TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Première série -
(1979)

Yves COPPENS
Histoire des expéditions paleontologiques en Afrique orientale
10ème anniversaire de la mort de Camille Arambourg

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 12 décembre 1979)

L'histoire dont je voudrais vous parier est toute récente; elle ne concerne que ce siècle et met en scène beaucoup de personnes vivantes. Et cependant il m'a paru intéressant de l'évoquer devant vous car l'exploration paléontologique internationale de la Rift Valley orientale qui vient seulement de terminer sa première phase de recherche d'une vingtaine d'années représente un phénomène scientifique sans précédents par l'ampleur des forces mises en oeuvre et l'importance consécutive de ses résultats dans l'histoire de la paléontologie humaine depuis l'apparition de cette discipline.

Pour mieux faire ressortir l'étonnant développement de ces recherches à partir de 1959, et pour y situer en même temps l'oeuvre de Louis Leakey et celle de Camille Arambourg, je vous proposerai pour commencer de passer en revue, dans l'ordre chronologique toutes les découvertes d'Hominidés faites en Afrique orientale.

Le tout premier Homme fossile est-africain a été découvert à Olduvai en Tanzanie en 1913 par le géologue allemand Hans Reck, alors membre du service géologique de l'Afrique orientale allemande. On sait aujourd'hui que ce squelette n'est âgé que d'environ 17.000 ans. Puis ce fut le tour du Kenya de s'illustrer dans ce genre de découverte : un amateur, W.J. Bromhead, mit au jour en 1917 sur les berges de la rivière Makalia, dans le bassin du lac Nakuru, près d'une quarantaine de restes humains attribuables à l'Holocène. C'est alors que Louis Leakey, le célèbre préhistorien et paléontologiste anglais puis kényen, apparaît sur la scène de la paléoanthropologie en commençant ses fameuses "East African Archaeological Research Expéditions"; bien que né au Kenya, il était à cette époque étudiant à l'Université de Cambridge; c'est donc de la Grande-Bretagne qu'il monta ces expéditions qui vont lui valoir successivement la découvertes des restes humains holocènes de Gamble's cave II en 1927, 1928 et 1929, la découverte de nouveaux restes humains au site de W.J.Bromhead en 1927, et, en 1932, celles de la mandibule d'âge tant débattu et toujours incertain de Kanam (devenu l'holotype d'Homo kanamensis Leakey en 1935), des restes squelettiques pléistocène moyen de Kanjera et des restes pléistocène supérieur ou holocêne d'Homa. Le non moins célèbre préhistorien français, Henri Breuil, en prospection en Ethiopie, découvre à son tour en 1933, une mandibule humaine dans une grotte près de Dire Dawa. Et la Tanzanie revient à l'honneur en 1935 avec, coup sur coup, la découverte par Mary Nicol (jeune préhistorienne britannique qui allait devenir Mary Leakey l'année suivante) de deux fragments de pariétaux d'un probable Homo erectus dans le Pléistocène moyen du bed IV d'Olduvai et celle, par le paléontologiste allemand Kohl-Larsen, qui conduisait une expédition scientifique au lac Eyasi, de restes crâniens du Pléistocène supérieur sur les rives orientales de ce lac. Des fouilles sont ensuite menées par Mary et Louis Leakey dans une grotte crématoire de la rivière Njoro, près du lac Nakuru (1938), entraînant la récolte de restes de près d'une centaine d'individus datés de quelques milliers d'années. Puis c'est la découverte à Laetoli en 1939, 15 ans après l'Afrique du Sud, des premiers restes d'Australopithèques est-africains, une troisième molaire isolée et deux fragments de maxillaires dont l'un est encore porteur de ses deux prémolaires, par une nouvelle mission allemande conduite à nouveau par L. Kohl-Larsen. Cette découverte, mal comprise (holotype de Meganthropus africanus Weinert 1950) n'aura d'ailleurs pas beaucoup de retentissement. A.J.Poppy, Louis et Mary Leakey déterrent alors, en 1940, d'une plage holocêne du lac Naivasha mise au jour par les travaux du chemin de fer un squelette à'Homo sapiens tout à fait comparable au premier squelette d'Olduvai et aux restes recueillis à Gamble's cave II. Le paléontologiste cingalais Deraniyagala,en voyage au Kenya, recueille, à son tour, en 1948, des restes d'Homo sapiens à Moruarot, sur les bords occidentaux du lac Turkana. Dans cette même région, l'archéologue T.Whitworth, avec une équipe de l'Université de Durham, découvrira en 1959 les restes d'un autre squelette dans une formation lacustre du Pléistocène supérieur près d"un point d'eau appelé Kabua. Et c'est à nouveau à Olduvai, dans le bed II cette fois, la découverte en 1955 par Louis et Mary Leakey de deux dents de lait attribuables à un Australopithèque; mais cette découverte n'aura, pas plus que celle de Kohl-Larsen, tout le retentissement qu'elle mérite. Il faudra attendre 1959 avec la découverte dans le bed I d'une mandibule qui deviendra plus tard un des paratypes d'Homo habilis et surtout d'un crâne d'Australopithèque, holotype de Zinjanthropus boisei, daté au Potassium/Argon deux ans plus tard d'1.750.000 ans, pour voir se déclencher un effort de recherche sans équivalent.
A partir de 1963, en effet, de larges équipes s'abattent sur la Rift Valley orientale qui offre les bassins sédimentaires recherchés et les conditions de gisement d'Olduvai, mettant au jour des Hominidés à Peninj en Tanzanie, N'Gorora, Lukeino, Chemeron, Chesowanja et Kapthurin, dans le bassin du lac Baringo, Kanapoi, Lothagam, Koobi Fora, Ileret dans le bassin du lac Turkana au Kenya, l'Omo, Melka Kunturé, Hadar et Bodo en Ethiopie sans oublier Olduvai dont l'exploitation n'a pratiquement jamais cessé et Laetoli où les travaux ont repris avec grand succès depuis 5 ans.

La première expédition de cette vague extraordinaire fut celle du Muséum of Comparative Zoology de l'Université de Harvard sous le direction de B. Patterson; elle commença ses travaux en 1963 à l'Ouest du lac Turkana, dans le Miocène de la région du golfe de Ferguson et les poursuivit, à partir de 1965, dans les affleurements pliocènes du Sud-Ouest du lac. Le premier site à Hominidés découvert par cette mission fut, en juillet 1965, celui de Kanapoi, entre les rivières Kakurio et Kalabata, toutes les deux affluents de la rivière Kério. Il livra un fragment d'humérus. Pendant ce temps, l'archéologue Lauwrence H. Robbins découvrait un peu plus au Nord, entre les rivières Kério et Lomunyenkupurat, le très beau gisement fossilifère de Lothagam, dominant de 200 mètres la plaine du Sud Turkana; l'expédition de Harvard allait l'étudier à partir de 1967, mettant au jour une demi-mandibule d'Hominidé dès la première campagne. L'expédition de Harvard ayant arrêté ses travaux en 1968, un de ses membres, V. Maglio, monta, en 1972, une mission complémentaire sous les couleurs de l'Université de Princeton où il se trouvait alors, et recueillit quelques nouveaux fragments, crâniens cette fois, du même Hominidé ou d'un autre.

