TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Troisième série -
T.XXVII (2013)

Bernard Balan

L'origine de la tectonique

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO)
TROISIÈME SÉRIE, t. XXVII, 2013, n° 4 (séance du 12 juin 2013)

Résumé.
Henry Darwin Rogers a fondé la tectonique entre 1836 et 1843 en étudiant le premier, avec ses collaborateurs, une chaîne de montagnes plissée, les Appalaches. L'utilisation du concept d'anticlinal, introduit récemment dans le vocabulaire des géologues anglo-saxons, lui a permis d'établir l'existence de courbures dans la direction des chaînes et de poussées latérales attestées par l'inclinaison des plis. Par là même, il pouvait rendre compte des inversions stratigraphiques restées incompréhensibles pour une majorité de géologues (en Europe continentale, tout spécialement) pour lesquels les plissements étaient jugés impossibles en raison de la théorie orogénique régnante, dite des Révolutions.

Mots-clés : tectonique - plissements - anticlinal - synclinal - inversion stratigraphique - XIXe siècle.

Abstract.
Henry Darwin Rogers laid the foundations of tectonics between 1836 and 1843, being the first to study, with his co-workers, the Appalachian chain, a folded mountain. The use of the anticlinal concept, recently introduced in the vocabulary of the English geologists, allowed him to settle that there were flexures in the strike of chains and side thrusting witnessed by the folds dip. By the way, he could account for inversions of strata, what much of geologists (especially in continental Europe) could not understand, because folding was thought impossible, with the prevailing theory, the so-called revolutions.

Key words: tectonics - folds - anticlinal - synclinal - inversion of strata - 19th century.

 

Introduction

La géologie s'est d'abord comprise, on le sait, sous le nom de géognosie, comme une histoire naturelle de la Terre, descriptive et classificatrice. Elle se situe ainsi dans le prolongement d'une minéralogie qui, d'après le Baron d'Holbach, ne se réduit pas à la détermination et au classement des espèces minérales. Elle fait intervenir aussi leur genèse et leur position à la surface du Globe, les révolutions dont celle-ci a été l'objet, la formation des montagnes, etc., c'est-à-dire tout le programme de ce qui constitue pour Nicolas Desmarest, une Géographie physique, mais en privilégiant la dimension historique.

Voir sur ce point B. Balan (2011). L'évolution des idées en Géologie. Vrin, Paris, p. 58-62.

C'est ainsi qu'Albert de Lapparent la comprend encore à la fin du XIXe siècle, et, encore plus tard, Émile Haug, sous la forme d'une géologie essentiellement historique, dans laquelle la dimension physique reste au second plan. C'est encore le cas de Jean Aubouin.
Aubouin, J. (1961). Propos sur l'orogénèse, BRGM, p. 5 : « Rien ne peut remplacer la dimension historique de la Géologie... »

Il faut donc attendre 1968 pour assister à une inversion radicale de perspective avec la tectonique des plaques, c'est-à-dire, cette théorie qui voit dans la lithosphère un ensemble de plaques dont les mouvements des unes par rapport aux autres sont responsables des principaux phénomènes géologiques, et en particulier, de la formation des montagnes.

Si l'histoire naturelle n'est pas encore la science, elle en reste une condition initiale et indispensable. Avant de pouvoir expliquer scientifiquement un phénomène, il faut savoir de quoi on parle, c'est-à-dire le désigner dans sa particularité, l'identifier à partir de ses propriétés, le catégoriser dans un système de similitudes et de différences. C'est pourquoi la description des minéraux et des roches et l'étude de leurs dispositions et de leurs rapports sous forme de masses, de filons ou de couches - autrement dit, la Stratigraphie - sont à l'origine de la Géologie. En effet, la Terre « n'est pas composée d'amas de matières entassées au hasard, mais de strates régulières et uniformes », dont les géologues vont étudier l'ordre temporel en s'appuyant sur leur composition minéralogique et leur disposition d'abord (Werner), et leur contenu paléontologique ensuite (William Smith).

4 Michell, J. (1760). On the cause and phenomena of earthquakes, Philosophical Transactions of the Royal Society, vol. 51, part. 2, London, §. 38, p.582. Le Révérend Michell est signalé par John Fitton comme le créateur de la notion de strate.

Werner a introduit l'idée de formations universelles, sous la forme des terrains dits primitifs, de transition, secondaires, puis tertiaires (dûs à Cuvier et Alexandre Brongniart) et enfin, de transport et volcaniques. Passer de cette classification, dans laquelle la variable temporelle est déjà prise en compte, à la construction d'une échelle stratigraphique, dont les ères successives, paléozoïque, mésozoïque, et cénozoïque, et les époques qui les subdivisent (cambrien, ordovicien, etc.) forment le cadre dans lequel sont définis les étages actuellement reconnus, constitue le principal travail des géologues de la première moitié du XIXe siècle, travail dont l'importance ne peut être minorée. Tout cela est bien connu.

Restait pendante la question des montagnes. Elle sera traitée d'abord comme une question de stratigraphie, et non de tectonique, par Élie de Beaumont, ce qui est moins connu. En témoigne le Rapport sur les Progrès de la Stratigraphie, publié par lui en 1869, dans le Recueil de Rapports sur l'état des Lettres et les progrès des Sciences réclamé par Napoléon III. Son activité principale consiste à identifier les Systèmes de Montagnes en se servant des principes de superposition repris de Sténon, et de discordance, emprunté à Hutton, et à les classer dans un ordre chronologique avant de définir « la loi géométrique suivant laquelle les positions des divers systèmes stratigraphiques sont liées les unes aux autres », loi connue sous le nom de Réseau pentagonal et qui coordonne géométriquement ces systèmes, à la fois stratigraphiques et de montagnes, en fonction de leurs directions.

Élie de Beaumont, L. (1869). Rapport sur les progrès de la Stratigraphie, Imprimerie impériale, Paris,

Les discordances angulaires, quant à elles, résultent du dépôt d'une couche sédimentaire horizontale sur une couche plus ancienne inclinée parce que soulevée : les montagnes résultent donc de soulèvements successifs, contemporains du passage d'un étage stratigraphique à un autre. Lui attribuer la première tectonique globale, comme il est d'usage de le faire, contredit son projet, explicitement déclaré comme stratigraphique.

À cette époque dominée, du moins en France, par la notion de Révolutions du Globe, promue par Cuvier pour rendre compte d'un mode de succession des faunes, où la suivante suppose la disparition de la précédente, en raison de la négation de toute évolution des espèces, ces soulèvements sont censés provoquer les déluges universels qui sont la clef de ce mode de succession. Pour provoquer ces vagues fantastiques, il faut qu'ils soient instantanés. Or « un choc casse - une force de la même intensité qui agit lentement courbe ».

Vogt, C. (1854), Lehrbuch der Geologie und Petrefaktenkunde, 2e edit. Vieweg, Braunschweig, T. 2, p. 359.

