheerer. Mais le grand défenseur de la nouvelle thèse est Delesse. Le métamorphisme des calcaires cristallins des Vosges montre une variété de minéraux qui élimine toute possibilité de l'expliquer par une transformation ignée (47). Mais il ne s'agit que de métamorphisme, et Durocher ne nie pas des actions de basse température.

Le problème surgit avec les roches plutoniques, Delesse tient à séparer leur origine de celle des roches volcaniques. Celles-ci sont ignées (trachytes et dolérites) ou pseudo-ignées, mêlant fusions ignée et aqueuse (cas des basaltes), tandis que celles-là sont purement aqueuses : le granite provient d'une pâte ramollie par l'eau (plasticité aqueuse) (48).

Fournet qui, comme on l'a dit, est l'adversaire de Delesse sur la question des mélaphyres, reconnaît l'influence de l'eau. En 1859, il dit son accord avec Delesse sur ce point. Mais il note que celui-ci a fait connaître les granites dépourvus d'eau. A-t-elle disparu ? (49). Et d'ailleurs l'injection dans les fissures montre un état de grande fluidité, et le métamorphisme de la serpentine n'a pu se produire qu'à haute température.

Restent à fournir des arguments expérimentaux. Daubrée s'y emploie dès 1857 (50), et conclut que la chaleur sèche ne suffit pas à produire le métamorphisme. Mais la question peut être approchée d'une autre manière. Sorby analyse le liquide des vacuoles pour mettre en évidence la présence d'eau (51). Il reprend les travaux inaugurés 36 ans plus tôt par un illustre chimiste anglais, Humphry Davy. Pourtant, curieusement, l'observation de Sir Humphry concluait en faveur des "Huttoniens ou Plutonistes". L'eau, disait l'auteur, est plus expansible que la silice avec la température. Supposé donc que les cavités aient été formées à température élevée, en refroidissant l'eau se rétractera plus que la vacuole, un vide apparaîtra. Il n'est donc que de comparer le volume des cavités à celui de l'eau qu'elles renferment. Le résultat est favorable au plutonisme, en sorte, dit notre auteur, que la présence de l'eau, considérée par les neptuniens comme contraire à cette thèse, est à l'inverse un argument décisif en faveur de l'origine ignée (52).

8- Un mot nouveau : magma.

Les dictionnaires de la langue, de P. Robert au Trésor, donnent pour premier usage du mot le Mémoire de Fouqué et Michel-Lévy sur les Roches éruptives françaises, 1879 (53). Littré ne parle que du sens en pharmacie (1694) et en chimie (1773) où le magma est un résidu solide pâteux ou visqueux ou une masse épaisse, confuse. Pourtant Durocher use largement du terme dans un "Essai de pétrologie comparée" présenté en 1857 où il attribue toutes les roches ignées à deux magmas qui coexistent sous la croûte solide : magma supérieur, acide et pâteux produisant granite, trachyte et andésite ; magma inférieur basique et fluide formant, basalte, dolérite et mélaphyre (54). Il note in fine que R. Bunsen a présenté, avant lui, une théorie semblable, mais qu'il ignorait quand il a rédigé son article (celui de Bunsen paraît, en français, dans les Annales de Chimie en 1853). Mais si la question de la priorité se pose pour la théorie des deux magmas, elle ne concerne pas le mot, qu'on ne trouve pas chez l'auteur allemand (55).

Une recherche plus soignée montre que Durocher parle de magma dès 1845 pour désigner la "masse homogène composée de silice, alumine" qui cristallise en granite (56), et qu'il reprend à plusieurs reprises les années suivantes (57). Il l'entend donc dans le sens actuel. Mais il n'est pas le premier. Fournet parle, en 1844, du remplissage des filons par des magmas fondus (58) et des substances "cristallisables d'un magma" (59). Et l'on retrouve même le terme dès 1838 dans un article des Annales de Chimie... Fournet indique que les formules du pétrosilex "font reconnaître immédiatement un grand excès de silice intimement disséminée dans un magma..." (60).

Rien n'exclut un usage encore antérieur du même auteur. Toutefois Tomkeieff confirme (partiellement) ma quête puisqu'il cite Fournet, 1844, et Durocher, 1845 (61). La piste ne pourra guère conduire plus en amont. D'ailleurs, des contemporains de ces auteurs utilisent le mot dans le sens des chimistes, sous forme métaphorique, pour désigner des amas confus. Tomkeieff cite Dolomieu, 1794 (62). F. Ellenberger m'a signalé une autre occurrence du même auteur : un cristal de nitre "formé dans le magma épais d'une eau-mère" diffère de celui "de troisième cuite", comme "un cristal de feldspath rouge opaque inclus dans le magma qui a formé une roche granitique" se distingue de celui qui cristallise dans une géode (63). Le magma est un mélange. Il en va de même pour les amas de calcaire lacustre que Prévost désigne "quelquefois sous le nom de magma" (64) ou pour le "magma incrusté" de Sézanne évoqué par de Wegmann en 1842 (65).

9- Nouvelles discussions.

Le présent travail s'arrête là pour l'essentiel. Sans doute laisse-t-il des points multiples en suspens, et réclame-t-il des prolongements. Ce n'est au mieux qu'une introduction. On peut toutefois tenter une esquisse des problèmes nouveaux qui se posent après 1860.

Delesse distingue métamorphisme spécial (ou de contact) et métamorphisme général -substitué à métamorphisme normal (66). Tandis que Daubrée préfère parler de métamorphisme régional "plus juste que normal et moins vague que général" (67). Dès 1859 celui-ci affirme que le métamorphisme n'est pas en relation avec l'ancienneté puisque la Russie, la Suède et les Etats-Unis montrent des terrains "siluriens" à peine modifiés (68). Plus tard, relatant ses "expériences relatives à la chaleur qui a pu se développer par les actions mécaniques (69) dans l'intérieur des roches..." (1878), il conclut que là où le métamorphisme se développe à grande échelle loin de la présence des roches éruptives - cas des Alpes, précise-t-il, - la chaleur peut avoir été causée par des actions mécaniques.

Nous voilà tout près du dynamométamorphisme, tel que le présentera l'école allemande (70). Mais les extrêmes s'appelant, à cette thèse du métamorphisme des pressions tangentielles, tectoniques, s'opposera bientôt le fameux métamorphisme géosynclinal d'Emile Haug. Mais cela est une autre aventure (71).

Notes

REFERENCES

1) Sources primaires

2) Sources secondaires et études