L'expédition du lac Natron, montée à l'initiative de Louis Leakey et sous la direction de Richard Leakey et de Glynn Isaac, suivit de près les premiers travaux de l'expédition de l'Université de Harvard au Lac Turkana. Déjà partiellement exploré géologiquement, le bassin du lac Natron avait, dès 1959, attiré par ses importants affleurements lacustres, l'attention de Mary Leakey; Louis, Mary et Richard Leakey y organisèrent en 1963 une reconnaissance aérienne qui ne fit que confirmer l'étendue et la puissance des formations sédimentaires et par suite l'intérêt potentiel qu'elles présentaient. Une campagne fut alors décidée et menée à bien en janvier 1964; elle aboutit, entre autres choses, à la mise au jour d'une mandibule d'Hominidé en excellent état de conservation.

La troisième "grande opération" fut celle de Jean Chavaillon à Melka Kunturé, près d'Addis Abeba. Ce gisement, découvert en 1963 par un hydrologue de l'ONU passionné de préhistoire, le Dr.Gérard Dekker, fut d'abord prospecté par Gérard Bailloud qui y récolta, en une campagne de trois mois (novembre 1963 - janvier 1964), 5.000 pièces préhistoriques; Gérard Baillou, après avoir donné de cette récolte une description dans le cahier n°1 de l'Institut éthiopien d'Archéologie (1965), passa dès 1965 la main à Jean Chavaillon qui entreprit de mettre sur pied une importante mission franco-éthiopienne. Cette mission, qui compte aujourd'hui 15 campagnes, a fait, comme on peut l'imaginer, un travail considérable de géologie et de préhistoire, travail qui se poursuit d'ailleurs sans relâche. Quatre localités ont pour le moment livré des restes d'Hominidés associés à de la faune et à des industries préhistoriques.

Ce fut ensuite le tour de l'East African Geological Research Unit (E.A.G.R.U.), créée en 1966 par le Professeur B.C.King du Bedford Collège de l'Université de Londres pour étudier le bassin du lac Baringo; d'abord cartographique, cette expédition, avait pris le relai du Kenya Geological Survey qui y travaillait depuis 1960; elle s'illustra alors par les travaux de J.E.Martyn, G.R.Chapman, M.P.Mac Clenagham, J.J. Lippard, P.K.Webb, J.Carney, J.S.C.Sceal etc.. Puis une partie de l'expédition, prise en main par W.W.Bishop et son élève, M.H.L.Pickford, se consacra plus spécialement aux Vertébrés fossiles et découvrit, parmi eux, des Hominidés à N'Gorora, Lukeino, Chemeron, Chesowanja, Kapthurin. Après une interruption de quelques années, durant lesquelles survint la mort de W.W.Bishop, les recherches paléontologiques viennent de reprendre sous l'impulsion de M.H.L.Pickford.

Puis vint en 1966 et 1967 l'Expédition internationale de l'Omo ou International Omo Research Expédition. Les gisements de Vertébrés fossiles de la basse vallée de l'Omo étaient, en fait, connus depuis le début du siècle; le Dr. Brumpt, naturaliste d'une expédition française d'exploration conduite par le Vicomte Robert du Bour de Bozas, y avait fait dès 1902 une importante récolte qui avait déjà donné lieu à un certain nombre de publications. A la suite de ces travaux, une seconde expédition française, cette fois purement scientifique, était repartie pour ces confins du Kenya, du Soudan et de l'Ethiopie, sous la direction de Camille Arambourg. En une campagne de 8 mois, cette seconde expédition, leva la carte géologique de l'Ouest du lac Turkana et de la basse vallée de l'Omo et recueillit plus de 4 tonnes d'ossements fossiles dans les gisements de la rive occidentale de cette basse vallée. Trois volumineux ouvrages, publiés par le Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris en 1935, 1943 et 1948, rendirent compte de ses résultats. Les choses en étaient là lorsque l'Empereur d'Ethiopie, Haïlé Sélassié 1er, fit en 1965 au Kenya une visite officielle. Durant cette visite, l'Empereur rencontra Louis Leakey qui lui fit part de ses travaux d'Olduvai et des diverses recherches en cours au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie; très frappé par la découverte d'Hominidés tailleurs d'outils d'1.750.000 ans dans ces pays voisins du sien, l'Empereur demanda comment il se faisait que l'Ethiopie n'ait pas elle-même déjà contribué à cette recherche des origines de l'Homme. Saisissant la balle au bond, Louis Leakey répondit qu'il ne serait pas impossible que les gisements de l'Omo, dans le Sud de l'Ethiopie, puissent effectivement contenir des restes d'Hominidés fossiles. L'Empereur émit alors le souhait de voir se constituer une expédition internationale pour reprendre l'étude de ces gisements et tenter de mettre au jour ces Hominidés espérés. Louis Leakey fit d'abord appel a C.Arambourg puis à F.Clark Howell et tous les trois fondèrent l'Expédition Internationale de l'Omo. Louis Leakey demanda à son fils Richard de prendre la direction de l'équipe kényenne sur le terrain; Camille Arambourg me demanda la même chose pour l'équipe française. Une reconnaissance géologique conduite par F.Brown précéda, en 1966, l'arrivée de l'expédition proprement dite qui commença ses travaux en juin 1967. L'équipe kényenne quitta l'expédition dès 1968 pour travailler au Kenya, sur la rive occidentale du lac Turkana; l'équipe française sous la direction de Camille Arambourg jusqu'à sa mort en 1969, puis sous le mienne et l'équipe américaine sous la direction de F.Clark Howell, poursuivirent pendant 10 ans leurs recherches sur le terrain au cours d'un total de 9 campagnes 1967, 1968, 1969, 1970, 1971, 1972, 1973, 1974 et 1976. L'Expédition internationale de l'Omo a recueilli plusieurs dizaines de tonnes de Vertébrés fossiles, plusieurs centaines de restes d'Hominidés, des milliers d'outils de pierre et d'os grâce à une séquence sédimentaire exceptionnelle puisqu'elle dépasse 1.000 mètres d'épaisseur, particulièrement fossilifère, exceptionnellement exposée et exceptionnellement bien calibrée par les mesures radiométriques, paléomagnétiques et les corrélations biostratigraphiques. Cette expédition a fait des gisements de l'Omo le site est-africain de référence pour la fin du Pliocène et le Pléistocène; on y trouve la plus belle séquence d'Hominidés (2 genres et 6 espèces) de tous les gisements du monde, la plus ancienne industrie de pierre taillée (3.000.000 d'années), la séquence paléontologique animale et végétale la plus complète et la plus continue pour les périodes représentées et par suite la reconstitution la plus satisfaisante de l'évolution paléoclimatique qui a présidé à la transformation de l'Australopithèque en Homme.