Donc, si les soulèvements sont instantanés, ils se traduiront par des cassures, des failles, des dislocations, mais les plissements seront inconcevables et, en général, toute forme de courbe, même horizontale. Et, pourtant, ils existent ! Mais si on les voit, on ne les regarde pas. Pour les observer, il faut être indépendant d'esprit vis-à-vis de la doctrine dominante. C'est ce qui se passe avec certains géologues qui travaillent dans le Jura ou les Alpes. Mais leur audience reste limitée, voire nulle. Dans ces conditions, une tectonique, science des déformations de l'écorce terrestre, impliquant à la fois failles et plissements, peut être considérée comme impossible.

C'est ce que laisse entendre Louis de Launay en 1905, dans une note de La Science Géologique : non seulement les plis, mais aussi les courbes des montagnes, si évidentes soient-elles, devaient s'expliquer par des « conflits de directions rectilignes », si bien qu'« Il a fallu le talent de M. Edouard Suess pour faire admettre l'unité de chaînes sinueuses, et, en 1888 encore, M. Marcel Bertrand se croyait obligé de discuter l'idée de chaînes nécessairement rectilignes, qui avait été regardée si longtemps comme un principe absolu ». Mais, à cela, les savants des États-Unis font exception dès le milieu du siècle, à savoir H.D. Rogers et W.B. Rogers (1843), J.P. Lesley (1856), J.B. Dana (1863).

de Launay, L. (1905). La science géologique. Armand Colin, Paris, p. 354, note 1.

C'est donc en Amérique, liée, à l'époque, à une Europe atlantique en raison des liens qu'elle conservait avec la Grande-Bretagne, que la tectonique est née, en un temps où, en Europe continentale, la science des montagnes relevait de la stratigraphie. Il faudra attendre encore quarante années pour qu'elle y soit enfin reconnue.

Le principal responsable de cette naissance fut Henry Darwin Rogers (1808-1866). Après un bref séjour en Angleterre (1832-1833), au terme duquel il fut le premier géologue américain à être élu Fellow of the Geological Society of London, Henry Darwin Rogers fut d'abord chargé d'un cours de géologie à l'université de Pennsylvanie, avant d'être nommé en 1836 directeur du Geological Survey de Pennsylvanie. Les six rapports annuels, publiés dans ce cadre, lui ont permis de transformer la géologie américaine de son temps grâce à la découverte de la « loi presque invariable » pour toute la chaîne des Appalaches, d'« une plus grande pente des strates du côté nord-ouest que du côté sud-est » des plissements, décrits comme des vagues successives censées provenir de mouvements magmatiques. Son étude systématique de ces plissements en termes d'anticlinaux et de synclinaux en a fait le promoteur de la tectonique, sans qu'il pût bénéficier d'une réputation méritée auprès de ses contemporains en raison de ses difficultés de contact et de problèmes dépressifs.


Fig. 1. Carte des Appalaches, d'après Henri Baulig, Géographie Universelle, t. XIII, 2e partie, Armand Colin, Paris, 1936, fig. 69, p. 345. A noter, au centre de la carte, entre Altoona et Williamsport, la Nittany Valley, exemple d'anticlinal creusé, et, au sud-est, les Blue Mountains.

Plus précisément, c'est dans l'État de Pennsylvanie, où Henry Darwin Rogers a dirigé les Geological Surveys entre les années 1835 et 1843, qu'il est parvenu, pour la première fois, à la complète élucidation de la structure d'un système de montagnes de type plissé, à savoir ce qu'il désigne comme Appalachian région, par opposition aux régions nord-ouest (Allegheny région), et sud-est (Southeastern région), qui constituent cet État.

  • Greene, M. E. (1982). Geology in the nineteenth century. Cornell University Press, Ithaca & London, p. 123.
  • Rogers, H. D. (1836). First Annual Report of the State Geologist. Patterson, Harrisburg, p. 7.

  • Il s'agit de la région dénommée actuellement Valley and Ridge Province, comprise entre un plateau à l'ouest et un piedmont, au sud-est. Non seulement, cette région est remarquable par l'alignement de ses crêtes qui, partant du nord-est, se courbent du sud-ouest vers le sud, mais aussi par la présence de mines d'anthracite et de fer, qui constituaient un atout majeur pour le développement d'une industrie métallurgique dans ce second tiers du XIXe siècle. C'est donc par elle que Rogers va entamer les investigations géologiques et minières prévues dans le cadre des Surveys.
    La formation du concept d'anticlinal
    Les remarquables alignements de crêtes, caractéristiques de cette Appalachian region, observables actuellement par satellite, sont le résultat, on le sait, de l'action complémentaire de la géodynamique et de l'érosion.
    Sur ce point, il suffit de consulter un manuel, par exemple, J. Grotzinger & coll. (2007). Understanding Earth, New York, Freeman, p. 538 (les Appalaches y sont données en exemple).

    Pour Rogers, il s'agit des bords de valleys of elevation, dont les pentes se rejoignent au niveau de lignes de fond, où l'on peut déterminer des anticlinal axes, termes empruntés à la littérature géologique anglaise qu'il devait bien connaître pour avoir fréquenté les grandes figures de la Société géologique de Londres, Lyell, De la Beche, Murchison, Fitton, etc. au cours du séjour qu'il a fait en Angleterre pendant les années 1832 et 1833.
    Rogers, H. D., o. c., p. 12-13.

    Les termes d'anticlinal et de synclinal, qui désignent les courbures convexes et concaves des plissements, sont devenus, on le sait, des mots essentiels dans le vocabulaire technique de la tectonique à la fin du XIXe siècle.

    Le terme d'anticlinal semble avoir été introduit en géologie par George Poulett Scrope en 1825. Il avait, en effet, décrit les courbures concaves et convexes des strates dans les montagnes et les pays de collines qui, pour lui, résultent du soulèvement de masses granitiques, lequel entraînerait, dans les couches sédimentaires, des poussées latérales dues à la pesanteur. Elles se plissent en glissant sur les pentes ainsi créées, conformément au modèle du plissement de tissus fourni auparavant par Sir James Hall.

  • Poulett Scrope, G. (1825). Considerations on Volcanos. Phillips, London, 1825, p. 201-203 et fig. 29, 30, 31.
  • Sir James Hall (1815). On the vertical position and convolution of certain strata and their relation with granite (read February 3, 1812). Transactions of the Royal Society of Edinburgh, vol. 7, p. 84-86.

  • Ces plissements des différentes strates sont également fonction de leur degré de ductilité et peuvent provoquer des ruptures secondaires, à distinguer de la rupture des couches distendues au sommet de l'axe de soulèvement, ou « axis of elevation ». Cette rupture principale peut même se traduire par du volcanisme, conformément à la théorie des cratères de soulèvement de von Buch, comme cela semble avoir lieu dans la Cordillère des Andes. Les plissements convexes secondaires, ou « anticlinal ridges », sont séparés, dans les montagnes, par des vallées longitudinales formant des « concave flexures. ».