L'expédition de l'Est du lac Turkana, qui s'est appelée successivement "East Rudolf Expedition" puis "Koobi Fora Research Project", s'est constituée en 1968 sous la direction de Richard Leakey. Le survol des vastes étendues sédimentaires de l'Est du lac Turkana puis la démonstration de la richesse fossilifère de ces affleurements par une tournée en hélicoptère, avaient convaincu Richard Leakey, tandis qu'il dirigeait sur le terrain une des trois équipes de l'Expédition de l'Omo, de l'intérêt exceptionnel de cette région. Bien lui a pris d'y orienter les travaux de son équipe puisqu'en 12 ans les gisements de Kubi Algi, Koobi Fora et Ileret ont certainement été de tous les grands sites est-africains, ceux qui ont fourni, entre autres choses, le plus beau matériel paléoanthropologique, plus de 200 pièces dont une bonne douzaine de crânes. Richard Leakey n'avait jamais eu aucune information sur ces gisements avant de les repérer du ciel et de les prospecter en hélicoptère en 1967 et en voiture et à pied en 1968 et ce n'est qu'après coup, voulant écrire l'histoire de l'exploration de cette zone, qu'il découvrit dans la correspondance de son père, une lettre du District Commissioner de Marsabit, datée des années 1940, signalant des Vertébrés fossiles dans un secteur qu'il appelait Kubi Fur et qui devait être Koobi Fora.

L'Expédition Internationale de l'Afar ou International Afar Research Expédition constitue l'opération suivante. Maurice Taieb étudiait alors, pour sa thèse, l'ensemble du bassin hydrographique du fleuve Awash; ayant commencé en 1966 par la source et la haute vallée, il travailla d'abord à Melka Kunturé avec Jean Chavaillon puis il descendit le cours du fleuve et c'est à partir de 1969 qu'il découvrit les premiers Vertébrés fossiles de la moyenne vallée, à Ledi d'abord, à Gawani ensuite. Consulté, je les déterminai comme caractéristiques du Plio-Pléistocène et attirai l'attention de Maurice Taieb sur l'intérêt qu'il y aurait à monter une équipe pour aller au moins prospecter les gisements. Maurice Taieb et moi, pour la France, Donald Johanson et Jon Kalb pour les Etats-Unis, fondâmes en 1972 cette équipe sous le nom d'International Afar Research Expédition; l'IARE mena sur le terrain 5 campagnes extrêmement fructueuses en 1972, 1973, 1974, 1975, 1976-77 qui aboutirent à la découverte, dans la région d'Hadar, de très nombreux restes d'Hominidés, dont un squelette de 3.000.000 d'années à 40% complet baptisé "Lucy".

Jon Kalb se sépara de l'IARE en 1974 et fonda une nouvelle expédition qu'il baptisa la Rift Valley Research Mission in Ethiopia (RVRME); elle travailla au Sud de l'IARE dans des séries sédimentaires, en partie, plus anciennes que celle d'Hadar, en partie plus récentes; c'est dans ces derniers dépôts qu'elle recueillit en 1976 un crâne d'Hominidé appelé l'Homme de Bodo.

Des missions, moins importantes en moyens et en personnel, travaillèrent entre temps dans de nombreux gisements de ces trois pays; citons la mission de reconnaissance de R.M.Gramly en 1970 à Lukenya Hill, dans le distric de Machakos au Kenya et sa découverte d'un crâne humain; la mission du département des Antiquités de Tanzanie au lac Ndutu en 1973 et sa découverte d'un crâne humain également; les fouilles de l'Université de Michigan, à Loboi sur les bords du lac Hannington au Kenya en 1974 et la mise au jour de 9 sépultures; la découverte de 5 autres sépultures par J.Desmond Clark, la même année, au bord du lac Besaka en Ethiopie. Et puis les travaux de D.Pilbeam à Kanarn et à Kanjera, de R.Savage dans le Sud-Est du lac Turkana, d'E.Aguirre et P.Leakey puis de Richard Leakey dans le bassin du lac Baringo etc.. mais ces derniers sans récoltes d'Hominidés.

Nous avons dit que cette extraordinaire floraison d'expéditions était née à la suite des découvertes d'Australopithèques en 1939 à Laetoli et en 1955 à Olduvai, mais surtout de celle du crâne d'Australopithecus boisei en 1959 à Olduvai. Ce crâne constitue véritablement à lui seul l'amorce d'une ère nouvelle dans les recherches en paléoanthropologie. L'effort en moyens et en personnel qui en résulta permit en effet d'atteindre une ampleur de travaux et un style d'études que l'on n'avait jamais connus auparavant. Et en ce sens les recherches à Olduvai à partir de 1960 et celles reprises à Laetoli à partir de 1974 appartiennent à ce nouveau style .

Rappelons que les premiers Vertébrés fossiles des gorges d'Olduvai ont été recueillis en 1911 par le Professeur allemand Kattwinkel tandis qu'il chassait les papillons. Rapportés à Berlin, ils suscitèrent un tel intérêt qu'une première expédition se constitua sous la direction du géologue Hans Reck pour prospecter et fouiller ces gisements paléontogiques; l'expédition travailla trois mois en 1913 et publia ses résultats à partir de l'année suivante; au milieu de ce bilan, figurait la découverte du premier squelette humain d'Olduvai, considéré alors comme pléistocène moyen , et qui s'est avéré depuis être pléistocène supérieur, enterré dans du pléistocène moyen. La guerre de 1914 interrompit les recherches; elles furent reprises en 1931 et 1932 par Louis Leakey; Hans Reck était alors membre de l'expédition. Puis une nouvelle expédition, découvrit en 1935 comme nous l'avons déjà dit, d'importants restes d'Homo erectus. Les Leakey continuèrent de rendre à la Gorge un certain nombre de visites de 1935 à 1959; mais il fallut attendre la découverte du crâne d'Australopithecus boisei en juillet 1959 pour voir se monter à nouveau de véritables expéditions; les crédits affluèrent, les équipes s'étoffèrent, les programmes de travail se développèrent et s'allongèrent au point d'occuper parfois des années entières et les résultats furent en harmonie avec l'effort fourni; la géologie, traitée par Pickering en 1956 et 1957 pour l'établissement de la carte, fut reprise en grand détail par R.Hay à partir de 1962. La préhistoire qui bénéficia des informations de multiples chantiers de fouilles ouverts dans tous les niveaux, fut menée à bien et l'est encore par Mary Leakey. La Paléontologie animale et végétale, abordée par une légion de spécialistes, est toujours en cours de publication, en morceaux, dans diverses revues à travers le monde. Quant à la paléoanthropologie, enrichie de fossiles nouveaux chaque année, elle est traitée par P.V.Tobias.

On a vu comment L. Kohl-Larsen recueillit a Laetoli en 1939, sans le reconnaître, le premier reste d'Australopithèque d'Afrique de l'Est; plusieurs collections de fossiles y avaient, en fait, été réalisées avant cette expédition allemande, notamment par Louis Leakey dès 1935. Les Leakey y firent d'autres récoltes en 1959 puis en 1964 mais c'est en 1974, à la suite d'une nouvelle reconnaissance fructueuse, que Mary Leakey reprit l'étude de ce gisement; 5 campagnes lui ont déjà permis la découverte d'une très belle série de fossiles d'Hominidés et la mise au jour tout à fait extraordinaire de dalles couvertes de traces de pas d'animaux variés et parmi eux de pas d'Australopithèques de plus de 3 millions et demi d'années.