    Sur certaines parties des courbes convexes, les lits supérieurs peuvent avoir disparu, laissant place à des vallées longitudinales, comme cela se passe, non plus seulement dans les hautes montagnes, mais aussi dans les Wealds du Kent et du Sussex, au sud de l'Angleterre, exemple déclaré « familier ». Elles sont dues à l'érosion des couches calcaires tendres et, au fond, on peut retrouver une crête anticlinale formée d'une strate plus ancienne et plus dure, comme celle de grès rouge (red sandstone) au fond d'une vallée creusée dans le calcaire oolithique (près de Weymouth). Si telle est leur origine, désigner de telles vallées comme vallées d'érosion est insuffisant d'après Poulett Scrope, qui propose une appellation plus appropriée, « valley of elevation and subsidence or anticlinal valley ».

    Ibid., p. 211-214 (chap.10, §. 10).

    Le terme sera repris en 1828 par P.I. Martin, à propos de cette même région du Weald, et reçu par W.H. Fitton et les autres membres de la Société géologique de Londres, dont Charles Lyell.
    Martin, P. I. (1828). A geological Memoir on a part of the western Sussex. Booth, London, p. 11-12.

    Sans doute, le terme d'anticlinal apparaît en 1824 chez Buckland et Conybeare, qui désignent comme anticlinal lines les seuils entre bassins houillers du Pays de Galles, mais la parution d'un livre est toujours plus longue que celle d'un article et la note de Poulett Scrope résonne bien comme une introduction.
    Buckland W., Conybeare, W. D. (1824). Observations on the south-western Coal district of England. Transactions of the Geological Society of London, second series, vol. 2e part, p. 213, 215, 217.

    On peut donc lui attribuer la priorité réelle. Quoi qu'il en soit, le mot « synclinal » semble encore ignoré.

    Dans les six Annual Reports on the Geological Survey sur l'État de Pennsylvanie, dont Rogers est le responsable, le terme « anticlinal » apparaît plus de deux cents fois. Dans les trois quarts des cas, il s'agit de l'expression « anticlinal axis », dont la définition, donnée dans le Glossaire annexé aux 2e et 5e Reports, est tirée des Principles of Geology de Charles Lyell.

    Ce même Glossaire a été adjoint par William Barton Rogers à son Report de 1835 sur l'État de Virginie, mais il n'y utilise qu'une seule fois le terme de « synclinal axis » (p. 57).

    Cette définition est la suivante : « Si une rangée de collines ou une vallée est composée de strates qui, sur les deux côtés, penchent en direction opposée, la ligne imaginaire qui se tient entre elles, vers laquelle les strates s'élèvent de chaque côté, est appelée l'axe anticlinal. Dans une rangée de maisons, avec des toits en pente, faisant face au sud, les pans en ardoise représentent les strates inclinées vers le nord et le sud, et les faîtes forment un axe anticlinal est-ouest ».

    Rogers, H. D. (1838) Second annual Report on the geological exploration of the State of Pennsylvania, Parker, Barrett & Park, Harrisburg, p. 89. Idem (1841). Fifth annual Report on the geological exploration of the common wealth of Pennsylvania, Elliott & McCurdy, Harrisburg, p. 153, (traduction B. Balan).

    Dans le même Glossaire, l'expression correspondante, « synclinal axis », est définie ainsi : « Lorsque les strates penchent en directions opposées vers une ligne centrale imaginaire commune, celle-ci est appelée ligne ou axe synclinal ».

    Comme Brochant de Villiers le précise, anticlinal est un terme anglo-saxon.

    De la Beche, H.T. (1833). Manuel Géologique (trad. Brochant de Villiers) 2e édition, Levrault, Paris, 1833 p. 674.

    Il en donne la définition de Lyell, et précise : « Cette ligne est souvent très utile pour indiquer les dislocations des couches qui ont eu lieu dans une contrée ».

    Ainsi caractérisée comme formant un angle aigu, sinon une fracture rectiligne, une telle définition nous éloigne à la fois du texte de Poulett Scrope et du modèle des tissus plissés inspiré à James Hall par l'observation du plissement régulier des strates dans les Killas (alias Grauwacke) de St.Abb's Head.

    Sir James Hall. On the vertical position... o. c., p. 81 et les planches 1, 2 et 3.

    Nous en revenons à cette prégnance de la ligne droite dans l'esprit des géologues, y compris de ceux qui avaient reconnu l'importance des plissements. John Macculloch, par exemple, qui avait conscience de cette importance, reconnaît parfaitement que la strate externe est la plus ancienne dans une structure concave et la plus récente dans une structure convexe, mais il les décrit comme deux éventails inversés dont l'un est la pointe en bas, et l'autre en haut.
    Macculloch, J. (1819). A description of the Western Island of Scotland, vol. 1, Constable & Hurst, Edinburgh-London, p. 52 et Ibid., vol. 2, p. 304.

    Bien que les couches soient « contournées », ce sont les renversements de pente qui ont la priorité aux yeux de l'observateur. Cette notion de ligne anticlinale, comprise comme ligne de crête, pourra donc être admise sans difficulté par Elie de Beaumont, promoteur, on le sait, d'une géologie rectiligne. Il s'en sert dans la Notice de 1852 et, en cela, il ne fait que suivre Sedgwick, qui nous dit, par exemple, que « de Clapham aux collines du nord de Egleton, la série faillée de Craven (Craven fault) est marquée par une ligne anticlinale ou rupture [break] ».
  • 25 Élie de Beaumont, L. (1852). Notice sur les systèmes de montagnes, Bertrand, Paris, v. Index p. 1453.
  • 26 Sedgwick, A. (1836). Description of a series of longitudinal and traverse sections through a portion of the Carboniferous chain, between Penigent and Kirkby Stephen. Transactions of the Geological Society of London, second series, vol. 4, p. 95.

  • Rogers lui-même n'introduit l'expression « anticlinal arches » (voûtes anticlinales) que dans les 5e et 6e Reports, de 1841 et 1842, et les articles complémentaires publiés en 1843, mais, si l'on en croit Patsy Gerstner (1994), dans un manuscrit de 1837 qui préfigure l'article essentiel de 1843 sur la structure des Appalaches, il se montrait déjà en possession de ses principales idées théoriques : la ligne anticlinale est donc moins assimilable pour lui au faîte d'un toit ou au pli d'un cahier que le sommet d'une courbure convexe.

    27 Gerstner, P. (1994). Henry Darwin Rogers 1808-1866. University of Alabama Press, Tuscaloosa and London, p. 64-69.

    Néanmoins, en un premier temps, les « axes anticlinaux », que l'on peut suivre généralement au fond des « vallées d'élévation », lui servent, avant tout, à déterminer la direction des plissements. Cette direction est approximativement rectiligne à l'échelle des comtés (Somerset, Bedford, Fulton, par exemple), mais pour l'ensemble de l'État, on constate une courbure à grand rayon qui oblique du nord-est/sud-ouest au nord-sud, et présente même, localement, de remarquables déviations, telle la courbure de la Jack's Mountain dont la direction ne change pas moins que de 45°. Ce sont des faits en contradiction directe avec l'hypothèse formulée par Élie de Beaumont, qui veut que la direction des chaînes de montagnes soit rectiligne et suive un grand cercle à la surface de la Terre.
    Rogers, W. B., Rogers, H. D. (1843). On the physical structure of the Appalachian chain, Reports of the First, Second and Third Meetings of the Association of American Geologists and Naturalists, Gould, Kendall & Lincoln, Boston, p. 502-504.