L'histoire des 10 derniers millions d'années dans cette partie du monde se confond avec l'histoire de l'Homme; cette échelle de temps, étudiée sur un territoire qui dépasse 2.000.000 de km2, permet en outre de voir se dessiner, pour la première fois, après 20 ans de recherche particulièrement intensive, sans précédents en tout cas, comme nous l'avons déjà dit, dans l'histoire de la paléontologie, les grandes lignes de l'évolution des Hominidés et les principaux événements climatiques qui ont présidé à cette évolution; on voit vivre les derniers Hominidés qui ne sont pas encore des Hommes, apparaître les premiers Hommes et naître la Préhistoire.

Dans une seconde partie, j'aimerais vous parler des deux, grandes figures qui ont dominé pendant 1/2 siècle cette paléoanthropologie est-africaine: Camille Arambourg et Louis Leakey. Mous venons de voir apparaître le premier à l'Omo en Ethiopie en 1932 puis en 1967 et le second à Gamble's cave, sur les bords de la rivière Makalia, à Kanarn, à Kanjera au Kenya, mais surtout à Olduvai en Tanzanie pratiquement sans interruption depuis 1927. Or Camille Arambourg et Louis Leakey se sont éteints respectivement en 1969 et 1972, à 3 ans d'écart, laissant d'un coup la génération qu'ils avaient formée prendre les rênes dont ils ne s'étaient jusqu'à leur mort jamais complètement défaits.

Camille ARAMBOURG (1885-1969)

Camille Arambourg est né à Paris en février 1885; il est mort a Paris en novembre 1969. Il avait 84 ans, presque 85.

C'est à Paris qu'il fit ses études secondaires, puis ses études supérieures; nommé Professeur de Géologie à l'Institut National Agronomique de 1930 à 1936 puis Professeur au Muséum National d'Histoire Naturelle de 1936 à 1956, c'est donc à Paris qu'il passe les 40 dernières années de sa vie.

Mais Camille Arambourg avait une seconde patrie, l'Afrique du Nord. Il avait quelques mois lorsque ses parents l'emmenèrent en Algérie pour la première fois et c'est dans les vignobles de son Père, dans l'Oranais, qu'il fit ses premières armes d'Ingénieur agronome. Il enseignera encore 10 ans la Géologie à l'Institut agricole d'Alger avant de se fixer à Paris en 1930, fixation d'ailleurs relative car il n'y eut guère d'années qui ne le virent effectuer deux ou trois voyages en Tunisie, en Algérie ou au Maroc.

S'appuyant sur le fait que le continent africain est l'un des plus anciens centres de consolidation de l'écorce terrestre, une de ces vieilles plateformes émergées depuis la fin de l'époque primaire où, depuis 300.000.000 d'années donc, la vie continentale a pu se développer dans des conditions de continuité exceptionnelle, il considérait ce continent comme un lieu privilégié d'évolution et de dispersion des espèces. Ceci fit que la très grande partie de son activité scientifique s'y exerçât. Je serais d'ailleurs tenté de penser que des raisons affectives s'ajoutaient volontiers aux rationnelles.

Lorsqu'on parcoure les 231 titres de son oeuvre scientifique, c'est en effet l'Afrique qui occupe, de très loin, le premier plan puisqu'elle fait l'objet de plus de 150 de ses travaux et qu'elle est largement présente dans une cinquantaine d'autres; en tout premier lieu l'Afrique du Nord qui représente à elle seule, 108 ouvrages et articles dont les grands thèmes ont été les Poissons du Sahélien d'Oran, les Poissons et les Reptiles du Crétacé et de l'Eocène des Phosphates du Maroc, les Mammifères du Miocène d'Algérie, les Vertébrés du Villafranchien du Constantinois et de Tunisie, du Pléistocène moyen de Ternifine et du Pléistocène supérieur des grottes du littoral algérien. En second lieu, l'Afrique orientale puisque 27 travaux s'y rapportent; ils concernent les deux grandes expéditions de l'Omo en Ethiopie que Camille Ararnbourg conduisit en 1932-33 puis en 1967-69, des recherches géologiques et paléontologiques menées au Kenya lors de l'expédition de 1932 et plusieurs voyages en Tanzanie.

Toute son.oeuvre découle de ces grands centres d'intérêt des deux grandes provinces africaines que sont le Maghreb et l'Afrique orientale.

L'étude des Poissons du Sahélien d'Oran l'a en effet conduit à revoir les Poissons de Licata en Sicile, à étudier ceux de Lorca et de Columbares en Espagne et à tenter des esquisses générailes de la faune ichthyologique de la Méditerranée au Miocène; l'étude des Poissons et des Reptiles des Phosphates du Maroc l'a normalement amené à s'intéresser aux Vertébrés fossiles des Phosphates d'Algérie, de Tunisie et de Jordanie et puis aux Poissons crétacé du Djebel Tselfat, à ceux des bassins du Gabon et du Niger, aux Poissons oligocènes de Perse qu'il alla d'ailleurs récolter lui-même; il s'en suivit quelques tableaux de synthèse de la faune mésogéenne et paléoméditerranéenne. Enfin son intérêt consécutif pour les Poissons en général est à l'origine de notes ça et là, sur des genres, des familles, des collections : les Clupéidés, les Ganopristinés, les Scopélidés, les Coelacanthes, les Squales, le genre Clupavus, les Poissons du Lias du Gard, ceux de l'Yonne, une nouvelle espèce des côtes occidentales de l'Afrique etc..

L'étude des Mammifères du Tertiaire et du Quaternaire du Nord et de l'Est de l'Afrique l'a amené à s'intéresser de même à des récoltes de Vertébrés du Tertiaire du Mali, du Quaternaire du Tibesti, d'Angola, du Niger, d'Egypte et à effectuer lui-même des reconnaissances au Sahara et en Lybie. L'étude de Vertébrés du Pliocène du Roussillon, du Quaternaire de Fontéchevade et du Plio-Quaternaire d'Annam ont été ses seuls pas hors d'Afrique. Toutes ces analyses lui permirent d'établir des hypothèses sur l'évolution d'un certain nombre de groupes et de familles d'Ongulés comme les Proboscidiens, les Hippopotamidés, les Suidés, les Giraffidés, les Equidés, les Rhinocerotides, les Ursidés, les Ruminants etc..

Ces nombreux travaux sur les Mammifères l'ont, bien sûr, naturellement conduit à traiter du groupe des Hominidés auquel il a consacré 72 publications; les Australopithèques que nous découvrîmes ensemble en Ethiopie, les industries de galets aménagés qu'il reconnut dans le Constantinois, les Pithécanthropes qu'il mit au jour avec R.Hoffstetter à Ternifine et qu'il appela Atlanthropes, les Néandertaliens du Djebel Irhoud que lui offrit E.Ennouchi, les hommes fossiles du Paléolithique supérieur qu'il récolta dans les grottes d'Afalou-bou-Rhummel et des Beni-Segoual le firent se pencher sur les problèmes d'origine et d'évolution de l'Homme; il se fit, peu à peu, à travers ces documents de première main et de premier plan, une idée de plus en plus précise de l'évolution humaine, idée qu'il a exposée dans plusieurs articles généraux et dans un petit ouvrage "La genèse de l'humanité", paru dans la collection "Que sais-je?" des Presses Universitaires de France et qui a eu un tel succès que l'année de sa mort, en 1969, Camille Arambourg en publiait une 8ème édition, 27 ans après l'édition originale, traduite en portugais, en japonais, en hollandais.

Camille Arambourg était un homme de terrain; "j'ai consacré à la recherche sur le terrain une grande partie de mon activité", écrit-il, "j'ai en effet toujours pensé qu'il y avait pour un Paléontologiste le plus grand intérêt à effectuer lui-même la récolte... ". C'était aussi un naturaliste dans le plein sens du terme : c'est à travers la nature d'aujourd'hui qu'il voulait appréhender la nature passée : "les fossiles sont des vestiges d'êtres qui ont vécu et c'est en tant qu'êtres vivants qu'ils doivent être considérés", écrit-il encore, " il n'y a pas deux Zoologies ni deux Biologies et il ne saurait y avoir deux méthodes". Et ceci le faisait se moquer de certains de ses collègues, "philatélistes", disait-il , qui classaient les fossiles comme des timbres-poste.

Sans négliger pour autant l'aspect systématique de la classification paléontologique, il abordait l'étude des groupes animaux dans une perspective dynamique, évolutive. Ses conclusions à cet égard, étaient influencées par l'oeuvre de Lamarck; il considérait l'action du milieu sur les êtres vivants comme extrêmement importante, en transpesant l'idée de réaction morphologique de Lamarck au niveau cytochimique.

Il constatait évidemment la direction constante des phénomènes évolutifs vers des formes plus complexes et mieux adaptées,ce qu'il appelait "l'orthogenèse générale du monde vivant",mais il constatait aussi la manière irrégulière et discontinue dont procédait ce phénomène; il l'expliquait par l'interaction d'événements géologiques et de réactions biologique "...aux grands paroxysmes géodynamiques de l'histoire terrestre correspondent de brusques déséquilibres biologiques dont les réajustements sont l'origine de types organiques nouveaux". Il allait d'ailleurs appliquer, de façon sans doute un peu trop dogmatique, ces idées à l'interprétation de l'évolution humaine; elle se fait, selon lui, en escalier, par "quanta successifs";à chaque stade correspond un type morphologique et un type d'industrie préhistorique; ces stades sont au nombre de 4 : le stade Australopithèque, le stade Pithécanthrope, le stade Néandertal et le stade Homo sapiens.

Outre cette remarquable ampleur de vues associée à une non moins étonnante clarté de pensée, l'enthousiasme de Camille Arambourg pour la recherche paléontologique, par sa force et sa permanence prodigieuses, mérite une mention très spéciale. Trois anecdotes vont permettre de le démontrer sans peine.

Sa passion pour les Sciences de la Nature était très ancienne puisque, dès le lycée, ses camarades de "maths" et de "philo" l'appelait "l'homme fossile"; son choix définitif des Sciences paléontologiques s'attache d'ailleurs à des circonstances bien particulières qu'il aimait à raconter; on peut dire que sa carrière commence par une histoire. Quand, en 1909, Arambourg, jeune ingénieur agronome de 23 ans, alla en effet rejoindre les vignobles familiaux de la région d'Oran, son père lui demanda d'étudier les possibilités d'une meilleure irrigation de ses cultures, ce qu'il fit; mais cette recherche hydrogéologique le conduisit à recueillir, dans les marnes et les tripolis d'un étage du Miocène, le Sahélien, les restes de très nombreuses espèces de Poissons fossiles; cette récolte va faire naître chez lui une véritable passion pour la Paléontologie. Il ne restera qu'à peine 6 ans agriculteur et lorsqu'il rentrera de la guerre en 1920, ce sera en qualité de Professeur de Géologie de l'Institut agricole d'Alger. Il pourra alors non seulement poursuivre ses récoltes mais les étudier dans les laboratoires algérois et au laboratoire de Paléontologie du Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris où il se rendait plusieurs mois chaque année; en 1927, un Mémoire de 295 pages, 48 figures et 46 planches, intitulé "Les Poissons fossiles d'Oran allait faire connaître les résultats de ces 20 années de patientes collections et d'études comparatives, commencées par hasard en cherchant de l'eau pour les vignes paternelles.

Deux autres très belles histoires illustrent si bien l'esprit de recherche qui animait sans cesse Camille Arambourg que je ne peux résister au désir de les raconter.

Mobilisé à Oran le 2 août 1914, comme Lieutenant au 3ème Régiment de Zouaves, il fut envoyé, l'année suivante, aux Dardanelles, à la tête d'une Compagnie du 2ème régiment de marche d'Afrique; il y reçut le commandement de la 1ère Compagnie de mitrailleuse du même régiment et c'est à sa tête qu'il participa à toutes les opérations de Serbie et de Macédoine; opérations qui lui permirent d'ailleurs d'effectuer de nombreux relevés géologiques. A la fin de 1915, l'Armée d'Orient, à laquelle il appartenait,se replia et s'établit sur une chaine de collines à 30 kilomètres au Nord de Salonique; à peine installé, le Lieutenant Arambourg y découvrit un remarquable gisement de Vertébrés pontiens qu'il passera l'hiver 1915-1916 à fouiller avec toute sa Compagnie. Entreposés à Salonique, les matériaux paléontologiques ainsi recueillis furent transportés en Algérie, à la fin de la guerre, sur un bâtiment de la Marine Nationale; ils font aujourd'hui partie des collections du Muséum de Paris. Camille Arambourg rapporta ainsi de ses campagnes d'Orient un très beau travail de 80 pages publié en collaboration avec J.Piveteau sur les Vertébrés du Pontien de Salonique et la carte géologique au 1/50.000ème de Guevgueli dans la vallée du Vardar.

L'autre histoire est plus récente puisqu'elle débute pendant l'hiver 1947-1948; Camille Arambourg fait alors au Sahara une mission de prospection paleontologique. Il se déplace de poste en poste â l'aide d'un de ces petits avions que tous les chercheurs de ce continent connaissent bien. Cet avion se pose sur une piste de fortune d'une des étapes prévues du périple. Il fait très chaud. Comme la voiture du poste n'est pas arrivée au terrain, Arambourg et le pilote se mettent à l'ombre d'une aile en attendant qu'on vienne les chercher. Mais la chaleur est telle qu'un des pneus de l'avion éclate, celui du côté où se trouvaient les deux hommes; l'avion s'incline légèrement, suffisamment pour que l'aile vienne s'appuyer sur la tête d'Arambourg, le plus grand des deux. Et l'histoire s'arrêterait là si, en rentrant à Paris, Arambourg n'avait continué à souffrir de la tête et du cou. Il se rend donc chez un médecin qui lui prend un cliché radiographique de cette région; et ce cliché révèle à Arambourg que ses vertèbres cervicales ont très précisément la configuration de celles des néandertaliens, morphologie sur laquelle Marcellin Boule, Professeur de Paléontologie du Muséum, prédécesseur d'Arambourg, s'était basé, entre autres arguments, pour démontrer le port voûté ,incomplètement redressé, de ces Hommes fossiles ! C'est un caractère simien, disait-il, qui place la tête en porte à faux ! Après avoir recherché cette disposition chez d'autres hommes contemporains et après avoir soigneusement étudié les autres arguments avancés par Marcellin Boule pour étayer son argumentation, Arambourg en fit l'objet d'une brillante communication à l'Académie des Sciences en 1955.