    Fig. 2. « Coupe schématique destinée à montrer pourquoi les crêtes tendent à se développer au niveau des géosynclinaux, tandis que les vallées se creusent dans les anticlinaux ». D'après Bradford B. Van Diver (1990). Roadside Geology of Pennsylvania, Mountain Press, Missoula, p. 62.

    Au début du Second Report (1838), Rogers nous dit avoir consacré l'essentiel de son activité personnelle au contrôle des études géologiques sur la partie centrale de la région comprise entre la Susquehanna et la Delaware, confiées à deux de ses assistants, en raison de l'importance de ce secteur qui comprenait les mines d'anthracite de l'État.

    Rogers, H. D., Second Report, o. c. p. 11.

    Mais avant de s'occuper, dans ce Report, du bassin de Pottsville, choisi comme exemple, il décrit la série des formations sous-jacentes, telles qu'elles affleurent dans la Kittatinny Valley qui forme un ruban depuis l'est de la Delaware, dans le New Jersey jusqu'à la vallée de la Shenandoah, en Virginie.
    Rogers estime prématuré de donner les cartes et figures utiles, qui, du reste, n'apparaissent pas avec la publication informatique des textes. Cette absence peut être compensée par l'examen de la région au moyen de Google maps, et surtout, en accédant à la carte géologique interactive que l'on peut trouver sur PA DCNR, map viewer, site PAMAP imagery, puis, Geological Survey (colonne gauche, en haut), et, sur la page correspondante, Quick links, et Geological interactive map, qui apparaît. En cliquant sur l'onglet Geology, la carte géologique apparaît, à son tour, avec une fenêtre, dont il faut supprimer toutes les entrées sauf Bedrock geology. Il est alors possible d'explorer la géologie de la région avec la souris : en cliquant sur un point quelconque, apparait une fenêtre avec le nom de la formation, l'étage, et la nature de la roche et une courte explication. Par exemple, en cliquant sur Poffsville, on obtient : Llewellyn formation, Pennsylvanian, sandstone, et la composition de cette formation, y compris la présence de charbon.

    Il faut distinguer entre les Blue Mountains, synonymes des Kittatinny Mountains qui forment la crête limite des Appalaches au nord de Harrisburg, en prolongeant celle du New Jersey, et la Blue Ridge Province, c'est-à-dire une série de chaînes qui passent entre Harrisburg et Elisabethville, et limitent la Great Valley, qui va de Chambersburg, au sud, à Allentown, à l'est de l'État.

    Les Kittatinny or Blue Mountains en forment la bordure nord-ouest.

    Les douze formations qu'il distingue sous la couche de charbon, classée 13e, sont simplement numérotées, et non rapportées à l'échelle stratigraphique européenne, étayée sur la paléontologie, à partir de l'idée que les mêmes espèces ne représentent pas forcément le même âge en différentes localités.

    Gerstner, P., o. c., p. 55-56.

    Il les caractérise par les roches principales qui les constituent, et l'intérêt économique qu'elles peuvent présenter. Dans le First Report, les neuf premières avaient été qualifiées de Appalachian, et les trois dernières de Carboniferous.

    Il recommande aussi de décrire leurs pentes et la configuration de la surface du sol, en vue de déterminer les contournements (« confortions ») et les dislocations des strates, qui peuvent décevoir les mineurs. On peut donc penser que la tectonique est apparue en Géologie avec la prise en compte des énormes plissements (« wrinklings ») des bassins houillers (« coal-measures ») en raison de leur intrication avec la structure interne des Appalaches.

    Rogers, H. D., Second Report, o. c., p. 73.

    Le bassin de Pottsville révélera ainsi une énorme dislocation qui se traduit par un renversement des strates et une poussée venant du sud qui plisse les strates, non pas en ondulations anticlinales symétriques, mais en plis courbés vers le nord, « comme des vagues à la surface de l'eau ». Ces soulèvements, fractures et dislocations ont conduit Rogers à concevoir les bassins d'anthracite comme le résultat du morcellement d'un unique et immense dépôt par la formation des montagnes, dans lesquelles il faut voir « a system of gigantic anticlinal elevations » (un système d'élévations anticlinales géantes). Les mines nous renvoient donc aux montagnes.

    Comme exemple de ces énormes plissements, on peut donner la vallée de la Nittany, située en bordure des Alleghanys, étudiée par Rogers dans son Third Report. Elle est comprise entre Williamsport au nord-est, avec courbure vers l'est, et Altoona au sud-ouest, avec courbure vers le sud (voir les cartes par satellite, spécialement le relief). Il s'agit d'une remarquable boutonnière, comparable au Pays de Bray, ou encore à celle qui permet de rejoindre le Weald du Kent et du Sussex, et le Boulonnais, dans le Pas-de-Calais, à travers la Manche, dont la partie anglaise a été étudiée par les géologues de la Société géologique de Londres à partir des années 1810. La synonymie est à peu près complète entre ce que Poulett Scrope appelle « anticlinal valley » et ses devanciers « valleys of elevation » ou « valleys of dénudation ». Elle diffère du Weald et du Pays de Bray en ce qu'elle est de dimension bien supérieure, mais aussi, se situe dans le domaine paléozoïque et non plus mésozoïque. Cette vallée est bordée par la Nittany Mountain et ses prolongements au sud et par la Bald Eagle Mountain au nord. Le point capital, c'est l'existence d'une bande centrale, les Barrens, formant une crête stérile, au sol sableux, mais qui en a fait la célébrité par sa richesse en minerai de fer.

    Rogers, H. D. (1839). Third Annual Report on the Geological Survey of the State of Pennsylvania, Boas & Coplan, Harrisburg, p. 43.

    Or, elle est parcourue d'un bout à l'autre par un axe anticlinal, à partir duquel on observe l'inclinaison des strates situées au fond, qui descendent en sens opposé. Il traduit donc, à la fois, l'existence d'un soulèvement qui se traduit par une courbe convexe, et les effets de l'érosion qui a creusé la voûte initiale et révélé les strates les plus anciennes, à savoir en particulier, celles de la Formation 2 (cambrienne) dont le contenu en fer est exploitable industriellement. Les flancs des montagnes qui encerclent cette vallée permettront d'observer les affleurements des formations allant de 3 à 8.
    L'examen des Barrens sur une carte géologique moderne indique leur nature cambrienne, et les strates qui affleurent sur les pentes des montagnes encaissantes vont de l'Ordovicien au Dévonien (voir PA DCNr Map viewer). Chez Rogers, les formations 1 et 2 répondent effectivement au Cambrien.

    Mais, dans tout cela, s'il y a du fer, il n'y a pas de charbon.

    Le charbon, contenu dans des strates qui relèvent de la 13e ou dernière formation, se trouve conservé dans des « synclinal basins or troughs » (bassins ou cuvettes synclinales) dans lesquels il est protégé de l'érosion, responsable du creusement des « anticlinal valleys » dans les anticlinaux. Puisque, dans un système d'ondulations, synclinaux et anticlinaux alternent, toute la région de l'anthracite est ainsi divisée par les axes anticlinaux en une série de bassins synclinaux houillers parallèles entre eux.