Qu'il me soit permis d'ajouter une note personnelle sur l'Homme qu'était Camille Arambourg. Très chaleureux, très courtois, très modeste, doué d'une grande puissance de travail associée à une grande énergie, la retraite n'avait été pour lui qu'une date administrative, et les riverains du jardin des Plantes et des ruelles du 5ème arrondissement gardent certainement encore le souvenir de sa silhouette, bien droite, se rendant, à pied, de son domicile, rue Lagarde, au Muséum. Il avait travaillé tout le mois de juillet 1969 sur les chantiers difficiles et chauds de la basse vallée de l'Omo; il avait participé, à la fin du mois d'août, aux travaux de l'INQUA réuni à Paris; j'avais mis sur pied avec lui le programme de recherches de la campagne 1970 de l'équipe française de la mission internationale de l'Omo, dans son bureau, au Muséum, un samedi après-midi de novembre; Camille Arambourg est mort le mercredi suivant.

Louis Seymour Bazett LEAKEY (1903-1972)

L.S.B.Leakey, le plus connu des paléontologistes, est mort à Londres, d'une crise cardiaque, le 1er octobre 1972.

Né à Kebete, près de Nairobi, en août 1903, de parents missionnaires, Louis Leakey passa pratiquement toute son existence en Afrique orientale; profondément attaché aux immenses étendues de ces pays, à ce que les anglais d'Afrique appellent les "M.M.B.A." ("miles and miles of bloody Africa"), il aimait à dire que sa langue maternelle était le kikuyu !

A 13 ans, il était en effet membre du groupe d'âge de cette tribu nommée Mukanda; à 26 ans, appelé à siéger dans une commission devant statuer sur l'appartenance des terres, il reçut le surnom de Wakaruigi, le fils de l'épervier. Aussi, bien qu'anglais d'origine, prit-il, dès l'indépendance du Kenya, en 1964, la nationalité kényenne.

Il lui fallut tout de même se rendre en Angleterre pour ses études, ce qu'il fit à partir de 1919, au Weymouth Collège de Londres d'abord puis au St John's Collège de Cambridge; mais même pendant cette période, il trouva, moyen de retourner en Afrique orientale une année entière (1924); il participa alors à une expédition paléontologique de recherche de Dinosaures à Tendaguru en Tanzanie. Revenu à Cambridge, il obtint en 1925 le diplôme de première partie de ses études supérieures; il avait choisi l'option "langues modernes" et comme langues, le français et le kikuyu ! En 1926, c'est autour du diplôme de seconde partie, consacré cette fois à l'anthropologie et à l'archéologie. Enfin, après ses deux premières expéditions archéologiques en Afrique orientale, c'est à Cambridge qu'il reçoit en 1930 son doctorat (Ph.D).

Mais sa naissance et son attachement pour l'Afrique orientale ont retenu la quasi totalité de son activité "créatrice".

Dans ses travaux, le cadre naturel et humain de sa vie, le Kenya et les Kényens, constitue en effet une solide toile de fond patiemment et vigoureusement tissée, impossible à dissocier de l'oeuvre scientifique.

Dès 1969, Louis Leakey siégeait au gouvernement du Kenya, à la commission sur les problèmes de concessions des terres aux Kikuyus; il avait 26 ans. De 1937 à 1939, il écrit pour la Fondation Rhodes un rapport d'un millier de pages sur les coutumes de cette tribu; c'est ce rapport qui a fait l'objet de 3 volumes publiés par Mary Leakey. Les années de guerre d'abord puis les troubles de 1951 que déclencha le mouvement Mau Mau et l'état d'urgence de près de 9 années qui en résulta, vont l'entraîner à jouer un rôle discret (de renseignement) mais de premier plan dans les relations entre le gouvernement britannique et la Colonie mutante; relations qui aboutiront à la reconnaissance des droits du Kenya à l'autonomie en 1961, à l'application d'une nouvelle constitution en 1962, aux élections de mai 1963 et à la proclamation de l'indépendance, le fameux Uhuru, le 12 décembre 1963.

Mais l'essentiel de l'oeuvre de Louis Leakey est évidemment son oeuvre scientifique, oeuvre monumentale relative aux sciences intimement liées que sont la Préhistoire, la Paléontologie animale, la Paléontologie humaine et la Géologie du Quaternaire. Sa carrière, c'est un demi-siècle de recherches jalonné de fossiles célèbres qui se nomment : Homo kanamensis, Proconsul africanus, Proconsul nyanzas, Proconsul major, Zinjanthropus boisei, Homo habilis, Kenyapithecus wickeri, Kenyapithecus afvicanus.

En Géologie, on lui doit la consolidation de l'intéressante échelle paléoclimatique pléistocène des pluviaux et interpluviaux, basée sur les terrasses des lacs de la Rift Valley et mise en corrélation avec les industries préhistoriques, échelle établie en Ouganda par Wayland. En Préhistoire, ses travaux sont considérables : des hypothétiques cailloux utilisés de Fort Ternan au Kenya datés de 14.000,000 d'années et des industries de galets aménagés d'Olduvai, appelées pour cela oldowayennes et datées de 2.000.000 d'années, aux poteries de Kawirondo au Kenya ou aux ruines d'Engaruka en Tanzanie, en passant par l'Acheuléen d'Olduvai et d'Olorgesailie, les industries du paléolithique moyen et supérieur, les peintures rupestres et le néolithique.

L'étude des restes fossiles recueillis avec les industries lithiques ne lui a pas échappé non plus et Louis Leakey ne s'est pas contenté d'établir des déterminations préliminaires pour en tirer des listes de faunes; bien que cette partie de son oeuvre ne soit pas la plus importante, il a publié des monographies consacrées aux Suidae, aux Bovidae, et quelques travaux relatifs aux Chalicothères, aux Giraffidés et même aux insectes miocènes du Kenya et aux Dinosaures de Tanzanie.

La partie capitale de son oeuvre concerne évidemment la paléoprimatologie et la paléoanthropologie; Louis Leakey est l'un des inventeurs de Limnopithecus macinnesi, Proconsul africanus, Proconsul nyanzae et Proconsul major du Miocène du Kenya (Rusinga, Songhor, Koru), enracinement africain profond du groupe des Pongidés, qu'il a fait connaître en collaboration avec le grand anatomiste anglais W.E.Le Gros Clark en 1951 dans un mémoire fondamental "The Miocène Hominoidea of East Africa" de la revue "Fossil Mammals of Africa", revue que, d'ailleurs, il fonda.

Louis Leakey est l'inventeur de Kenyapithecus africanus (Rusinga, Songhor, Maboko) et de Kenyapithecus wickeri (Fort Ternan) du Miocène du Kenya, Pongidés pour certains, Hominidés pour d'autres, et, dans ce cas, ancêtres possibles d'Australopithecus. C'est Kenyapithecus wickeri que Louis Leakey disait associé à des cailloux aux tranchants naturels utilisés et à des ossements d'animaux artificiellement brisés : un Hominidé de 14 millions d'années, utilisateur d'outils !

Louis Leakey est l'inventeur de l'Australopithèque Zinjanthropus boisei du Pléistocène ancien (1.800.000 ans) de Tanzanie (Olduvai de la plus ancienne espèce du genre Homo (appelé Homo habilis par P.V.Tobias, J.Napier et lui-même) des mêmes niveaux, artisan des galets aménagés oldowayens et auteur des premières structures d'habitations,et d'un certain nombre de documents rapportables au Pithécanthrope, Homo erectus, de niveaux supérieurs de Tanzanie et du Kenya (Olduvai et Kanam). Il est encore l'inventeur du crâne pléistocène moyen de Kanjera qu'il considéra comme celui d'un Homo sapiens (mais ceci demeure encore très controversé).

Leakey était un défricheur. Il n'y a certes pas deux catégories de Paléontologistes, ceux qui collectent et ceux qui analysent, mais il est facile de comprendre que l'Homme de terrain ne peut trouver tout le temps dont dispose l'Homme de laboratoire si bien que, même s'il s'efforce d'être les deux, le Paléontologiste se classe plus volontiers dans l'une ou l'autre de ces deux tendances, d'ailleurs complémentaires. Leakey était de la première, pionnier, aventurier de la Science. Ce caractère joint à sa surprenante activité et à son extraordinaire ténacité font qu'il nous laisse une masse considérable de documents.

Dans cette recherche, non seulement son apport direct a été considérable, mais son influence l'a décuplé. L'intérêt de ces découvertes mais aussi la manière "bruyante" et brillante dont il les fit connaître, son enthousiasme contagieux lié à son ascendant incontestable, ont fait que le Musée de Nairobi dont il a été conservateur 21 ans et puis le Centre de Préhistoire et de Paléontologie, qu'il fonda en 1962, sont devenus les institutions de loin les plus importantes de tout le continent africain pour ces disciplines, institutions dont le rayonnement international est devenu considérable; il fonda en outre dès 1947 les Congrès panafricains de Préhistoire et d'Etudes du Quaternaire qui se sont réunis 8 fois depuis, la dernière fois à Nairobi en 1977, revenant après 30 ans à leur point de départ.

La grande aventure paléontologique est-africaine sans précédents, que constituent les 10 missions internationales installées deuis 15 ans sur 2.000 kilomètres de Rift Valley, de la plaine de Serengeti à la Mer Rouge, à travers la Tanzanie, le Kenya et l'Ethiopie et qui vient de renouveler le style de cette recherche tandis qu'elle repoussait l'origine de la préhistoire et celle de l'Homme au-delà de 3.000.000 d'années, cette grande aventure n'aurait pas eu lieu sans le rayonnement, les encouragements et la personnalité de Louis LEAKEY. La mise sur pied de longues missions d'études éthologiques des Primates qui ont conduit aux révélations des travaux de Jane Goodall sur les Chimpanzés, de Diane Fosey sur les Gorilles et de Birute Galdikas Brindamour sur les Orangs Outans est aussi une de ses initiatives. De même que la fondation du Centre de Primatologie de Tigoni qu'il se donna tant de peine pour financer et maintenir en vie.

C'est cet énorme déploiement d'activités et l'ampleur consécutive de son influence qui incitèrent quelques-uns de ses amis américains, sous l'impulsion d'Allen O'Brien, à mettre sur pied le 28 mars 1968, la "L.S.B. Leakey .Foundation for Research Related to Man's Origin" destinée à soulager Louis LEAKEY du temps passé à la recherche des crédits.

Louis LEAKEY avait surtout une formation d'archéologue, dans le sens anglo-saxon du terme (englobant la préhistoire) et d'anthropologue, dans le sens anglo-saxon du terme (englobant l'ethnologie), mais l'orientation de ses recherches devait inévitablement faire de lui un paléontologiste et un paléoanthropologue ; il s'y montra admirateur inconditionnel de Darwin ; sur le plan de la systématique, ce fut un multiplicateur incorrigible d'espèces, de genre et de familles : 11 genres et 28 espèces de cochons dans son travail sur l'Omo de 1954, 6 familles différentes de Primates supérieurs dans son travail sur Fort Ternan en 1968 ! Enfin, en ce gui concerne l'ascendance de l'Homme, il a toujours eu une tendance à la rechercher très loin,ce en quoi il n'a pas eu tort mais, au fur et à mesure qu'il pensait découvrir les ascendants réels, il mettait en voie de garage les candidats précédents ; la découverte, extrêmement perspicace, d'Homo habilis l'a ainsi entrainé à y voir l'ancêtre direct de l'Homo sapiens, poussant par suite en impasse non seulement les Australopithèques nais aussi les Homo erectus (Pithécanthropes) , ce qui est bien probablement excessif.

Sa capacité d'imagination fut, de toute manière, immense ; elle lui fit faire des erreurs certaines, prendre des risques téméraires, lancer des hypothèses hâtives mais elle fut aussi source de vision : "celui qui ne fait pas de fautes n'avance pas", disait-il.

La première image qui vient à l'esprit de qui l'a connu, est celle de l'Homme de terrain, en salopette, "crinière" au vent, courbé sur la terre d'Afrique qu'il auscultait pied à pied ; "j'ai passé plus de temps à genoux que dressé sur mes pattes de derrière" disait-il !

La seconde image est celle de l'Homme d'action, à l'emploi du temps minuté, sans cesse sous pression. Je me souviens que, lors d'une conférence à Londres, un collègue hollandais qui passait des diapositives de gisements paleontologiques africains, en vint à une photographie de Louis LEAKEY à Rusinga ; il présenta le site, nomma LEAKEY et passa à la photographie suivante puis se ravisa, demande que l'on revint en arrière et fit apprécier à son auditoire l'exceptionnalité du document qui montrait LEAKEY assis !

Quand il inaugura en 1959 ses voyages aux Etats-Unis, il se mit à parcourir ce pays d'Université en Université, mettant sur pied d'exténuantes tournées de conférences qui devinrent pratiquement annuelles; en 1959, par exemple, il parvint à donner ainsi 66 conférences en 3 mois.

Quand en 1970, en route vers les Etats-Unis il est arrêté à Londres par une crise cardiaque qui le bloque 6 mois, il va trouver le moyen de fonder une Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux, de s'occuper des activités de l'église de Scientologie, de mener une campagne de protection des forêts de Grande-Bretagne et de tourner une série de film 16 mm pour la Fondation L.S.B. LEAKEY !

Et cependant, s'il avait la visite d'un "scientiste", selon sa propre expression francisée, il savait être extrêmement disponible et donner alors tout le temps qu'il fallait pour recevoir et présenter ses plus récentes découvertes.