    Rogers, H. D., Third Annual report., o. c., p. 25.

    Or, l'érosion dans les anticlinaux peut avoir été telle que les bassins synclinaux qui alternent avec eux, peuvent se trouver en relief. Les couches de houille vont donc subsister au sommet des reliefs apparents dans la mesure où ils ont pu être protégés par des strates dures, par exemple, de grès. C'est ainsi que l'on trouve un petit bassin houiller au sommet des Green or Hell Kitchen Mountains. Ce qui vaut pour le charbon vaut aussi pour le minerai de fer. Lorsqu'il appartient à des formations plus élevées que celles de la Nittany valley, on le trouve aussi dans des cuvettes synclinales, si bien qu'une appréciation correcte de la position des strates et de leurs axes, c'est-à-dire l'apport de la géologie, est d'importance primordiale pour la prospection. Il s'ensuit de telles observations que, puisque chaque courbure possède presque la même coupe et les mêmes dimensions, elles confèrent à toute la région une topographie à la régularité et à la symétrie frappantes : « les grandes formations appalachiennes inférieures, calcaires et schisteuses, se montrent en surface au fond d'une série de vallées anticlinales, longues et parallèles, tandis que les grès, formant couverture, donnent dans les intervalles, autant de crêtes synclinales escarpées, rectilignes et régulières ».
    Rogers, W. B. & Rogers, H. D., On the physical structure of the Appalachian chain... o. c., p. 498.

    La raison des traits physiques extérieurs d'une région est donc à rechercher dans sa structure géologique : puisque la situation des bassins houillers et des dépôts de minerais de fer ou d'autres métaux dépend de formations géologiques déterminées, ce sera seulement en comprenant le rapport entre la topographie et les agents qui en sont les causes, que l'on pourra parvenir à retrouver les strates recherchées et leur contenu économiquement exploitable. Ce travail est simplifié par cette régularité frappante propre aux Appalaches, qui permet aussi d'en déduire les lois et analogies, d'où l'on peut conclure à la nature des forces qui ont plissé épisodiquement la croûte terrestre. Elle les rend donc supérieures aux montagnes européennes dans lesquelles « aucune ceinture d'axes, d'étendue égale au système appalachien, n'a été remarquée par les géologues ». Cette régularité, comparable à celle des « vagues à la surface de l'eau », en raison de la dissymétrie des anticlinaux et synclinaux, comme on l'a vu, et que Rogers a observée dès le début de son travail dans le New Jersey (vers 1835 ?), constitue une règle pour toute la longueur de la chaîne, dans laquelle les pentes au nord-ouest sont plus raides que vers le sud-est.

    Rogers, H. D., Description of the Geology of the State of New-Jersey, Sherman & co, Philadelphie, p. 54.

    Il retrouve cette disposition dans les Alleghanys, car, dit-il, « Ces montagnes montrent dans leurs axes anticlinaux une belle confirmation de cette loi presqu'invariable que j'ai découverte appartenir généralement aux axes d'élévation de toute la chaîne des Appalaches des Etats-Unis. Le trait auquel je fais allusion, est une plus grande raideur de pente dans les strates du côté nord-ouest que du côté sud-est de l'axe».
    Rogers, H. D. (1841). Fifth Annual Report on the geological exploration of the Commonwealth of Pennsylvania, Elliot & McCurdy, Harrisburg, p. 79

    Il ne s'agit là que de courbes anticlinales « normales », mais il existe des plis où « les lignes de plus grande pente des côtés opposés de l'axe approchent du parallélisme, et présentent une inclinaison presqu'uniforme de quarante-cinq à soixante degrés vers le sud-est. En d'autres termes, cela peut s'exprimer comme un reploiement ou inversion [doubling under or inversion] de la moitié nord-ouest de chaque courbure anticlinale ».
    Rogers, W. B. & Rogers, H. D., On the physical structure..., o. c., p. 494.

    Cette inversion des pentes entraîne avec elle l'inversion des strates et une théorie générale des plissements qui constitue l'élément majeur de la tectonique.
    Les inversions stratigraphiques
    La reconnaissance des inversions stratigraphiques a joué un rôle capital dans l'histoire des idées en géologie. Comme Marcel Bertrand l'a répété, « Pour voir les choses, il faut les croire possibles ».
    Bertrand, M. (1927-1931). Oeuvres géologiques, Dunod, Paris, T. 1, 1927, p. 417, 649 et T. 3, 1931, p. 1670.

    Pour que le principe stratigraphique fondamental de superposition, qui veut que les strates les plus récentes se soient déposées sur les plus anciennes, soit contredit, il faut admettre la présence ou bien d'une faille inverse, ou bien d'un pli, au moins déversé, sinon couché, c'est-à-dire, une conception de la dynamique terrestre qui dépasse l'admission des simples soulèvements et affaissements qui pouvaient suffire à rendre compte des anticlinaux et synclinaux, droits ou obliques. Mais, si, dans le cas d'une faille inverse, les strates du compartiment surélevé, quoique plus anciennes, se trouvent situées au dessus des couches plus récentes du compartiment abaissé, nous avons, de part et d'autre du plan de décrochement, un ordre de superposition normal, alors que, dans de nombreuses observations, cet ordre lui-même est inversé. Cela n'est pas concevable autrement qu'en supposant un plissement, comme Rogers semble l'avoir parfaitement compris.

    En 1836, entre la Schuylkill et la Susquehanna (au centre-sud-est de la Valley and Ridge Province), Rogers note une inversion de pente vers le sud-est de la Formation 2 (cambrienne), calcaire, et le schiste (« slate ») de la Formation 3 (ordovicienne), qui la suit dans l'ordre de superposition, et, au niveau de leur ligne de contact, il observe « the curious phenomenon of an apparent inversion of the strata » : le schiste semble disparaître sous les couches de calcaire.

    Rogers, H. D., Second Annual Report., o. c., p. 24.

    Dans cette circonstance, il voit la preuve d'une grande fracture et contournement (« great fracture and contortion »), traduisant le caractère profondément disloqué de cette région. Plus au sud, entre York et Wrightsville, à proximité de l'embouchure du Codorus creek, dans la Susquehanna, il observe en 1840 une nouvelle inversion des strates : le calcaire de F.2 plonge sous un grès schisteux, appartenant à F.1 (Cambrien inférieur), qui forme la crête d'un anticlinal très compressé. Il en ira de même dans diverses autres régions de la chaîne et, même dans la vallée de la Nittany, il parvient à voir des strates se renverser après être passées par la verticale, puis retrouver leur position naturelle au terme de ce qui peut nous sembler être un plissement de grande amplitude. L'ensemble des données sur les inversions sera regroupé en 1843, dans son article synthétique sur les Appalaches, après avoir fait le point sur cette question avec Edward Hitchcock.
    Rogers, H. D., On the physical structure of the Appalachian chain..., o. c., p. 492-494.

    En 1835, Edward Hitchcock, quant à lui, n'avait pas compris une inversion stratigraphique observée dans le Comté de Berkshire, au fond de l'État de Massachusetts, dont le Geological Survey lui avait confié l'étude.

    Hitchcock, E. (1833). Report on the Geology, Mineralogy, Botany and Zoology of Massachusetts, 2e ed., Adams, Amherst, 1835, p. 296-300.

    Le calcaire du Berkshire fait partie d'une vaste formation qui s'étend dans toute la partie occidentale du Connecticut, du Massachusetts et du Vermont. Une première partie en est déclarée indubitablement primitive, « in the Wernerian acception of the term », parce qu'elle est interstratifiée avec du gneiss et du micaschiste, et de texture cristalline, dans la partie orientale de la chaîne. Mais, à mesure que l'on va vers l'ouest, ce calcaire devient moins cristallin et prend l'aspect d'un calcaire de transition, pour finalement s'associer à de la graywacke caractérisée. Or, il y a ici une anomalie, car la pente de ces strates est invariablement vers l'est, si bien que les couches de plus en plus récentes en allant vers l'ouest, semblent plonger sous les couches les plus anciennes. Faut-il alors privilégier le critère de superposition aux dépens du caractère minéral des couches et de la présence de fossiles, ou bien faut-il supposer que les strates aient été mécaniquement renversées ? Cette seconde hypothèse lui paraît inadmissible. Après avoir essayé une explication structurale ad hoc qu'il juge lui-même intenable, du fait qu'il y a continuité dans la variation apparente du calcaire, force lui est de se rabattre sur une mise en question du critère minéralogique pour juger de l'ancienneté des roches.

    En cela, il ne faisait que suivre l'exemple donné par Élie de Beaumont en présence d'une inversion stratigraphique rencontrée, en 1828, à Petit-Ceour, en Tarentaise.

    Élie de Beaumont, L. (1828). Notice sur un gisement de végétaux fossiles et de bélemnites, situé à Petit-Coeur, près Moutiers en Tarentaise, Annales des Sciences naturelles, T. 14, Crochard, p. 117-127.

    Il s'agissait d'une galerie de mine abandonnée dans laquelle, sur un « grès schisteux micacé », on trouvait « une couche d'environ un mètre et demi d'épaisseur d'un schiste argilo-calcaire très-fissile contenant un grand nombre de bélemnites », elle-même surmontée par une « couche d'argile schisteuse noire » avec des empreintes végétales, identifiées par Adolphe Brongniart comme appartenant aux « terrains d'anthracite ».
    Brongniart, A. (1828). Observations sur les végétaux fossiles des terrains d'anthracite des Alpes. Annales des Sciences naturelles, o. c., p. 127-136.

    Ces derniers sont, à leur tour, surmontés d'ardoises dont les dalles renferment des bélemnites que l'on savait appartenir au Lias. Le « terrain d'anthracite » est donc situé entre deux couches à bélemnites. Élie de Beaumont en conclut qu'« il ne paraît pas qu'aucune hypothèse sur les bouleversements qu'a subi le terrain, puisse permettre de croire que la formation des impressions végétales appartienne à une époque différente de celle à laquelle les bélemnites ont été déposées ».
    Élie de Beaumont, L., ibid., p. 119.

    Puisque les bélemnites n'ont jamais été trouvées dans des couches antérieures au Muschelkalk (Trias), l'ensemble de ces terrains appartient donc au Lias. Il s'ensuit que les débris végétaux intercalés entre les couches à bélemnites lui appartiennent aussi. Ils pourraient, cependant, ne pas provenir du voisinage, mais « avoir été apportés par des courants marins de climats plus ou moins éloignés ». C'est le critère paléontologique qui se trouve mis en question puisque des végétaux carbonifères peuvent coexister avec des bélemnites jurassiques.

    En 1835, Edward Hitchcock se déclarait, en effet, tributaire de la géologie européenne, jugée plus avancée que celle qui avait cours en Amérique, et, en particulier, de la doctrine d'Élie de Beaumont. Il avait appliqué aux systèmes de montagnes et aux strates du Massachusetts le principe du soulèvement successif des chaînes de montagnes dû à la contraction du Globe terrestre par refroidissement, utilisé en 1829 par Élie de Beaumont pour établir leur âge relatif, principe dont un des mérites était de rendre compte des anciens déluges dont il retrouve les traces.

  • Hitchcock, E., Report... of Massachusetts, o. c., p. 507.
  • Élie de Beaumont, L. (1829-1830). Recherches sur quelques-unes des révolutions de la surface du globe..., Annales des Sciences naturelles, T. 18 (1829) p. 5-25, 284-416, T. 19 (1830) p. 5-99, 177-240.

  • Mais, pour lui, le rétrécissement de la surface du Globe entraîne un degré de plissement (a degree of plication), alors que, pour Élie de Beaumont, il n'était question que de dislocations et de fractures. Il semble donc qu'il aura admis sans trop de mal l'explication des inversions stratigraphiques par des plissements qui lui est donnée par Rogers au cours d'un entretien qui aurait eu lieu en 1840, puisqu'il l'introduit dans son Elementary Geology.
    Hitchcock, E. (1840). Elementary Geology, 8th ed., Dayton & Saxton, New York, 1847, p. 35-37.

    Il se rallie ainsi à la tradition anglo-saxonne, dont les pères fondateurs sont, on le sait, Hutton, Playfair et Sir James Hall. Au début du siècle, cette tradition va être représentée, en particulier, par le Dr Macculloch qui décrit un renversement stratigraphique indiscutable dans l'île de Sky, renversement qui double l'épaisseur des strates.
    Macculloch, J. (1819). A description of the western islands of Scotland. Constable, Hurst, Edinburgh-London, vol. 1, p. 314.

    C'est à ce géologue que Conybeare se réfère en 1822 pour rendre compte du fait que, dans un pli déversé (comme il en donne la figure), les strates du flanc inverse seront inversées : le calcaire à gryphées sera situé sous le gneiss.
    Conybeare, W., Phillips, W. (1822). Outlines of the Geology of England and Wales. Phillips & co, London, Note p. VIII-IX.

    Macculloch se chargera lui-même d'en fournir la théorie un peu plus tard : il y a inversion dans l'ordre de superposition des couches dès qu'une pente dépasse la verticale, qu'il s'agisse d'une faille inverse ou d'un pli déversé ou couché.
    Macculloch, J. (1831). A System of Geology. Longman & co, London, vol. 1, chap. 8 et 9, p. 86-130, spécialement p. 114.

    En Europe continentale, il n'en va pas de même : un exemple surprenant nous est fourni par André Dumont. En 1830, les rapporteurs sur son mémoire lui font mérite d'avoir observé « des couches... qui sont plissées, contournées ou renversées sur elles-mêmes ».

    Dumont, A. (1832). Mémoire sur la constitution physique de la Province de Liège. Hayez, Bruxelles, p.I V (Rapport : Cauchy, d'Omalius d'Halloy, Sauveur).