La troisième image gui me vient à l'exprit est celle de l'Ami, chaleureux, généreux, hospitalier ; je n'ai jamais connu sa propriété de Langata près de Nairobi sans hôtes, je n'ai jamais connu son camp d'Olduvai en Tanzanie sans invités. Cette générosité il la reportait également sur les animaux ; on peut dire qu'il était naturaliste d'esprit et de coeur. Il avait, dès 1933, travaillé dans une commission d'enquêtes chargée de mettre sur pied un statut de réserves d'animaux ; mais ce n'est qu'en 1945, après la guerre, que purent être fondés les parcs nationaux du Kenya. Louis LEAKEY participa bien entendu à cette fondation et fut un de leurs premiers conseillers d'administration. Sa vie était d'ailleurs toujours peuplée d'animaux variés et il arrivait de rencontrer chez lui, à son domicile ou dans ses camps, des quantités d'animaux amis, parfois les plus inattendus, des civettes, des girafes, des gazelles, des chouettes, des hyrax, des singes, des gnous etc... • .Membre du Langata Poney Club, il fonda aussi le Dalmatian Club près de Nairobi en 1949, fut Président de l'Est African Kennel Club en 1961 et obtint à Londres en 1967 un 1er prix pour son élevage de poissons à queue en delta.

La dernière image que je retiendrai est celle de l'Homme public. En Europe, c'est avec réticence que le monde scientifique se confie à la presse. LEAKEY avait pris l'information à bras le corps et il a réussi le miracle d'intéresser le monde entier à la Paléontologie. Il avait, bien sûr, l'art de rendre sensationnelle, chacune de ses découvertes ; chaque déclaration, qu'elle fut destinée aux savants d'un Congrès ou aux journalistes d'une conférence de presse, prenait l'allure d'une bombe ! Cette attitude lui a été d'autant plus reprochée qu'il s'amusait, il faut bien le dire, à rendre ses révélations les plus anticonformistes possible. Le résultat a été extrêmement bénéfique : catalyseur, il a donné à la Paléontologie en général et à la Paléontologie humaine en Afrique en particulier, une impulsion que seul du recul pourra faire mesurer ; populaire, il a beaucoup aidé à faire connaître l'intérêt et la portée des recherches palêontologiques, ce qui a eu pour conséquence de faciliter, même en France, l'affectation de crédits à cette Science.

"LEAKEY", au-delà de la personne de Louis, c'est aussi Mary LEAKEY, sa femme, dont les travaux de Préhistoire sont éininents et gui dirige seule les chantiers d'Olduvai depuis une dizaine d'années, chantiers qu'elle vient d'étendre avec succès aux gisements de Laetoli ; c'est encore Richard LEAKEY, son fils, qui a entama à l'Est Turkana une nouvelle ère de découvertes éclatantes et qui, à 23 ans, était directeur des Musées du Kenya ; il vient, en outre de fonder, pour succéder au Centre de Préhistoire et de Paléontologie de son père, un énorme Institut sans précédents en Afrique, le Louis Leakey Memorial Institute for African Prehistory. Ce sont également ses fils, Jonathan LEAKEY, fondateur du parc de serpents de Nairobi, actuellement éleveur de serpents sur les bords du lac Baringo, et Philippe LEAKEY, successivement botaniste et minéralogiste, et qui ont largement participé à la grande aventure de leurs parents ; c'est encore Colin, fils d'un premier mariage, qui fait des recherches de sciences naturelles en Ouganda ; et puis la pléiade das chercheurs de tous âges et de toutes origines qui se pressait dans son sillage.

"LEAKEY reçoit plus de visites que Kenyatta" me disait un ami kényen.

Louis LEAKEY est mort à Londres ; il s'apprêtait à s'envoler une nouvelle fois pour les Etats-Unis où il avait envisagé pour le seul mois d'octobre, 10 jours de recherches dans le gisement californien de Calico, 3 à 4 jours de conférences à Seattle, 3 à 4 jours de conférences à San Francisco, quelques jours à Chicago, quelques jours à New York, quelques jours à Minneapolis, quelques jours à Los Angeles ; un programme de films, de télévision, d'enregistrements, la conférence Redman de l'Université McMaster d'Ontario etc.. Louis LEAKEY est mort de travail.

ARAMBOURG et LEAKEY

ARAMBOURG et LEAKEY, LEAKEY et ARAMBOURG, deux hommes bien différents et pourtant deux géants qu'ont animé la même foi en l'Afrique, la même passion pour leur métier, le mène courage sur le terrain.

Nés, tous deux de parents servant sur le continent africain, ils ont eu tous les deux une longue et brillante carrière alimentée et sans cesse renouvelée chez l'un comme chez l'autre, par des campagnes de fouilles sur ce continent.

ARAMBOURG était plus serein, LEAKEY plus fougueux ; ARAMBOURG était parfois surpris, un peu bousculé par la singulière énergie et l'audace provocante de son ami LEAKEY ; LEAKEY était respectueux et admiratif des connaissances et de la sûreté de jugement d'Arambourg qu'il consultait volontiers et taquinait souvent.

Leurs formations étaient un peu différentes et cela s'est ressenti dans leur oeuvre et se constatait dans leur approche des problèmes ; ARAMBOURG était plus géologue et biologiste, LEAKEY plus anthropologue et préhistorien. ARAMBOURG avait reçu l'éducation scientifique française traditionnelle ; LEAKEY avait reçu la forte trempe des collèges de Cambridge, nais cette marque était venue tard et pour peu de temps se surajouter au solide bain d'une éducation de missionnaires pionniers et d'entourage kikuyu au contact étroit de la nature tropicale. C'est, comme on imagine, un bain stimulant. Aussi n'y avait-il pas chez LEAKEY la réserve et la modestie qui caractérisaient ARAMBOURG. ARAMBOURG n'en avait pas moins un côté combattif, il avait été brillant officier, s'était illustré pendant les deux guerres de manière différente mais avec le même courage que LEAKEY de 39 à 45 et pendant la révolte Mau Mau où sa tête était mise à prix 500 livres sterling. Mais ces éducations différentes, liées à leurs caractères différents, donnaiait plus de rigueur à ARAMBOURG, plus de témérité à LEAKEY.

La comparaison est évidemment difficile nais je les ai volontairement traités ensemble car ils ont laissé chacun, quelles qu'aient été leurs différences, une oeuvre monumentale de volume comparable.

Permettez à qui a eu le privilège de les connaitre bien, ensemble et séparément, de rendre non sans émotion,un hommage conrnun très déférent à leur enthousiasme et à leur foi, à leur courage et à leur ténacité, à leur chaleur et à leur générosité. Ils étaient tous deux de très grands patrons, de très fidèles amis, d'admirables exemples ; après avoir tous deux pleinement rempli leurs vies, ils sont tous deux morts à la tâche.

Une aventure très récente donc, puisqu'elle n'a guère plus d'un demi siècle, et deux anniversaires bien modestes, puisqu'ils n'y a que 10 ans que Camille ARAMBOURG nous a quitté et 7 ans que Louis LEAKEY l'a rejoint, mais déjà, je crois, une riche page de l'histoire de la géologie et c'est la raison pour laquelle je me suis décidé à vous la proposer aujourd'hui.

Yves Coppens, 1979.