    En effet, il reconnaît, entre autres, « qu'on ne peut établir avec certitude l'âge relatif des couches primordiales d'après leur inclinaison, puisque, lorsqu'elles forment des bassins dont les bords inclinent d'un même côté, l'un des deux bords d'un bassin inférieur recouvre toujours les bords des bassins supérieurs ». C'est ainsi que « Depuis Statte jusqu'à Chokier, le calcaire supérieur incline au SE ; à Chokier, il est vertical ; et plus loin vers l'E, il incline au N sous le même terrain ». Par contre, en 1847, il découvre que « par une de ces dislocations dont il y a peu d'exemples, le terrain rhénan et les systèmes inférieurs du terrain anthraxifère, se trouvent dans une position renversée au milieu du bassin houiller du Hainaut ».
    Dumont, A. (1847). Mémoire sur les terrains ardennais et rhénan. Académie de Belgique, Bruxelles, p. 318319.

    Après avoir détaillé ce renversement, qu'il juge sans rapport avec ce qu'il avait observé dans le bassin de Liège, il en conclut, sans plus, que « le renversement des terrains rhénan et anthraxifère inférieur sur le système houiller, la discordance entre la stratification du terrain rhénan et celle du terrain anthraxifère, et entre la stratification du terrain anthraxifère inférieur et celle du système houiller dans la même localité, constituent sans doute un des cas de dislocation les plus extraordinaires que l'on ait constaté jusqu'à présent ». André Dumont ne parvenait peut-être pas à concevoir l'énormité du plissement qui aurait pu rendre compte d'un tel renversement.

    Si, en cela, André Dumont rejoint Élie de Beaumont, ce n'est pas le cas des géologues alpins. En 1848, Alphonse Favre, professeur à Genève, n'hésite pas à envisager, autour des Aiguilles Rouges, en Savoie, « une grande voûte, qui, de Sixt (750 mètres environ) s'élevait d'abord au Buet (3100 mètres), puis aux Aiguilles Rouges, dont le terrain jurassique seulement atteignait avant l'écroulement de cette grande masse la hauteur de 3750 mètres... ».

    Favre, A. (1848). Recherches géologiques faites dans la région de Chamounix, en Savoie. Bibliothèque universelle de Genève, p. 23.

    Or, l'année suivante, le même Alphonse Favre décrit « la superposition de grandes masses calcaires contenant des belemnites et des ammonites à des roches remplies de nummulites », en contradiction avec l'ordre admis par la paléontologie et la géognosie.
    Favre, A. (1849). Notice sur la géologie de la vallée du Reposoir en Savoie, Bibliothèque universelle de Genève, p. 1.

    Il n'admet pas les anomalies ou les exceptions en géologie et rapporte d'autres observations semblables, et, en particulier, le fait, signalé par Escher, d'une succession normale suivie d'une succession inverse des couches dans l'ordre descendant. Dans son esprit, le problème posé est celui de la validité du critère paléontologique en stratigraphie, mis en question par Élie de Beaumont, « en opposition directe avec tous les travaux faits depuis quarante ou cinquante ans sur les végétaux fossiles, et avec eux, plus nombreux encore, relatifs aux animaux fossiles ».
    Favre, A. (1857). Observations relatives aux lettres sur la constitution géologique de quelques parties de la Savoie, adressées par Ange Sismonda à Élie de Beaumont, p. 6.

    En 1854, l'abbé Vallet s'est montré beaucoup plus radical. Dans la montagne d'Aillon, au nord-est de Chambéry, il observe une inversion des couches, depuis le Nummulitique à la base, jusqu'au Crétacé inférieur, au sommet et il ajoute la remarque suivante : « Pour se rendre raison de cette étrange anomalie, il faut nécessairement admettre que l'extrémité orientale de ces couches a été rabattue sur l'extrémité occidentale, à la manière d'un cahier de papier que l'on veut plier en deux, et dont on rabat une moitié sur l'autre ».
    Vallet, P. (1854). Observations sur la craie blanche des environs de Chambéry, Mémoires de l'Académie royale de Savoie, 2e série, T. 1er, p. 399-400.

    De plus, « Cette hypothèse [...] explique naturellement pourquoi la craie, dans la vallée d'Aillon, paraît avoir une puissance double de celle qu'on lui connaît partout ailleurs », car le Nummulitique se trouve compris entre la série inverse supérieure qui vient d'être indiquée et une série normale inférieure. Quarante ans plus tard, on pourra parler d'un synclinal couché. Il a donc répondu d'avance à la question implicitement posée et que Louis Pillet dégage un peu plus tard : « En deux mots, y a-t'il dans les Alpes dérogation aux lois de la Paléontologie, ou simple renversement stratigraphique ? ».
    Pillet, L. (1861). Études géologiques sur les Alpes de Maurienne, Mémoires de l'Académie impériale de Savoie, 2e série, T. 4, p. 364.

    Résoudre cette question, c'est en finir avec le faux débat ouvert en 1828 par Élie de Beaumont à Petit-Coeur.
    Concernant toute cette histoire, voir aussi J. Debelmas (Dir.) (2011). L'exploration géologique des Alpes franco-italiennes. Presses des Mines, Paris, p. 25-32.

    La découverte en 1859 de nummulites à Montricher, au pied des Aiguilles d'Arve, en Maurienne, par Louis Pillet, emporte la décision. Elles se trouvaient dans des poudingues « désormais irrévocablement classés dans le tertiaire nummulitique » (en gros, l'Éocène), dont ces fossiles étaient reconnus à l'époque comme caractéristiques. Or, ces poudingues, situés dans le prolongement des conglomérats des Aiguilles d'Arve, présentaient une « stratification parallèle aux couches de lias dans lesquelles ils sont intercalés, plongeant visiblement, comme eux, sous la grande masse anthracifère de St-Michel ».
    Pillet, L., Études géologiques., o. c., p. 385.

    L'explication d'une telle disposition ne peut être donnée que par un renversement « comme on en rencontre tant dans les Alpes et même dans le Jura », car, « on a pu discuter si les plantes houillères ne se trouveraient pas contemporaines des nummulites ; mais contemporaines des nummulites, c'est impossible ». Renversement implique plissement : une planche, annexée au Mémoire, en donne la représentation en coupe, en contraste avec celle de Sismonda, professeur à Turin et ami d'Élie de Beaumont, où ne se rencontrent que des lignes droites.

    L'importance de cette découverte, reconnue par Charles Lory, justifiait le déplacement de la Société géologique de France, lequel a eu lieu le 1er septembre 1861 à Saint-Jean-de-Maurienne. Élie de Beaumont et ses amis, pourtant invités, n'ont pas daigné y assister. Les deux points essentiels indiqués par Lory dans son rapport sur la course du 3 septembre, de Saint Jean de Maurienne à Saint Michel, au cours de laquelle les membres de la Société vont repasser sur les lieux visités par Louis Pillet, sont 1) la « découverte paléontologique » des nummulites, à propos desquels « personne n'a eu le moindre doute sur le genre auquel on doit rapporter des fossiles si bien caractérisés » et 2) la reconnaissance de la position du conglomérat nummulitique dans un terrain liasique « replié sur lui-même », comme il le souligne.

    Lory, C. (1861). Réunion extraordinaire de la Société géologique de France à Saint Jean de Maurienne, Bulletin de la Société géologique de France, 2e série, vol. 18, 1860-1861 p. 720-721. Or, comme le signale Alphonse Favre, « M. Elie de Beaumont maintient que ce ne sont pas des nummulites. (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1861, T. 53, p. 117) ». Sans commentaire.

    Au cours de la même journée, les membres de la Société géologique de France auront l'occasion d'observer ensuite « d'admirables contournements, par suite desquels les groupes inférieurs reparaissent à plusieurs reprises », des schistes du lias, repliés en forme de V, qui sont « évidemment refermés sur eux-mêmes », etc. On pourrait croire que l'on assiste ici à l'instauration de la tectonique dans le domaine européen, mais il n'en est rien. La conséquence tirée de cette réunion par la majorité des géologues est le principe que « la stratigraphie est toujours d'accord avec la paléontologie ». Ces observations restèrent donc sans suite, comme toutes celles qui ont pu être faites par Charles Lory, Louis Pillet, Bernhard Studer, Arnold Escher de la Linth, à la même époque.
  • Favre, A. (1861). Notice sur la réunion extraordinaire de la Société géologique de France, à St Jean de Maurienne (Savoie), le 1er septembre 1861, Bibliothèque universelle de Genève, 1861, p. 3.
  • Debelmas, J., L'exploration géologique..., o. c. p. 48.

  • On peut, bien entendu, incriminer la notoriété et les pouvoirs détenus par Élie de Beaumont. En 1861, il est sénateur à vie, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences et grand officier de la Légion d'honneur, sans compter ses hautes fonctions universitaires. Il faut peut-être en tenir compte pour comprendre le ralliement de Roderick Murchison qui rejette explicitement une inversion de stratification au profit d'une association des bélemnites et des plantes carbonifères à Petit-Coeur.
    Murchison, R. I. (1849). On the geological structure of the Alps, Apennines and Carpathians. Taylor, London, (réédition : Cambridge University Press 2011), p. 174-182. Voir aussi : J. Debelmas. L'exploration géologique., o. c., p. 28.

    Or, Murchison connaît parfaitement les inversions stratigraphiques, pour lesquelles il se réfère à André Dumont pour l'Europe et aux frères Rogers pour l'Amérique, dans son travail sur la géologie de l'Oural.
    Murchison, R. I., de Verneuil, E., Keyserling, A. v. (Count) (1845) The Geology of Russia in Europe and the Ural Mountains, John Murray, London, vol. 1, p. 647 (Appendice I: Inverted strata on the flanks of the Ural Mountains).

    Dans son mémoire sur les Alpes, non seulement il réitère sa mention des frères Rogers, à propos d'une progression des chaînes alpines en vagues, comme dans les Appalaches, mais il cite également une page dans laquelle H.D. Rogers signale les fractures dans des plissements inversés, figures à l'appui. Mais il lui répugnait, semble-t-il, de n'être pas d'accord avec son « eminent friend M. Elie de Beaumont ». Il ne s'agit là, cependant, que d'un point somme toute anecdotique et personnel.

    C'est le triomphe de la stratigraphie au XIXe siècle qui a peut-être constitué, auprès des géologues européens, l'obstacle majeur pour le développement d'une tectonique. Il faut noter qu'en plein XXe siècle, à propos de l'orogenèse, Jean Aubouin écrit que « Rien ne peut remplacer la dimension historique de la géologie ».

    Aubouin, J. (1961). Propos sur l'orogenèse. Extrait du Bulletin trimestriel du Service d'Information géologique du B.R.G.M. n° 52 et 53, p. 5.

    Il se situait ainsi dans le sillage d'Albert de Lapparent, d'après lequel la « Géologie proprement dite ou Géognosie », est « l'étude des formations de diverses natures, à l'aide desquelles nous pouvons entreprendre de reconstituer par induction la série des phénomènes du passé », autrement dit, l'histoire du Globe.
    de Lapparent, A. (1885). Traité de Géologie, 2e ed., Savy, Paris, p. 29.

    Au contraire, la tectonique a probablement souffert de se situer dans le décours de ce que le même Lapparent désigne comme les « Théories Géogéniques », issues, comme chacun sait, des anciennes « Théories de la Terre », dont le caractère était quelquefois si fantaisiste que, d'après Cuvier, il était impossible d'en parler sans exciter le rire. À propos des accidents tectoniques, le même Aubouin déclare : « C'est pour expliquer de tels accidents [.] qu'ont été élaborées toutes les "théories orogéniques" qui font appel à de vastes mouvements crustaux ou même infra-crustaux ; ce n'est pas l'objet de cet article que de traiter des théories orogéniques fort nombreuses qui ont vu le jour ; on atteint avec celles-ci le "pourquoi" des choses ; cet article se limitera au "comment" ».
    Aubouin, J., Propos sur l'orogenèse. o. c., p. 27.

    Si la description, l'identification et la classification des strates, y compris leur situation dans l'espace géographique et le temps géologique, représentent la partie positive et nécessaire d'une géologie qui s'est comprise d'abord comme une histoire naturelle de la Terre, il faudra bien admettre que l'accès à la science proprement dite passera par la volonté d'expliquer. Celle-ci suppose, non pas des spéculations arbitraires, mais un corps de principes théoriques bien confirmés. La tectonique, en passant des Appalaches dans les Alpes dans le dernier quart du XIXe siècle avec Eduard Suess, Albert Heim et Marcel Bertrand, va se charger de les constituer.
    Conclusion
    Avec les Appalaches, nous sommes en présence d'une région peu fossilifère, où la paléontologie et la stratigraphie, auxquelles les géologues américains ne sont pas entraînés, sont impossibles, et où, par conséquent, il ne restait à étudier que les formes dynamiques. En Europe, la montagne de structure correspondante est le Jura, mais le Jura est riche en fossiles, et les fossiles ont détourné les géologues de toute approche dynamique. Il s'ensuit que le Jura, « quoique la demeure de la Géologie depuis au moins un siècle, a dû attendre pour son élucidation que les Appalaches américaines aient été cartographiées ».
    Lesley, J. P. (1854). Manual of Coal and its Topography. Lippincott, Philadelphia, p. 123.

    La science correspondante est désignée par J. P. Lesley du nom de « topography », laquelle reviendra en Europe et sera présentée comme une invention américaine. Cette science témoigne de la permanence de la dynamique géologique, c'est-à-dire de la constance des grandes lois qui régissent les forces mécaniques à travers l'histoire du monde. Elles font du Jura le petit-fils des Appalaches. Enfin, elle est, par excellence la science des montagnes, et la surface de la Terre peut être considérée comme une collection de montagnes, qui en constituent la portion solide98. Ces pages de Lesley annoncent clairement ce qui sera dénommé après 1875 du nom de tectonique. En Europe, les Recherches sur le mécanisme de la formation des montagnes d'Albert Heim, publié en 1878 semble avoir été le premier traité répondant à un tel projet.

    Remerciements. Gabriel Gohau m'a fait profiter de son expérience et m'a soutenu constamment de ses conseils, et de ses encouragements ; Ken Bork, et, par son intermédiaire, Michele Aldrich, m'ont signalé les ouvrages qui m'ont permis de comprendre la structure des Appalaches ; Anne Durand m'a fait découvrir Louis Pillet, l'abbé Vallet et les autres géologues de l'académie de Chambéry. Qu'ils soient remerciés !